30 novembre 2010

Election piège à con

Je commence à en avoir plein les oreilles, alors à nouveau je prends ma plus belle plume pour tordre le cou à un exaspérant travers linguistique qui dévaste la presse, parlée ou écrite, le microcosme politique qui n'avait pourtant guère besoin de dévastation supplémentaire, et jusqu'à la plèbe des manants imbéciles, fût-ce à son corps électoral défendant. Un travers qu'on retrouve jusque dans la bouche fétide de certains des plus endimanchés politologues autoproclamés. Il est donc temps que j'intervienne, parce qu'on a pas fini d'en avoir soupé avec ça : les élections présidentielles !

Eh bien non chers amis rachitiques du bulbe, toxicomanes mondains, et autres lettrés en bas de casse exclusivement, il n'y aura pas en 2012 plusieurs élections présidentielles dans notre jadis beau pays de France, mais bien une seule. Je ne vois pas bien comment il pourrait y avoir davantage d'élections qu'il n'y aurait d'élus qu'elles servent à désigner, et dans la mesure où on ne cherchera à élire qu'un seul bon Dieu de président de la foutue République, il n'y aura ipso facto qu'une seule, fût-elle à deux tours, élection présidentielle. Singulier . Sans "s".

Pour élire plusieurs députés : des législatives. Pour élire un seul président : une présidentielle. Ou alors il va falloir s'en fader plusieurs, et personne ne m'a prévenu.

Notez au passage que la même crétinissime erreur est commise, au premier chef par ses propres promoteurs, au sujet de l'élection primaire visant à choisir un candidat au sein du Parti mollement socialiste. Pour élire un seul candidat : une seule élection primaire (c'est-à-dire précédent la présidentielle), d'autant que pour ce que j'en ai compris, elle se déroulera simultanément dans tout le pays avec une seule liste de candidats et servira à désigner un seul et unique heureux élu. C'est à dire le candidat. Tout le monde suit ?

Une élection présidentielle. Une seule, et hop !

Je ne me fais pas plus bête que je ne suis, je sais très bien d'où provient cette vogue du dernier chic décérébré : mais on est pas aux Amériques ici ! Car aux Etats-Unis, de fait, s'il n'y a bien comme chez nous qu'un seul président élu in fine, les électeurs de base n'élisent pas le président mais des grands électeurs, Etat par Etat, qui eux-même désignent, en général sans grande surprise, le président de l'Union. Il y a donc en fait simultanément au sein des cinquante Etats des élections servant à désigner une tripotée de grands électeurs. On peut donc à la rigueur admettre en tenant compte de ce mode de scrutin joliment tarabiscoté, qu'il s'agit là d'élections. Présidentielles. Pluriel.

Même topo pour les tours de primaires, qui se déroulent sur plusieurs semaines à l'instigation des deux grands partis, qui sont en fait un collage de cent élections, une pour chaque parti pour chaque Etat, selon des modes de scrutin et autres modalités variables, où des délégués de l'Etat à la convention de chaque parti sont élus. Et ce sont les conventions qui désignent formellement les candidats, pas les primaires. Le PS va tenir une damnée convention ? Pas que je sache.

Bon là, je crois avoir fait le tour, et servi une leçon définitive à tous les professionnels de la langue française inévitablement appelés à se colleter au sujet. Veuillez donc dorénavant ne plus mentionner qu'au seul singulier l'élection présidentielle de 2012, et son préalable la primaire du Parti prétendu socialiste. Et tenez-vous le pour dit. Sinon je vote Marine aux élections.

Nota bene : les extraits des pages roses m'ont été aimablement prêtés par qui vous savez.

28 novembre 2010

Sirop durable

Certains s'échinent dès leur plus jeune âge dans des émissions de télé-crochet en espérant voir leur talent parfois bien ténu recevoir l'éphémère onction électronique des masses, d'autres se pointent, branchent le micro, et se vident les tripes aussi ingénument qu'une gamine de la Belle Province enduit ses pancakes de sirop d'érable.

La québécoise Nikki Yanofsky fait partie de cette deuxième énervante catégorie, qui à seize ans à peine fait l'étalage de capacités vocales hors du commun doublées d'une qualité d'interprétation qu'on imagine découler d'une personnalité bien trempée. Elle vient de sortir un nouvel album, portant son simple prénom, de standards du jazz en tout point décoiffant, après un premier il y a deux ans en hommage à, excusez l'immodestie, Ella Fitzgerald.

Rarement enfant prodige aura été aussi convaincant depuis Judy Garland (dont Nikki Yanofsky reprend comme par hasard Over the Rainbow sur son nouvel album). Je vous la laisse écouter, elle avait treize ans.



Et si elle veut, elle scatte. Notez comment les Montréalois préfèrent braver les intempéries et les éléments déchaînés pour venir l'écouter plutôt que de rester bien au sec chez eux à se goberger de sirop d'érable.



