30 juin 2008

Pour l'amour du maillot

L'Euro est fini, l'Espagne a gagné, tout le monde est content. Les Espagnols sont contents. Les amoureux du beau jeu sont contents, la prime à l'attaque a fonctionné à plein, les pleutres timorés (suivez mon regard) ont été sévèrement punis, et les meilleurs ont triomphé. Les Allemands sont pas trop contents mais ça leur fait les pieds et du coup on est content.

Eh ben quand même, je trouve le moyen de pas être tout à fait content. Oh, certes je ne pleure pas l'élimination de l'équipe de France, on a quand même bien rigolé avec les petites annonces matrimoniales de Raymond. Je pleurniche parce que comme c'est quasiment la règle dans le football désormais, les équipes jouent dans des maillots de couleurs de plus en plus fantaisistes.

Fut un temps (je vous rappelle quand même que c'était mieux avant) où une équipe jouait dans ses couleurs officielles (par exemple la France en maillot bleu, short blanc, bas rouges) et puis basta. Si on rencontrait l'Italie, l'équipe visiteuse enfilait un maillot blanc, Platoche mettait un coup-franc en lucarne, grazie per tutto.

A la rigueur, si la France rencontrait la Tchécoslovaquie (je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître), on nous expliquait que pour les gens qui avaient un récepteur noir et blanc (je vous parle d'un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître), on risquait de confondre maillot bleu et maillot rouge, là aussi, les visiteurs devaient repasser au vestiaire Purée mais qui a encore la télé noir et blanc aujourd'hui ? Sepp Blatter ? Jean-Michel Aulas ? Regardez moi Espagne-Russie en poules : tout va bien, tout le monde joue dans sa couleur officielle, tout le monde nage dans le bonheur.

Elégance, raffinement, dandysme de bon ton.

Le même match, Espagne-Russie en demi-finale, ah ben non, finalement, ça n'allait pas du tout, allez hop ! tout le monde en couleur alternative, les Russes en rouge, les Espagnols en jaune poussin. C'est pour l'anniversaire de Poutine qu'on avait ressorti les maillots soviétiques ? Et qu'on ne vienne pas me dire, oui, mais c'est parce que c'est pas les mêmes qui avaient été désignés visiteurs. Alors oui mais non, parce qu'alors, pourquoi les deux équipes changeraient de couleur ? Ah ha ! J'entends plus personne, là. 

Faute de goût vestimentaire et impair hors collection.

Ne parlons pas de l'équipe de France. Raymond a décidé que les shorts blancs les bas rouges ça fait tafiole, du coup c'est tout bleu ou tout blanc, ou alors à l'extrême rigueur bas rouges, mais c'est un message subliminal pour Estelle, genre ça lui économise une douzaine de roses chez Interflora. 

Va falloir changer de styliste.

Notez que pour les Pays-Bas, c'est pas beaucoup mieux. C'est quoi ces chaussettes bleues pâles ? Johnny Rep doit se retourner dans sa tombe. Sauf qu'il est pas mort, mais enfin je me comprends. Et en Ligue des Champions, c'est pareil, en matière de maillots c'est la Ligue des Village People, c'est n'importe quoi. Et en championnat, c'est bien par...


Un instant, une dépêche vient de nous parvenir...

Mmmmh, hmmm... Ah, d'accord, c'est pour que les équipementiers vendent davantage de maillots pourris. Ah ben si le maillot rouge de l'équipe de France floqué Gomis s'est bien vendu, c'est sûr que ça valait la peine.

28 juin 2008

Pot belge

Bons baisers de Bruges de Martin McDonagh.

Belgicisme anglophone. Deux tueurs qui viennent de foirer un contrat à Londres sont envoyés se faire oublier sur le continent à Bruges. Coup de fil de leur patron : l'un des deux va devoir tuer l'autre.

