22 octobre 2012

Cases africaines, épisode 2

Nous suivons toujours avec un intérêt partisan l'agenda des sorties de BD africaine dans la collection que dirige Christophe Cassiau-Haurie chez L'Harmattan. Ce mois-ci, deux nouveaux titres venus du Congo et du Cameroun.

Mokanda illusion de Mongo Sisé.

Mongo Sisé, auteur congolais puis zaïrois puis à nouveau congolais, paix à ses cendres, fut l'un des précurseurs de la bande dessinée sur le continent. Il fut brièvement élève d'Hergé à Bruxelles. Il en revint avec de la ligne claire plein la plume, qu'il maria avec brio avec une verve très africaine, nourrie d'un sens de l'observation qui fait la marque des grands créateurs. Mokanda illusion est sa dernière BD, qui évoque sur un rythme endiablé l'émoi que cause, d'un bout à l'autre de Kinshasa, une simple lettre arrivée d'Europe. Le dessinateur mourut en 2008 juste avant d'en terminer l'encrage. Ce livre présente cette version inachevée, ainsi qu'une version de travail que Sisé utilisait pour démarcher des sponsors, afin de financer son projet ! Cerise sur le gâteau : un dossier biographique très complet et richement illustré, qui achève de faire regretter l'absence de cet auteur attachant, tout de suite après qu'on a fait sa connaissance.


Cargaison mortelle à Abidjan de Japhet Miagotar.

Japhet Miagotar est un auteur camerounais, qui s'est fait remarquer et primer dans un festival italien consacré à la BD africaine. Gonflé à bloc, il s'est lancé dans un projet ambitieux pour son premier récit grand format : construire une fiction sous forme de thriller politico-écologique autour de l'affaire tragique du Probo-Koala, ce cargo, affrété par une antipathique mutinationale, qui avait épanché plusieurs tonnes de produits toxiques dans les rue d'Abidjan. Miagotar a, pour ce faire, choisi un graphisme absolument étonnant inspiré de l'art statuaire traditionnel africain.


Précédemment dans Cases africaines.

20 octobre 2012

La banalité du coup de fil

Compliance de Craig Zobel.

Canular téléphonique. Une journée comme les autres dans un restaurant fast-food de quelque banlieue miteuse de n'importe quelle ville des Etats-Unis. Le téléphone sonne. Au bout du fil, un homme qui se dit agent de police va, au prétexte d'enquêter sur un vol, prendre peu à peu possession de chacun des employés jusqu'à les amener à commettre l'irréparable.

Le scénario est un tel tour de force narratif, psychologique, et cinématographique, qu'on a peine à croire qu'il est en fait inspiré d'un fait-divers bien réel. Et ce fut un réel plaisir que de s'asseoir dans une salle sans savoir à quoi s'attendre, puis de se demander, interloqué, où le réalisateur voulait bien nous conduire, avant de deviner progressivement son propos au fur et à mesure que les intentions de l'homme au bout du fil devenaient plus évidentes et plus malsaines. Il faut traduire le titre, compliance, qui mélange les deux notions d'obéissance servile et de conformisme, pour mieux comprendre la force et l'intérêt de ce film qui démonte de façon terrifiante le processus psychologique qui peut conduire quelqu'un à accepter l'inacceptable et à commettre un crime. La clé de ce processus se trouvant dans la faculté qu'a le manipulateur de convaincre le manipulé qu'il peut se croire exonéré de toute responsabilité personnelle. Difficile, alors, au milieu des hamburgers, des grumeaux de panure et de l'huile de friture, de ne pas penser à Hannah Arendt, à Eichmann, et à la banalité du mal. On finit d'être stupéfait en découvrant la profession qu'exerce l'odieux appelant, qui l'a si bien préparé à commettre son forfait, et beaucoup d'autres puisque dans la réalité le manège s'est répété sur le même mode dans une trentaine de restaurants...

