27 février 2011

La troisième nuit
des crash-test Dummies®

Ils me font bien rigoler avec leurs César®, leurs Oscar®, leurs Gérard®, leurs Mouammar®, biffer les mentions inutiles, quand le Bourget rayonne avec une superbe incontestée sur ce petit monde des médailles du mérite cinématographique grâce à la désormais très attendue cérémonie annuelle de la nuit des crash-test Dummies® qui se targue de réchauffer le cœur des cinéphiles les plus endurcis en distinguant avec un discernement qui n'est plus à démontrer le meilleur film que les lecteurs rescapés de cette cyber gazette gothique auront pu voir sans s'esquinter mirettes ou neurones au cours des douze derniers mois. On voit par là qu'imperméable à l'insuccès, notre ambition reste intacte à chanter les louanges du cinéma de qualité.

Le principe brille d'ailleurs par sa simplicité : c'est vous, lecteurs chéris, qui désignerez le lauréat en m'indiquant dans le courrier des lecteurs ci-dessous vos trois films préférés clasés de 1 à 3. Je me charge par une péréquation alambiquée de distiller un résultat d'une honnêteté inversement proportionnelle à sa transparence.

Le jury au grand complet.

Malheureusement, et pour des raisons indépendantes de ma volonté, je n'ai pu comme précédemment me fader cette année l'intégralité ou quasi des navets qui se sont succédé sur les écrans français, aussi ne publie-je qu'à titre indicatif une sélection de ceux qui ont malgré tout eu les honneurs de ces colonnes, mais je vous invite à compléter votre trio gagnant avec des films issus de vos visionnages personnels, si tant est qu'ils aient eu lieu entre mars 2010 et févier 2011 (je vérifierai les talons des tickets).

The Ghost Writer
Une éducation
La route
La merditude des choses
Copacabana
Le premier qui l'a dit
Tamara Drewe
Des hommes et des dieux
Very cold trip

Réfléchissez bien. Je ramasse les copies dans une semaine, le résultat sera annoncé dimanche soir. Et derechef je me considérerai tenu de dessiner pour vous récompenser de votre fidélité une copie certifiée conforme de l'affiche du film qui recevra le si convoité Dummy® d'or.

26 février 2011

Madagascar, carnet de voyage

En lice pour la compétition des petites statuettes dorées au prénom désuet qu'on peut mettre sur sa cheminée à côté des gondoles vénitiennes musicales, ce film réalisé par un jeune français, Bastien Dubois, qui a peut-être lu le livre de Denis Vierge Vazahabe !. Hollywood ne se lasse apparemment pas de l'animation française qui arrive toujours à fourrer l'un ou l'autre de ses représentants dans ces prestigieux concours de beauté.

21 février 2011

Les Monsieur Madame

Les Monsieur Madame d'après Roger Hargreaves.

En 1971, Roger Hargreaves, un directeur artistique londonien, imagina pour son fils la première aventure de Monsieur Chatouille (Mr. Tickle en VO), loin de se douter du succès fulgurant qu'allait connaître la ribambelle de personnages qui allaient suivre dans une série de mini-livres, sous l'appellation générique des Monsieur Madame (Mr. Men en VO) : une micro-société de personnages au caractère bien marqué, Monsieur Costaud, Monsieur Glouton, Madame Tête-en-l'air, Madame Catastrophe, etc...
La télé, à savoir la BBC, s'y intéressa dès 1975, apportant son concours à un développement industriel du concept, immensément populaire au Royaume-Uni, au point que les héritiers de Hargreaves cédèrent les droits au début des années 2000 à un groupe britannique à qui les possibilités quasi infinies de marketing de la série n'ont pas échappé.

Une nouvelle adaptation télévisée fut confiée en 2006 au studio californien Renegade pour la chaîne Cartoon Network, qui a su avec une certaine habileté moderniser et styliser les personnages dans un nouvel environnement. Outre la réussite esthétique de la série, il faut souligner l'humour des scénarios, mélange de non-sense britannique et de slapstick hollywoodien, qui a l'immense mérite de faire confiance aux neurones des jeunes téléspectateurs, ce qui n'est pas monnaie si courante dans les programmes jeunesse.