Un film britannique avec deux Irlandais paumés en Belgique, l'Europe est en marche ! Ça mériterait un oui au traité de Lisbonne. Malheureusement, à l'instar de la construction européenne, le film est un petit peu en panne. Ceux qui ont parlé à son sujet d'un Tarantino européen devraient être condamnés à vie aux frites-mayonnaise de Burger King. A leur décharge, il faut reconnaître que Bruges est connue comme Venise du Nord, tout comme Montargis, Amsterdam, Stockholm, j'en passe et des moins bonnes. Dès qu'une ville compte plus d'un canal, paf, Venise du Nord. Au cinéma, c'est pareil, dès qu'il y a un film de gangsters un peu rigolo, paf, c'est le Tarantino anglais, ou biélorusse, ou chypriote ou que sais-je.

La principale différence, c'est qu'en général, nonobstant son meilleur film (à mon avis) Jackie Brown, Tarantino, c'est un peu du genre survolté. Là, c'est plutôt comme s'il avait eu un enfant illégitime avec l'inspecteur Derrick. Y a pas de presse. Tiens, on va plutôt s'asseoir en terrasse prendre une petite Leffe, on est pas aux pièces j'te dis.

Et malgré les acteurs (Colin Farrell, Brendan Gleeson, Ralph Fiennes) qui en font des tonnes avec leur accent paddy, les personnages ne convainquent pas vraiment, pas plus que scénario et réalisation qui hésitent sans choisir entre thriller, comédie ironique et mélo. C'est que le réalisateur vient du théâtre. Tout s'explique.

Crash-test :

27 juin 2008

Je et un autre

La personne aux deux personnes de Nicolas et Bruno.

Le titre est un petit peu, comment dirais-je, nul, et ça tombe bien, parce que le film n'est, comment dirais-je, pas très bon.

Alain Chabat (au demeurant fort bon), Marina Foïs (au demeurant excellente), Nicolas et Bruno, ça sent les fonds de tiroir de Canal, mais pas de bol, c'est coproduit par TF1. Résultat : au lieu d'un humour décalé corrosif, une comédie à la mords-moi le nœud pour aller manger du popcorn en famille.

Les réalisateurs s'étaient fait remarquer dans Nulle Part Ailleurs avec leurs assez désopilants sketches Un message à caractère informatif où ils remontaient, redoublaient et détournaient des films d'entreprise des années 70, créant leur propre mythologie autour d'une société imaginaire, la Cogip, et d'un certain Jean-Christian Ranu, tous recyclés dans ce film, je ne sais plus si je m'en suis ouvert, pas très bon.

Allez courage, je résume le topo. Accident de voiture : un chanteur ringard ayant connu son heure de gloire dans les années 80 (Alain Chabat) écrabouille un comptable de la Défense (Daniel Auteuil) et se retrouve mystérieusement prisonnier à l'intérieur de la tête dudit comptable. Et donc pendant tout le film, le personnage d'Auteuil a la voix de Chabat en off qui lui cause dans la tête. On le prend pour un fou, semi-drôleries, quiproquos, et le scénario se met en boucle pour la fin. Ben oui, mais aussi comment finir un truc aussi idiot ? Bon, ben, y a plus de popcorn ?

Même si le film a l'ultime bon goût de ne pas nous asséner d'explication explicative à l'assez capillotracté postulat de départ, il faut reconnaître qu'on est loin du loufoque Didier où Chabat faisait le chien avec talent. Et je dis pas ça parce qu'il remuait la queue.

Crash-test :

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26 juin 2008

Requiem pour un massacre

Valse avec Bachir d'Ari Folman.

2006 en Israël, un vétéran du Liban essaie de remonter à la source des ses cauchemars. A la rencontre d'autres vétérans qui lui racontent leur histoire, et de psys qui se penchent sur le stress post-traumatique, il revient à ce massacre de réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila, perpétré par des phalangistes chrétiens alliés d'Israël en 1982, après l'assassinat du président élu Bachir Gemayel. D'où le titre du film, qui paraît d'autant plus ésotérique qu'on avait l'habitude en français de graphier Béchir Gemayel. Mais bon.

