26 janvier 2014

Noir c'est noir

12 Years a Slave de Steve McQueen.

Le temps béni des plantations. Aux Etats-Unis au début du XIXe siècle, un violoniste de l'Etat de New-York est attiré dans le sud du pays, enlevé et vendu comme esclave. Il lui faudra douze ans pour faire reconnaître son statut d'homme libre et échapper à ses tortionnaires.

Sur le thème délicat de l'histoire de l'esclavage aux Etats-Unis, apte à déchaîner les passions (voir ci-après), le britannique Steve McQueen fait preuve d'une grande maîtrise à exploiter un scénario particulièrement intelligent, qui ne recourt au pathos que comme une inévitable nécessité dictée par le sujet et non imposée a priori. La vie de Solomon Northup, personnage ayant réellement existé, est un raccourci saisissant de plus de trois siècles de traite négrière où des hommes libres furent capturés, déportés, puis durent s'en remettre à la bonne volonté de leurs maîtres pour recouvrer finalement la liberté. Le récit démontre comment le système esclavagiste transforme un homme, noir, en un vulgaire nègre, c'est à dire rien de plus qu'un objet. Mais autant il était relativement facile d'enfoncer ainsi les portes ouvertes, autant il était plus délicat de faire sentir comment cette barbarie non seulement broie ses victimes, les esclaves noirs, mais aussi, plus subtilement, corrompt également les maîtres, pervertissant ainsi une société entière et les hommes qui la composent, au sens très cru où la perversité des rapports humains devient la règle.

Le film aborde habilement, avec des personnages parfaitement dessinés mais pas caricaturaux, la nécessaire réflexion sur les questions morales, voire religieuses, que soulèvent l'esclavage et son corollaire, le racisme, qui lui a durablement survécu. Il fallait sans doute un réalisateur et des interprètes britanniques pour parvenir ainsi à faire sentir la cruauté nue et en tirer des leçons universelles sans souffrir de l'affect et des préjugés de trop d'Etasuniens quand ils considèrent leur histoire. On soulignera donc tout particulièrement les prestations de Chiwetel Ejiofor en homme brisé et celle plus encore dérangeante de Michael Fassbender en brute sanguinaire sûre de son bon droit et, pour cette même raison, particulièrement effrayante.

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Supplément gratuit

Cent cinquante ans après la fin de l'esclavage aux Etats-Unis, les sensibilités sont encore à fleur de peau, et l'ère de la communication électronique contribue encore à attiser les passions. Le sujet de l'esclavage et de la traite des nègres, thème du film 12 Years a Slave de Steve McQueen, sert encore d'exutoire où se projettent des frustrations très contemporaines. Deux polémiques au moins, à ce jour, ont accompagné ce film.

Tout d'abord en Italie, où des affiches promotionnelles ont préféré insister sur des acteurs blancs bien connus comme Brad Pitt (qui n'a pourtant qu'un petit rôle) ou Michael Fassbender, plutôt que de mettre en avant l'acteur principal, Chiwetel Ejiofor, dont le nom exotique trahit les origines nigérianes. Les distributeurs, qui ont finalement retiré les affiches, ont juré qu'il ne s'agissait que de motivations crassement commerciales, et pas du tout de frilosité due à un racisme peu latent. Au pays où une ministre de la République se voit traitée de guenon et conseiller de rentrer au Congo par des députés...

 
Et puis plus récemment en France, où le journal gratuit 20 Minutes a titré le 22 janvier en une Un film coup de fouet, jeu de mot d'un goût peut-être discutable, mais qui a réveillé des vocations de censeur chez nombre de petits ayatollahs électroniques qui se sont auto-proclamés arbitres du bon goût et ont exigé des excuses. Droit dans ses bottes, le directeur de la rédaction n'en a rien fait et a répondu, avec courtoisie mais fermeté, que l'intention n'était pas de faire rire mais plutôt de souligner la puissance visuelle et la violence du film. D'autant plus que les scènes de flagellations, particulièrement gratinées, y abondent. Tant pis pour les mal-comprenants.

25 janvier 2014

MMXIV

La rédaction d'Hobopok Dimanche adresse ses meilleurs vœux à ses nombreux lecteurs et bien de la veine pour la nouvelle année.

12 janvier 2014

La vie est un long fleuve tranquille

Tel père, tel fils de Hirokazu Koreeda.

Bonsaï généalogique. Deux bébés ont été échangés à la maternité, six ans après l'hôpital s'en aperçoit et prévient les familles, en suggérant de procéder à un nouvel échange. Les deux familles ne se ressemblent guère, les deux pères encore moins, qui voient ainsi testée leur paternité.

Le sujet aurait pu donner un magnifique court-métrage d'une vingtaine de minutes, malheureusement, ce film dure pas loin de deux heures, dont chaque seconde paraît interminable. Surtout que pendant toute la projection on se demande par quel artifice inattendu ou rebondissement spectaculaire de dernière minute le réalisateur va nous éviter l'inexorable fin qui se profile grosse comme une maison dès le tiers du film. Mais non, aucune surprise, la morale de l'histoire est d'une convention consternante : tout ça pour ça.

Le spectateur avisé aurait pu se contenter de trouver la morale de cette histoire en lisant attentivement le ticket qui lui avait été remis à la caisse de son cinéma : ni repris, ni échangé.

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10 janvier 2014

Frigide barjot

La reine des neiges de Chris Buck et Jennifer Lee.

Bûche glacée. Dans un royaume scandinave indéterminé, deux princesses orphelines cherchent à accomplir leur destin. L'aînée, couronnée reine, doit vaincre le sort qui lui a accordé d'effrayants et glaçants pouvoirs magiques en la forçant à vivre coupée du monde, l'autre voudrait trouver l'amour et aider sa sœur à dégivrer un peu.

C'est peu dire que le scénario, qui n'a de ressemblance avec le conte d'Andersen que le titre, est confus. Reprendre à tête reposée l'ensemble des péripéties et leur enchaînement ne servirait qu'à mettre en évidence incohérences et invraisemblances à foison. Mais tout s'enchaîne à la vitesse de l'éclair, rythmé par une surabondance d'assommantes chansonnettes sirupeuses dont Disney a le secret. Les gamines adorent ces princesses musicales, les parents moins.

Dommage, car en s'appuyant sur qualité d'animation Pixar, et en acceptant le côté sombre du conte d'origine, Disney aurait pu faire un film plus linéaire et percutant. En contrepoint aux nombreux défauts, on peut souligner la qualité du design inspiré du folklore scandinave, et l'originalité d'un personnage secondaire en forme de bonhomme de neige désarticulé, aussi réussi qu'inutile dans la narration. Grâce à quoi le film évite la débâcle.

Crash-test :