Ouf.
Permettez moi de me relever, j'étais tombé par terre.

21 novembre 2010

Perdu de vue

Il n'est pas dans les habitudes de votre cyber gazette favorite d'emprunter ses contenus à d'autres publications du web, mais enfin il serait dommage que la petite pépite dénichée par l'excellent blog de notre bon ami Li-An ne rencontrât pas toute l'audience qu'elle mérite. Aussi est-ce sans le moindre scrupule que je vous invite à mon tour à vous délecter de ce petit court métrage produit par trois étudiants taïwanais de la National Taiwan University of the Arts, qui seraient bien inspirés de persévérer dans le cinéma d'animation. On aura déjà vu des oscarisés moins talentueux...

7 novembre 2010

A tous les enfants
qui sont obéissants...

Aglaé et Sidonie.

La chanson du générique de cette série (qui n'est, reconnaissons-le, pas d'une complexité dodécaphonique) ne m'a pas quitté depuis mes trois ans quand je regardais à l'ORTF les aventures de cette basse-cour de haut vol. Aussi quelle ne fut pas ma surprise (mon sang n'a fait qu'un tour) quand je suis tombé sur une réédition en DVD de cette création d'André Joanny.


Dire que l'animation n'a pas vieilli serait légèrement exagéré, pourtant on y voit tout de même une étape non négligeable quelque part entre Ladislas Starevitch et Nick Park. Les épisodes sont brefs, mais la langue qui y est parlée, notamment par Croquetout, le renard rusé (c'est à dire qui se fait toujours avoir) ou par le coq imbécile Agénor, est un pur délice, à des lieues et des lieues du nivellement par le bas auquel se croit contrainte la quasi totalité des séries jeunesse contemporaines.



C'était mieux avant, serait-on alors tenté de conclure, conforté par l'impressionnante impression que produisent Aglaé, la cochonne, et Sidonie, l'oie, sur une gamine de deux ans et demi, filant trois, à la grande stupéfaction des parents.

1 novembre 2010

Le sabre et le goupillon

Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois.

Fait divers philosophique. Les derniers jours des moines français de Tibéhirine en Algérie, morts en 1996, pris au milieu de la guerre sans merci que se livraient alors des rebelles islamistes et les forces de sécurité. Le nouveau film du cinéaste préféré de qui vous savez.

Tout d'abord une petite mise au point, pour préciser que ce film n'est évidemment pas une bondieuserie, mais une réflexion assez pertinente sur le sens de la vie, de l'engagement, et du sacrifice. Peu de suspense, dans la mesure où l'issue inéluctable du film n'échappe pas plus aux spectateurs qu'aux principaux intéressés, les moines eux-mêmes. C'est d'ailleurs là la clé du film et sa force : la conscience de leur fatal destin confond les personnages sur l'écran et les spectateurs dans la salle, où l'on est alors plus à même de partager les moments de terreur que traversent les moines lorsqu'ils comprennent les implications tragiques de leur choix de rester au monastère envers et contre tout.

Sans être un film à proprement parler chrétien, car Beauvois jette un regard sans beaucoup d'empathie, assez glacial, sur ces moines, il y est tout de même beaucoup question de foi. Ce que le film donne à voir avec humanité, c'est comment ces hommes de Dieu, qui vénèrent un martyr bi-millénaire, se retrouvent par le jeu des circonstances en position de vivre pour de vrai l'essence même de leur religion, en suivant très prosaïquement le chemin du Christ, et comme lui de donner leur vie par amour. La scène de la cène (le dernier repas) signe de façon évidente ce parallèle christique. S'appuyant sur une mise en scène très sèche, d'un dépouillement tout monacal, Beauvois analyse avec subtilité les chemins divergents qu'empruntent les différents frères pour accepter leur sort, avec une humilité de surface qui n'est pas exempte d'un paradoxal orgueil. Car il y a de l'orgueil à se croire partie intégrante du paysage algérien, quand à l'évidence, ces intrus, européens, chrétiens, sont un corps étranger que l'Algérie en proie à des convulsions s'apprête soit à détruire soit à expulser. Le monastère gênait en effet autant les islamistes que les forces de sécurité (terme générique englobant armée, gendarmerie, police, services secrets) qui les combattaient.

Encore aujourd'hui, nul ne sait exactement ni comment ni par qui ni même pourquoi les moines de Tibéhirine ont été tués. Sans prendre parti, Beauvois fait tout de même allusion aux plus récentes théories en montrant au cours du film un hélicoptère militaire qui survole longuement le monastère de façon menaçante, façon Apocalypse Now... Il laisse cette énigme en suspens avec son époustouflant dernier plan, où les moines marchant dans la neige finissent par disparaître avalés dans la brume. Rideau.

Crash-test :
A lire aussi, l'histoire moins connue d'autres
hommes et des dieux.