Le générique en français.


Un épisode en anglais.

18 février 2011

Le mur de l'image

Depuis la commercialisation de masse d'appareils de réception de la télévision en couleurs, les marques sont confrontés à une sorte de mur de l'image en voulant faire la promotion de leurs produits à la.. euh... enfin... eh bien... télévision. Avec cette quadrature de l'électron à résoudre : comment montrer les incomparables qualités visuelles du téléviseur à vendre par le truchement du téléviseur actuel servant à regarder la publicité pour le nouveau ? Tombant dans le tube cathodique à pieds joints, la plupart des grandes marques d'électronique ont pendant des années fait la démonstration des couleurs supposées époustouflantes de leurs appareils sur l'écran dénigré où le consommateur putatif les visionnait, avec vraisemblablement l'impression que ces images d'un futur meilleur ressemblaient furieusement à celle de son présent actuel, et pour cause. Un peu comme si pour vous vendre une nouvelle voiture, on vous emmenait faire un tour essayer votre ancienne voiture !

Conséquence : plus un téléspectateur avait un mauvais téléviseur, et donc plus il avait de raison de vouloir en changer, moins il risquait d'être convaincu par les arguments commerciaux développés en images sur icelui.

Ça n'est que récemment que la marque Sharp s'est enfin réveillée et s'est emparée du paradoxe pour en jouer dans une série de publicités qui ont été me semble-t-il brièvement diffusées en France aussi.



On y reconnaît l'acteur nippo-étasunien George Takei, célèbre paraît-il pour son rôle dans la série Star Trek dans les années 60.



L'occasion est belle de rappeler comment d'autres marques se sont parfois fourvoyées en essayant de contourner plus ou moins habilement ce mur de l'image, telle Sony avec cette publicité pourtant aussi exquise que frappante. J'ai eu toutes les peines du monde à retrouver la référence au fond de ma mémoire, tant on s'attend à voir apparaître sur le pack shot une marque... d'imprimantes.



L'histoire se répète avec l'invention de la télévision en relief : mais comment faire pour montrer la 3D sur ces bon sang de vieux téléviseurs en 2D ? Ben on peut pas, hein. C'est pas faute d'essayer, pourtant.

15 février 2011

Papy fait de la résistance

Harry Brown de Daniel Barber.

Un justicier dans le quartier. Après le meurtre de son dernier ami, un veuf ancien marine à la retraite décide de passer au Kärcher® la racaille qui fait la loi dans son quartier pourri, parce que s'il fallait compter sur la police, hein.

Stylistiquement, ce film est absolument parfait dans le genre naturaliste britannique, équivalent cinématographique d'une bonne tasse de thé froid en sachet vaguement dégoûtante, de circonstance pour évoquer la déréliction de quartiers populaires abandonnés. Excellente photographie, montage sobre, interprétation remarquable, avec au premier rang l'un des meilleurs acteurs anglais, Michael Caine, vivant dans le passé de son personnage comme si c"était son passé à l'écran.

La critique de la police, davantage préoccupée de relations publiques et de statistiques que de maintien de la paix civile et d'investigation, est à l'évidence bien vue, et porte d'autant plus de ce côté ci de la Manche où la politique sécuritaire que vous savez court également d'impostures en fiascos depuis une décennie pour les mêmes raisons.

Malheureusement, faisant fi de tous ces ingrédients prometteurs, le scénario s'embarrasse de moins en moins de vraisemblance, finissant par donner une image assez caricaturale de la vie des quartiers, comme on dit, s'emballant en des scènes d'émeute assez grotesques, et ne servant, in fine, qu'à justifier des positions tout ce qu'il y a de réactionnaire, pour ne pas dire plus, sur l'autodéfense. Clint Eastwood, Charles Bronson, et maintenant Michael Caine : faites votre choix.

Crash-test :

14 février 2011

Tout sur Mr Sait-Tout

Les divagations de Mr Sait-Tout de Goscinny et Martial.

Il s'agit de l'une des œuvres les plus méconnues de René Goscinny, pour laquelle il s'était associé au dessinateur Martial, l'impérissable créateur du soldat daltonien Tony Laflamme, un artiste malheureusement un peu tombé dans un injuste oubli.

