6 juillet 2010

C'était mieux avant

Je recherchais récemment, en pure perte d'ailleurs, à retrouver en vente sur internet un exemplaire de mon premier dictionnaire, le Larousse des débutants, qui m'avait été gracieusement offert par la ville de Saint-Etienne à mon entrée au CE2 en 1975, et dont les saisissantes planches de drapeaux ont fait de moi le vexillologue le plus raffiné du Bourget.


Une couverture magnifique, au graphisme tout droit sorti des années 60, et dont le subtil post-modernisme abstrait n'a, contrairement aux petits lecteurs, pas pris une ride. Sous l'apparent sérieux du motif géométrique, équilibré, percutant, la promesse de voir résolu le mystère des mots... Et si je n'ai pas retrouvé ce joli petit volume, je me suis aperçu avec effroi que la bonne maison Larousse n'avait cessé de réimprimer et mettre au goût et aux couleurs du jour l'ouvrage, avec une réussite graphique toute relative en ce qui concerne sa couverture, dont nos lecteurs peuvent juger.


Moralité : jusque dans les années 70, on faisait confiance aux mômes pour intégrer et digérer des créations visuelles qui n'avaient rien à envier aux plus belles éditions d'art contemporaines. Aujourd'hui, on les prend pour des goyaves, en leur refilant une innommable bouillie graphique tristement dépourvue de toute vertu éducative pour l'œil. Pouah.

1 juillet 2010

Pierre Probst : Caroline, c'est moi

Tout le monde ne peut pas être Emma Bovary. Le créneau de la neurasthénique provinciale d'âge mûr travaillant du chapeau étant déjà occupé, l'Alsacien Pierre Probst a dû se contenter de la débrouillarde et généreuse petite gamine blonde avec des couettes qu'il a vêtue d'une sempiternelle salopette rouge. Caroline, c'est lui. Et la famille était complétée par une ribambelle de petits animaux anthropomorphes dont voici la liste exhaustive. Pouf : chat blanc, Noiraud : chat noir, Youpi : cocker, Bobi : chien noir à poil ras, Pipo : chien noir à poil long, Boum : ourson, Kid : lionceau, Pitou : panthère.


Ces personnages animaliers étaient apparus au début des années 50 dans des petits Albums roses, branche française des fameux Little Golden Books étasuniens. Bientôt, une petite fille apparut, vite prénommée Caroline, comme la grand-mère de Probst, et qui ressemblait trait pour trait à Simone, la fille de l'auteur. Et Hachette qui avait demandé un petit héros pour une série de grands albums, se retrouva avec cette invraisemblable famille dirigée par une intrépide petite fille, que Pierre Probst réussit à imposer. Il n'est pas exagéré d'y voir un soupçon de féminisme avant l'heure, si on compare la nouvelle héroïne à ses devancières, genre Bécassine (sans commentaire) ou ses contemporaines genre Martine, pré-ménagères un rien nunuches.


Le succès fut immédiat, et la série donna prétexte à quelques chefs d'œuvres incontestés de littérature enfantine illustrée, tels que Caroline à travers les âges, ou encore Caroline sur la lune, qui a fait presque autant pour la conquête spatiale qu'On a marché sur la lune de qui vous savez.

Tennis-météorites.

Pierre Probst, qui avait encore connu un succès mitigé avec les albums de Fanfan, pendant masculin et écolo avant l'heure de l'aventureuse Caroline, a illustré aussi des atlas, des encyclopédies animalières, et même plusieurs albums d'une série historique, La vie privée des hommes, toujours pour Hachette Jeunesse, rédigée entre autres par Pierre Miquel, mais qui ne casse pas trois pattes à un Funcken. Il avait aussi pour ses œuvres de jeunesse subi l'influence non négligeable d'un autre artiste alsacien, Hansi. Toutes ces facettes du talent de Pierre Probst se retrouvent dans cette géniale, quoique malheureusement de format trop réduit, monographie publiée par Parimagine.

Des Papous pour un atlas.

Régionalisme façon Hansi.

Probst, qui n'a quitté ce monde que récemment en 2007, dessinait encore et toujours malgré son grand âge, même si le vieux dessinateur ne tenait plus très fermement la plume. Et Hachette continue de publier et republier les aventures de Caroline, même si depuis les années 80, l'éditeur avait osé réduire le format des albums, comme si les jeunes lecteurs n'avaient droit de tenir entre les mains que des reliures microscopiques. Le vrai bibliophile se cantonnera donc aux titres au grand format des Grands Albums Hachette qu'on peut encore trouver dans les brocantes, qui font toute leur place à ces images d'une fraîcheur saisissante, qui n'ont, à en croire une gamine de deux ans et demi de mes connaissances, rien perdu de leur pouvoir de séduction.

Simone Probst par son père.

Supplément gratuit

Ah, ça c'est sûr, c'est facile, hein, de déboulonner les icônes, de piétiner les mythes avec ses gros brodequins tout crottés de mauvaise encre de chine, de s'en prendre à des gamines sans défense, de piquer sa poupée à un vieux monsieur sénile. C'est pas joli joli, petit monsieur Winshluss.