Voilà un film, comment dirais-je, assez peu banal. Genre qui ne ressemble à rien de ce que vous avez pu voir. Genre qui crée son propre genre sous l'appellation intriguante de documentaire d'animation.

Parler d'animation peut paraître un peu abusif, vu que l'image a parfois été redessinée à base d'interviews et de prises de vues réelles (ou reconstituées... ???). Non sans un certain talent d'ailleurs. Mais c'est tout de même un peu l'équivalent cinématographique du dessin d'après photo. J'avais donc quelques préventions, (surtout que j'avais en tête le résultat pitoyable du long-métrage 3D branchouille français Renaissance).

Eh bien chapeau, surtout d'ailleurs au directeur artistique David Polonsky, parce que graphiquement le résultat est surprenant, très équilibré, très convaincant. Presque trop, car du coup on est un peu distrait par la beauté des images, qui ne contribue pas au début à accrocher à un contenu à plusieurs niveaux, récit, séquences de rêve, interviews, et à remettre en ordre le dialogue à base de psychanalyse un peu bavarde. Et en fin de compte, le graphisme dessiné, qui permet à Folman une grande liberté de représentation de diverses horreurs, aboutit malgré tout à une forme d'esthétisation de ce qu'il dénonce. Les dernières images du film sont de véritables archives de télévision. Finalement c'était vraiment vrai.

Le film aborde de face un certains nombres de problèmes essentiels liés à la guerre, en général, et son rapport à l'identité israélienne. Il ose même mentionner (sans d'ailleurs l'entériner) le parallélisme entre le comportement des soldats israéliens et le sort fait à leurs parents juifs d'Europe quarante ans avant, ce qui traduit assez le niveau de liberté d'expression dont jouit Israël par rapport à, disons, la France.

Crash-test :

Et pour finir, une petite interview d'Ari Folman piquée sur le site du Monde.

Plus largement, le film évoque les cauchemars récurrents des rescapés de la guerre...
Une psychiatre, chargée de recherches sur le stress post-traumatique, dit dans le film qu'il y a des dizaines de milliers d'Israéliens qui survivent ainsi, avec des souvenirs refoulés de ce qu'ils ont vécu.

Comment s'est opérée votre thérapie ? Grâce à vos séances de psy ou grâce au film ?
La quête de souvenirs traumatiques enfouis dans la mémoire est une forme de thérapie. La mienne a duré quatre ans, au cours desquels j'oscillais entre la dépression engendrée par ce qui resurgissait et l'euphorie du projet de film. Les deux méthodes ont été efficaces, douloureuse pour la partie médicale et agréable pour la partie artistique. Avant de faire le film, je me sentais déconnecté de toute image de moi à 19 ans, comme si ce jeune homme appartenait à une autre vie. Aujourd'hui, j'accepte que ce soit mon histoire, et je sais qu'elle est derrière moi.

Quel a été le processus de création ?

Il n'y avait à mes yeux qu'un seul moyen de faire ce film : par l'animation. Je n'aurais jamais trouvé le budget pour tourner une fiction, et l'hypothèse du documentaire me semblait une mauvaise solution, en particulier parce que la guerre est irréelle. Seule l'animation, avec sa part d'imaginaire, me permettait de montrer ce que je voulais montrer, avec une telle liberté. On échappe aux règles, à l'obsession du vrai et du faux, on peut figurer un rêve, une hallucination, inventer un visage à quelqu'un que vous avez interrogé, mais qui ne veut pas apparaître...

Pourquoi la mer est-elle omniprésente dans le film ?
Je suis marin, c'est toute ma vie. Les images de rêves ne pouvaient pas être situées ailleurs. Pour les psys du film, elle représente la peur. Pour moi, c'est la liberté totale, la vie, la belle vie. Un lieu de paix quand je veux m'échapper. L'image du soldat qui échappe aux milices et rentre à la nage à sa base m'émeut parce qu'elle est antihéroïque. Ce type a répondu à une annonce que nous avions publiée dans le journal pour glaner des témoignages : cela faisait vingt-cinq ans qu'il attendait de pouvoir raconter son histoire à quelqu'un.