J'ai deux bonnes raisons d'avoir une tendresse particulière pour Martial. D'une part, on sent son trait emprunté, laborieux, hésitant, retravaillé, et les dessinateurs qui ne savent pas, ou mal, dessiner, ont droit non seulement à mon indulgence mais à mon admiration. D'autre part parce que ce livre, Mr Sait-Tout, fut le premier qu'on m'offrit qui ne fût pas des grandes séries de mon enfance : il y avait donc une vie dessinée au delà de Tintin, Astérix, Lucky Luke !

Passons sur l'anglicisme étonnant sous la plume de Goscinny qui lui a fait abréger "monsieur" en Mr au lieu de M. comme le veut notre bon vieux code typographique français, Mr Sait-Tout est une ode dessinée à la seule gloire du calembour, que dis-je, un panégyrique, un monument, une tapisserie de Bayeux entièrement dédiée au jeu de mot du plus mauvais aloi qui soit. Rarement billevesées davantage dénuées de bon sens auront jamais été couchées sur du papier, comme si les auteurs s'étaient ingéniés à donner matière à tous les reproches qu'il était encore de bon ton d'adresser à la bande dessinée dans les années 70.

Mr Sait-Tout, érudit spécialiste en tout, manifestement interné à juste titre dans un asile de forcenés, s'évertue à rapporter en quelques histoires courtes l'origine apocryphe de telle ou telle expression du langage courant, recourant à ses souvenirs, passablement lacunaires, des plus colorées des pages d'histoire d'un manuel pour écoliers primaires.




Mon spongieux cerveau fut des années durant imbibé des répliques les plus crétines de cet ouvrage hilarant. Ceci explique sans doute cela.

Enfin la vérité historique me commande de relater cette insigne anecdote, une scène qui se passa à Saint-Victor-sur-Loire (Loire) lors d'un festival de bande dessinée hébergé au château qui surplombe le lac ; délaissant un sale type ricanant derrière des lunettes fumées qui essayait de fourguer ses Hamster Jovial et autres Rhââ lovely, un gamin binoclard péniblement tenu en laisse par son papa obtint sa toute première dédicace de BD du sublimement sympatoche Martial, comme on peut le voir sur cette image (notez au passage l'originalité du motif) :

12 février 2011

L'instant finlandais

Very cold trip de Dome Karukoski.

Conte de fée neigeux. Défié par sa petite amie de lui trouver dans les vingt-quatre heures un décodeur pour regarder Titanic ou sinon ça va mal aller, un jeune chômeur de Laponie qui n'a pas inventé les congères part en expédition par une nuit d'hiver avec deux amis pas beaucoup plus finnois, et de malheur en malheur, va finir par triompher des épreuves, trouver une raison de vivre, et ravir la blonde.

Encore un grand bravo aux distributeurs français très inspirés qui n'ont rien trouvé de mieux que d'affubler un film finlandais (Napapiirin sankarit, les héros du cercle polaire) d'un titre en anglais inepte, espérant capitaliser sur la mémoire reptilienne de spectateurs qui auraient vu et apprécié Very Bad Things et Very bad trip (je mets des majuscules selon que c'est vraiment de l'anglais ou pas). Il ne manque plus que Very cold things, et la boucle sera bouclée. Un bien mauvais service rendu à un film qui méritait mieux que ça.

Car cette comédie loufoque qui prend le spectateur par surprise n'a absolument rien de pesant. On se demande même pendant un certain temps s'il s'agit vraiment d'une comédie, tant aucun effet n'est appuyé, aucune situation surexploitée, sans qu'aucun clin d'œil de connivence ne soit jamais adressé à la salle. Malgré des péripéties de plus en plus farfelues, le film ne donne jamais l'impression d'essayer d'être drôle, et y parvient d'autant mieux pour cette raison. On se laisse gagner par cette folie intérieure qui semble habiter tous les Lapons sans exception, spleen comique du genre que doivent partager les esquimaux au fond du congélateur.

Karukoski sait habilement conclure sa quête avec une certaine grâce désabusée, par un pied de nez au déterminisme, note finale de résignation optimiste qui fait échapper les personnages au suicide. Tant mieux.