Le film se termine avec les incertitudes des parties prenantes de ce sordide fait-divers quant à leur degré de responsabilité, mais surtout, en montrant la police interpellant l'auteur des coups de fil, dans le but, heureusement, de mettre fin à ses agissements. Mais aucune scène d'audition, de procès, encore moins de condamnation du suspect ne nous est montrée. Et on peut alors légitimement s'interroger encore, en ressortant abasourdi de la salle de cinéma : mais, au fond, sous quel motifs peut-il être pénalement poursuivi, pour avoir seulement passé des appels sous une fausse identité, et demandé à des gens de faire ceci ou cela, qui l'ont accepté, en rechignant ou pas, mais qui l'ont accepté ? Tout ce que les employés du fast-food ont fait ou laissé faire, ils auraient pu le refuser à tout moment. Qui est coupable ?

Crash-test :

17 octobre 2012

Ecran de fumée

73 000 décès liés au tabac chaque année en France (contre environ 3000 pour les drogues illicites, hors décès par balles à Marseille). Mais c'est tellement cool ! s'est dit l'association Droits des non-fumeurs, qui fait circuler ces amusantes fausses publicités délicieusement rétro.


16 octobre 2012

L'aloi des séries, épisode 9

Nous vous invitons à un petit tour du Royaume-Uni avec ces quelques productions récentes, toutes plus passionnantes les unes que les autres. Non seulement la perfide Albion, est l'autre pays des séries, mais son savoir-faire en la matière souligne cruellement le ridicule des productions françaises, en prouvant bien que des Européens peuvent tout à fait, en s'en donnant les moyens, imposer leurs thèmes et leur style dans ce genre télévisuel.

Downton Abbey.

Cette splendide série historique en costumes démarre en 1912 au moment du naufrage du Titanic, et va nous conduire, à travers le premier conflit mondial, jusqu'à l'émergence d'un nouveau monde moderne, où il faut que tout change pour que rien ne change. Cet ambitieux Guépard à l'anglaise, qui mêle le destin d'une famille noble et celui des domestiques de sa maisonnée, réunit petite et grande histoire avec une grande acuité sociale et une justesse de ton qui doit autant à la mise en scène et à l'aspect visuel remarquablement maîtrisé, qu'au talent de l'interprétation. La troisième saison est en cours de diffusion sur ITV.

Accused.

Réalisme social à nouveau, mais cette fois-ci sur le mode contemporain, avec cette série qui présente en fait des téléfilms indépendants bâtis sur le même modèle : des faits-divers emblématiques de sujets de société forts, qui partent de l'heure du verdict des accusés pour déconstruire et comprendre leur motivations, les raisons et l'enchaînement dramatique de circonstances qui les ont conduits dans le box. Le spectateur est ainsi à son insu mis dans la peau d'un membre du jury... coupable ou non coupable ? Six épisodes dans la première saison, quatre dans la seconde, tous époustouflants.

Top Boy.

Mini-série de quatre épisodes qui raconte les mésaventures d'un gamin d'une cité un peu pourrie, laissé à l'abandon par une mère malade, et pris en étau dans les manigances de gangs de dealers. Le thème a beau être un peu rebattu, la force stylistique de la mise en scène et en images fait comprendre justement ce sentiment d'abandon total éprouvé par des pans entiers de notre société, un sentiment qui n'a malheureusement rien de spécifiquement britannique...

Hit & Miss.

Mia, tueuse professionnelle, s'appelait Ryan, a une forte poitrine, et aussi des couilles, au propre comme au figuré, puisque c'est une transsexuelle avant opération. Elle se réinvente une famille après la mort de la mère de son fils... Le postulat est assez invraisemblable, pour ne pas dire racoleur, et curieusement la réalisation est une épure tout en retenue, dont la douceur languissante n'est perturbée que par de rares éruptions de violence liées au métier de l'héroïne. Une seule saison de six épisodes. Etonnant.

Previously dans L'aloi des séries.
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