Vous avez une façon particulière d'évoquer la guerre comme un acte de virilité. Il y a ce soldat qui vient d'être quitté par sa fiancée, ce rêve du séducteur complexé, cet officier qui regarde une cassette porno...
Les gens deviennent des guerriers pour de mauvaises raisons. Cela a moins à voir avec l'idéologie, souvent, qu'avec les histoires personnelles. Certains partent à la guerre pour épater les filles, d'autres pour régler un problème d'identité. Le cas du type qui s'engage parce qu'il n'a pas de petite amie est assez banal. Pour l'officier, j'ai dû batailler. Certains pensaient que cette séquence détournait le film de l'essentiel. Au début des années 1980, il n'y avait pas de magnétoscopes en Israël. J'ai voulu montrer la découverte de ces machines par les soldats au Liban.

Pourquoi finissez-vous le film par des images réelles ?
Il aurait été dommage que le public reparte en n'ayant vu que de l'animation graphique. Je tenais à lui montrer que les images dessinées étaient peut-être belles, mais qu'il y avait eu des milliers de personnes qui étaient mortes, hommes, femmes, enfants, vieillards...

Propos recueillis par Jean-Luc Douin.

24 juin 2008

Retour de flamme

Magnifique incendie dimanche au centre de rétention administrative de Vincennes, où croupissaient deux-cent quarante-neuf étrangers clandestins en attente d'une décision sur leur sort. Le deux-cent cinquantième venait justement de mourir. De chagrin. A force de jouer avec les allumettes, ça devait arriver. Ces gens-là n'ont aucune conscience.

L'occasion de revenir sur la politique d'immigration de notre pays, dont la délicatesse et le bon sens forcent l'admiration du monde entier. L'occasion surtout de relever cette petite expression qui judicieusement utilisée à propos des sans-papiers, permet de justifier tous les piétinages de droits, tous les dénis d'humanité : au cas par cas.

Matraquages ? Rafles ? Détentions abusives ? Familles écartelées ? Enfants traumatisés ? Pluie de condamnations de la Cour européenne des droits de l'homme ? Oui, mais chaque dossier, nous assure-t-on, est traité au cas par cas ? Ah bon, si c'est au cas par cas, alors ça va.


Ce procédé de langage, comme par magie, permet de mener une politique expéditive au risque de quelques exactions vite pardonnées, permet de se cacher derrière son petit doigt, permet de faire ce qu'on a pas dit et ne pas faire ce qu'on a dit. Et tout ça en clouant le bec à l'opinion et aux médias. Ce serait dommage de se priver.

Les pires méfaits sont excusés d'avance du moment qu'ils sont commis au cas par cas. L'histoire est remplie d'enragés génocidaires, de meurtriers de masse, d'exterminateurs spécialistes ou éclectiques, tous convaincus d'œuvrer pour le bien du genre humain. Auraient-ils eux aussi affirmé procéder au cas par cas, nul doute que les manuels scolaires loueraient aujourd'hui leur tact, leur compassion et leur humanité.

23 juin 2008

Allo maman bobo

Bienvenue à Boboland de Dupuy-Berberian.

Philippe Dupuy et Charles Berberian (par ordre non alphabétique) traînent comme un boulet une réputation à peine usurpée de chantres de la boboïtude. La faute à Monsieur Jean, jolie série joliment dessinée avec de jolies couleurs pleine de gentils personnages gentiment névrosés. Drôle et tendre à la fois, pour reprendre l'expression qui accompagne en général la promo cinématographique des oubliables comédies françaises à la mords-moi le nœud où on peut aller manger du popcorn en famille.