Crash-test :

11 février 2011

L'autre pays du fromage


Moubarak, t'es foutu, les Vache-qui-rit® sont dans la rue !

10 février 2011

Cygnes contradictoires

Black Swan de Darren Aronofsky.

Pas de deux schizophrénique. Un petit rat de l'opéra de New-York est retenu par le maître de ballet tyrannique pour interpréter le double rôle du cygne blanc et du cygne noir dans une production du Lac des cygnes de Tchaïkovski. Broyée par le rôle, la danseuse va virer bredin.

La scène comme parallèle de la vraie vie, l'artiste qui devient son rôle, la fiction qui devient réalité... hum, oui, bon, tout ça n'est pas d'une extrême nouveauté et aurait donc mérité en contrepartie un traitement original. Las, outre ses désormais sempiternelles recettes de caméra à l'épaule, la seule idée notable d'Aronofsky aura été de céder à la tentation de recourir à des effets spéciaux numériques d'une finesse discutable pour matérialiser les visions cauchemardesques de Nina, la danseuse qui travaille du chapeau. Vincent Cassel, dont l'arrogance suffisante est d'autant plus ridicule qu'il s'exprime en anglais, fait certes face à une stupéfiante Natalie Portman. Mais le peu de suspense psychologique, créé en grande partie grâce au talent de cette dernière, est encore galvaudé par un final grandiloquent culminant avec, je vous le donne en mille, la mort du cygne. Ça alors.

Reste un film de genre qui ravira les amatrices de pointes et tutus qui ne posséderaient pas déjà Martine fait de la danse.

Crash-test :

9 février 2011

Côté cuisine

Marmites créoles, collectif.

J'ai pour règle de conduite d'éviter autant que faire se peut de mentionner dans ces cyber colonnes les ouvrages publiés par amis confrères et collègues, de peur de me voir reproché selon les cas excès de rudesse ou de flagornerie.

Je n'aurai donc pas l'outrecuidance de porter le moindre jugement de valeur sur le contenu de cet indispensable florilège, qui rassemble la fine fleur de la bande dessinée réunionnaise, chacun s'étant chargé d'illustrer en quelques planches une recette pays, mais je me sens contraint d'en faire une juste publicité puisque je m'étais résolu à y participer presque malgré moi, comme mes lecteurs les plus assidus s'en souviennent peut-être.

Il n'est à ma connaissance pas distribué en France hexagonale mais peut être commandé à l'éditeur pour une somme d'une modicité étourdissante au moyen de ce bon de commande.

8 février 2011

Allons z'enfants


En attendant le nouveau Temps béni des colonies, un vieux dessin recolorié.

7 février 2011

Gerd Arntz et l'isotype

Gerd Arntz (1900-1988), dessinateur, graveur et graphiste allemand, peut sans exagération être crédité de l'invention du pictogramme contemporain. Socialiste, révolutionnaire dans l'âme, il essaya constamment de traduire ses convictions dans son travail graphique en cherchant à le mettre à la portée du plus grand nombre.

En 1929 il s'exila tout d'abord en Autriche pour collaborer avec le philosophe et économiste Otto Neurath, qui travaillait à une encyclopédie de statistique visuelle, approche innovante des données économiques, et pour lequel il mit au point 4000 signes et symboles d'une modernité avant-gardiste, sous l'acronyme d'isotype pour International System Of TYpographic Picture Education, également connus comme la méthode viennoise de statistique picturale. L'isotype est l'héritier du hiéroglyphe antique adapté à l'ère des mass media.


En 1934, après l'avènement du nazisme, il se réfugia aux Pays-Bas, le temps de voir une de ses expositions censurée par les autorités du royaume sous la pression de l'ambassade d'Allemagne. Il avait eu le mauvais goût de produire une gravure prophétique intitulée Le troisième Reich.

Le troisième Reich.

Guerre civile.

La guerre le rattrapa, et en 1943 Arntz fut incorporé de force dans la Wehrmacht, expédié en France, où il se livra à la Résistance. Il retourna à la Haye après la guerre, continuant le travail de Neurath au sein de la Fondation pour la statistique (Mundaneum Institute).