L'album rassemble de courtes chroniques, de quelques planches chacune, prépubliées dans Fluide Glacial. Toute l'action se déroule sur cent mètres de berges du canal Saint-Martin à Paris, double concentré de branchitude bobo, microcosme d'exception pour créatifs névrosés, mères de famille à la page, mannequins anorexiques, artistes conceptuels, SDF crasseux, serveuses odieuses, designers équitables, et psychanalystes bio. Toute ressemblance...gna gna gna... vous connaissez la suite... fortuite et involontaire.


Eh ben voilà, avec cet album, la saison se prêtant aux métaphores footballistiques, c'est contre-pied total et patate en lucarne. Dupuy-Berberian ne chantrent plus, et même se paient allègrement la fiole de... mais de qui donc au juste ? Leurs voisins ? Leurs amis ? Leurs familles ? D'eux-mêmes ? Des blogueurs du dimanche ? Euh, non... pas des blogueurs du dimanche, mais il s'en fallait de peu. C'est un vrai plaisir que de voir les auteurs renoncer à l'eau tiède pour se lancer dans le sarcasme caustique et l'ironie au vitriol. On retrouve un peu les méchants Dupuy-Berberian d'Henriette avec de la bouteille en plus, que demande le peuple ? Je ne voudrais pas flagorner outre mesure, mais ça rappelle presque, par la peinture consternée d'une époque partie en vrille, les Frustrés de Brétécher pour les années 70.


Parce qu'outre qu'il est assez férocement drôle, l'album est aussi graphiquement très abouti. Peut-être n'est ce encore qu'une phase dans l'évolution des deux compères, mais on dirait qu'ils ont bien digéré leurs digressions en solo, et brillamment équilibré leurs expériences en BD et en illustration pour amalgamer le meilleur des deux. Chaque page semble déconstruite tout en étant discrètement structurée : liberté apparente, rigueur sous-jacente, de la belle ouvrage. De super belles couleurs (équitables et bio) que Dupuy-Berberian ont confiées à Ruby, encore qu'elle ne soit pas mentionnée explicitement partout mais chapeau quand même.


Y a juste un truc qui m'agace un tout petit peu prodigieusement, surtout venant de Grands prix de la ville d'Angoulême, c'est qu'ils s'obstinent, travers malheureusement commun dans la BD, à confondre "ah" et "ha". Leurs personnages rient en faisant "ah ah ah" comme s'ils venaient plutôt de découvrir un truc super intéressant justifiant leur exclamation. Essayez à voix haute, vous verrez, tout éclat de rire commence par un "h" aspiré : "ha ha ha" faudrait-il donc écrire. A l'inverse, on écrit "ah bon", "ah tiens", "ah oui", ou encore "eh bien", et non "et bien".

Et puis aussi les pages sont pas numérotées, flûte ! Au prix où ça coûte ! Bon ça doit être juste moi. Je prends mes pilules et je vais me coucher.

21 juin 2008

La retraite de Norvège

La nouvelle vie de Monsieur Horten de Bent Hamer.

Terminus ferroviaire. Un conducteur de train célibataire prend sa retraite, et son train-train (ha ha ha, train-train, vous saisissez ?) bien ordonné déraille (ha ha ha...) progressivement, ébranlé par une série d'incidents mineurs mais insolites qui l'amènent à réfléchir sur le sens de la vie, l'importance du saut à skis, et la longueur des tunnels de chemin de fer.

Que ceux qui n'ont jamais vu un film norvégien me jettent la première pierre ! Lancée comme un défi, cette phrase sert généralement de bref prélude à la subséquente lapidation de son auteur.

Et pour ma part j'avais déjà vu un film du même Bent Hamer, pas mal du tout, Kitchen Stories. Si on retrouve ici un style formel d'une grande beauté et surtout d'une grande intelligence, avec des dialogues minimalistes, on reste un peu sur sa faim en espérant que le scénario, empreint d'ironie froide et de loufoquerie glacée, va nous mener quelque part. Mais il faut bien avouer qu'à force de minimalisme, on frise le pas grand chose, et que le style n'évite pas quelques longueurs.

On apprend en tout cas que peu de lieux publics semblent gardés, ou même fermés à clé, la nuit, à Oslo. Piscines, saunas, hangars de locomotives, marinas. Bon à savoir pour vos prochaines vacances.


Crash-test :

20 juin 2008

Renothon

J'ai scanné ça aujourd'hui dans une feuille gothique concurrente et vespérale. A en juger par la fraîcheur du teint du célèbre éphèbe neuilléen, ça ne date pas d'hier.


Vous aussi, si vous avez un cerveau, vous pouvez sauver un grand acteur français ! Envoyez vos dons à notre rédaction qui transmettra.

T'inquiète pas Jean, on va te tirer de là !

18 juin 2008

On vit ensemble, on vibre ensemble

Les Bleus à la noce, Trézéguet garçon d'honneur.

16 juin 2008

Le nombril du monde

Je suis finalement arrivé, ces derniers jours, au bout des six saisons de la série Curb Your Enthusiasm de Larry David, ce qu'on pourrait traduire Modère tes ardeurs ou Cache ta joie. Sous le titre plus lointain de Larry et son nombril, la première saison avait été diffusée il y a déjà un bon bout de temps sur Canal Jimmy. La petite chaîne des séries avait essayé, sans y parvenir, de capitaliser sur le succès de Seinfeld, dont Larry David est le co-créateur, et en était restée là. En fait, petit rappel pour les fans de la reine des sitcoms, Seinfeld (A Show About Nothing), Larry David était la principale inspiration du personnage de George Costanza, le chauve neurasthénique et veule perpétuellement à côté de la plaque. Pour paraphraser Flaubert, George, c'était Larry.

Quittant la série Seinfeld en plein succès, Larry David, le juif new-yorkais, se retrouve exilé à Hollywood, assis sur un tas d'or, à se tourner les pouces. Que faire ? Il réalise un long métrage au scénario astucieux autour d'un gain au casino, Sour Grapes (dont s'est apparemment largement inspiré le récent film Jackpot) mais qui ressemble à s'y méprendre à un épisode de sitcom. Sans que ce soit un compliment. Malgré l'échec, le film va servir de prototype à un autre projet...

Dans la peau de Larry David.

Bye bye le cinéma, retour à la télé. Une idée de génie, et c'est reparti : Larry convainc HBO de financer une série autour du personnage d'un ancien auteur de sitcom, juif new-yorkais à Los Angeles, qui se tourne les pouces, et essaie de monter une sitcom qui raconterait la vie d'un ancien auteur, bref, un peu lui-même... mise en abyme... vous voyez le topo. C'est pas que l'idée soit follement originale, c'est surtout qu'elle s'imposait un peu d'elle même.

L'originalité, c'est que Larry David, redevenu aussi acteur, se retrouve seul maître à bord, fait ce qu'il veut, bousculant quelques conventions du genre. Pas de rires enregistrés. Pas de dialogues écrits à l'avance, Larry écrit les scènes comme devant partir d'un point A pour arriver à un point B, avec grande latitude aux acteurs pour faire vivre leurs personnages. Résultat : les dialogues se chevauchent fréquemment, les acteurs rattrapent parfois une approximation, comme dans la vraie vie. Ajoutez à cela la vidéo à l'épaule et vous avez l'impression d'être plongé dans les coulisses d'Hollywood, avec tous ces acteurs, Ted Danson, Michael York, Ben Stiller, David Schwimmer, Mel Brooks, j'en passe, qui jouent leur propre rôle. Ça fait vraiment vrai, sur un ton assez inhabituel dans l'univers ultra formaté de la sitcom.
Et surtout il y a l'humour hargneux de Larry David auteur, qui s'écrit un personnage sans complaisance, égocentrique, insensible, maniaque obsessionnel, observateur des petits dysfonctionnements quotidiens jusque dans les moindres détails, entouré d'autres névropathes obnubilés par le paraître et le qu'en dira-t-on. Le Larry de Curb Your Enthusiasm se trouve systématiquement en butte au politiquement correct, incapable de décoder des codes sociaux qu'il juge absurdes, passant le plus clair de son temps à se confondre en excuses qui ne servent qu'à le plonger plus profondément dans l'embarras, le ridicule, et l'ostracisme.

Si la Californie a toujours vingt ans d'avance sur nous autres bouseux européens, on va bien rigoler !


Une scène muette pour les non anglophones.

14 juin 2008

La glorieuse incertitude du sport

A la surprise générale, la république d'Irlande, qui n'était pourtant pas qualifiée pour le grand raout alpin, vient de remporter haut la main la finale de l'Euro 2008 sur le score sans appel de 26 à 1.

Tiens, prends ça !

Estomaquées comme de juste, les instances du sport européen s'interrogent : faut-il faire rejouer le match ?

13 juin 2008

Les derniers beaux jours de Pompéi

Ne nous sommes-nous pas réjouis un peu vite de l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics y compris bars-tabacs et restaurants ? Certes, on peut désormais aller se taper une tête de veau chez Polidor avec son bébé sans craindre de le voir tirer une bonne grosse taffe sur le Monte Cristo de notre voisin de table.

Un paquet de gitanes.

Mais une promenade dans les rues de Paris aux beaux jours révèle que les fumeurs, jamais à court d'idées pour nous pourrir la vie, tiennent visiblement leur revanche. Partout à chaque coin de rue, devant chaque porche, sous chaque auvent, des fumeurs, chaque jour plus nombreux comme le printemps avance vers le solstice, s'agglutinent pour s'adonner à leur vice, et pour peu qu'un peu de brise berce leurs coupables exhalations, distribuent assez généreusement suffisamment de cendres aux quatre vents pour que le moindre passant se voie rapidement recouvert d'une épaisse couche grise plus sûrement qu'un Philippin en goguette sur les pentes du Pinatubo. Au minimum, votre femme vous offrira illico du Pétrole Hahn antipelliculaire.

Printemps à Paris.

Bref, nous étions bien tranquilles dehors, mais ne pouvions pénétrer le moindre bâtiment sans risquer l'asphyxie. Nous sommes désormais bien à l'abri à l'intérieur, mais ne pouvons plus prendre l'air sans risquer tel Pline l'Ancien à Pompéi la pétrification pour la postérité.


Hé man, t'as pas du feu ?

Un conseil aux truands non-fumeurs : braquez la Banque de France pendant la pause cigarette, tous les agents de sécurité en grillent une sous le platane près de l'entrée.

12 juin 2008

Effroyables jardins

Phénomènes de M. Night Shyamalan.

Fable fantastique écolo. Un mal mystérieux, parti des parcs des grandes villes, se répand sur la côte nord-est des Etats-Unis, poussant tous ceux qu'il touche à se suicider illico.

Shyamalan, qui est aussi son propre scénariste, s'est spécialisé dans les films à idée-force, construits en entonnoir vers la résolution finale d'un mystère. Des fois ça marche (Le sixième sens), des fois pas (Incassable). Ici, il a perfectionné le modèle en le simplifiant, avec cette série B efficace et plaisante, dans la lignée des classiques de années 50 ou 60. Le mystère nous tient en haleine, les personnages ont juste l'épaisseur souhaitée pour faire vivre le sujet. Pas de gore, peu de pathos.

L'une des qualités du film, c'est de n'apporter qu'une explication finale assez floue, laissant la porte ouverte à différents degrés d'interprétation. Une autre est de faire partager le désarroi des personnages devant l'incapacité à pouvoir désigner, identifier le mal qui les atteint. Une fois la crise passée, cette incapacité demeure, qui renvoie l'espèce humaine à sa place de simple rouage dans le grand ordonnancement de l'univers, place d'où, nous suggère-t-on sans doute, elle n'aurait jamais dû prétendre sortir.

Crash-test :

10 juin 2008

Le Michel-Ange de la caricature

Exposition Daumier à la Bibliothèque nationale de France (site Richelieu).

J'ai failli passer pour une grosse buse en allant voir cette expo deux jours seulement avant sa date prévue de fermeture. De quoi aurais-je eu l'air alors en chroniquant et en conseillant une expo fermée ? D'une grosse buse, je ne vous le fais pas dire. Heureusement, grâce à son succès mérité, l'exposition est prolongée jusqu'au 29 juin, et ma carrière dans la fauconnerie est remise à plus tard.

Honoré Daumier (1808-1879).

On aime Daumier sculpteur, on adore Daumier peintre, mais il faut vénérer Daumier roi de la caricature de presse, au point qu'on peut se demander s'il n'a pas défini à lui seul ce genre, au fil des quatre mille dessins qu'il réalisa au cours de sa prolifique carrière.

De ces planches lithographiques, la BnF en montre deux-cent vingt, des célèbres, et d'autres plus rarement montrées, ainsi que trois pierres, sélectionnnées avec soin, pour offrir un panorama aussi large et synthétique que possible du talent du bonhomme.

Et pour les buses qu'on aurait malgré tout laissées entrer, le commissaire a eu la bonne idée de rappeler en quoi consiste la technique de la lithographie. En fait je n'avais pas la moindre idée de comment ça marchait. Ou alors je pensais qu'il fallait graver la pierre. Genre au burin. Quelle buse ! En fait, l'artiste dessine au crayon gras, puis une solution acide est passée sur la surface, rendant la pierre poreuse, sauf les zones couvertes de gras. Puis la pierre est mouillée, nettoyée, et enfin et encrée, sauf que les zones mouillées repoussent l'encre. Du coup, seules les zones dessinées au départ retiennent l'encre. Je crois que c'est clair, non ? Un coup de presse, et hop, des centaines, des milliers de tirages ! Et le pékin qui achetait le Charivari pour quelques centimes repartait avec un tirage original de Daumier sous le bras. Une petite fortune aujourd'hui. La belle époque.


La difficulté était qu'il fallait dessiner à l'envers, et en ce qui concerne les lettrages, il est amusant de constater que Daumier s'oublie un peu parfois à merdouiller ses "N", ses "S", quand ce ne sont pas ses propres initiales "hD" qui se retrouvent dans le mauvais sens !


Les planches exposées sont donc soit des pages de journal, soit des épreuves d'imprimerie, appelés des "blancs". Et quelques uns de ces blancs ont été mis en couleurs par des aquarellistes qui en faisaient des modèles, que de petites mains se chargeaient ensuite de copier pour des éditions couleurs, vendues en option pour des recueils reliés.


On ne saurait dire si Daumier a dû son succès à l'excellence de son trait, d'abord appliqué, puis, de plus en plus, aussi libre que précis, ou à la finesse de son esprit, l'acuité de son sens de l'observation, la férocité des jugements qu'ils passait sur ses contemporains, puissants comme sans-grades. Sans doute est-ce surtout la conjonction des deux, dessin et esprit indissociables, qui a permis à Daumier d'élever son métier au rang d'art.


A noter qu'Anastasie l'a envoyé passer six mois de repos bien mérité à la prison de Sainte-Pélagie pour avoir en 1832 publié ce dessin intitulé Gargantua, qui ne flattait guère le bon roi bourgeois Louis-Philippe.


Dernier détail amusant : Daumier se contentait en général de légendes succintes et percutantes. Mais les journaux qui l'employaient utilisaient aussi des légendeurs professionnels, payés à la ligne, qui transformaient le texte en gros pâté indigeste, dévoyant parfois le sens voulu par l'auteur, quand ils ne se chargeaient pas carrément de "corriger" le dessin !


Mes excuses pour la foultitude des illustrations, mais quand on aime, on ne compte pas. Et encore je me suis retenu. On peut en voir davantage en visitant l'expo virtuelle de la BnF.


Je serai complet en mentionnant que l'excellent Totoche m'a pris de vitesse en publiant son avis sur cette expo sur son blog Plan B (D).