L'extraordinaire nouveauté de sa pensée visuelle est encore confondante aujourd'hui. L'ascèse squelettique de son trait ouvre paradoxalement des possibilités infinies de projection mentale, qui atteignent une forme de perfection enfantine, au point qu'on se rend compte en revoyant son travail précurseur qu'il a été souvent imité depuis, rarement égalé (voir Le dessous des cartes sur Arte), jamais dépassé (comparez par exemple avec les typos livrées avec votre ordinateur Wingdings ou Zapf Dingbats...).

6 février 2011

Chocolats

Les émotifs anonymes de Jean-Pierre Améris.

Deux timides maladifs, l'un patron de chocolaterie, l'autre chocolatière, surmontent leurs peurs pour s'apprivoiser et s'aimer, et par dessus le marché sauvent leur entreprise de la faillite

Voilà encore un exemple de film sous-budgeté, sous-produit, qui aurait pu être un mauvais téléfilm et se retrouve sur nos écrans sous la forme d'un mauvais film de cinéma en attendant de devenir un objet de consommation télévisuelle familiale.

C'est pas que le sujet des deux timides n'aurait pas pu être intéressant, mais franchement le scénario aurait dû choisir entre l'histoire personnelle et celle de la chocolaterie en difficulté, encore que les deux intrigues n'auraient pas forcément eu beaucoup plus d'intérêt séparément qu'elles n'en ont en se côtoyant ainsi. Le problème, c'est que le film repose sur ses deux acteurs principaux, notamment Poelvoorde étonnant de retenue, et puis c'est tout. Scénario indigent, personnages secondaires oubliés, dialogues maladroits, montage convenu, scènes de comédie massacrées par un découpage excessif, musique grossière... voilà qui gâche un peu la ganache.

Crash-test :

5 février 2011

Anselmologie

Le trépas inopiné d'Anselme, inhumé hier, aura causé pas mal d'émoi à Tananarive, au Bourget, à la Réunion et ailleurs. J'ai compilé dans ce billet la plupart des chroniques qui ont pu lui être consacrées. J'en rajouterai ici même si j'en débusque d'autres.



4 février 2011

L'île mystérieuse

Vazahabe ! de Denis Vierge.

Vazahabé, c'est le gros Blanc : resté deux ans sans nouvelles de sa jeune épouse malgache choisie sur catalogue, un Français d'âge mûr n'a pas renoncé à elle. Il débarque à Madagascar des euros plein les poches et trouve l'aide d'un ancien légionnaire, plus au fait des us et coutumes locales, qui n'a pas son pareil pour retrouver une aiguille dans une meule de foin.

On ne peut pas dire que ce premier livre de Denis Vierge, prof de dessin de Bordeaux, que publie la maison genevoise Paquet, ait bénéficié d'un lancement marketing massif. C'est pourtant à ma connaissance un des ouvrages de bande dessinée les plus ambitieux qui aient jamais été consacrés à Madagascar, la grande île de l'océan Indien, mais ce n'est que très fortuitement que j'en ai eu vent sur internet.


Je m'apprêtais à en dire du mal, essentiellement par dépit en pensant à Anselme et à un certain nombre de dessinateurs malgaches, qui crèvent la gueule ouverte dans leurs rizières, alors qu'un vazaha comme Denis Vierge n'a eu qu'à se pointer, faire quelques jolis croquis pittoresques, emballer le tout dans un scénario de circonstance, et boum ! le voilà édité à Genève où il va pouvoir planquer tous ses droits d'auteur dans une banque replette à l'ombre du jet d'eau. C'est évidemment très injuste, non seulement pour les dessinateurs malgaches, pour Genève où l'on trouve aussi du très bon chocolat , mais aussi pour Denis Vierge, qui a tout de même l'air d'un brave type, à en juger par son site, et par l'interview qu'il a donnée ici, et n'est sans doute pas responsable des désordres du monde.


Alors évidemment, Vazahabe ! est un point de vue de vazaha sur la grande île, avec des personnages principaux vazaha auxquels peuvent s'identifier les lecteurs vazaha, montrant les Malgaches dans leurs rapports aux vazaha, mais justement assez confondant de réalisme, voire embarrassant, dans la mesure où il recense non sans justesse bien des expériences et des situations que connaissent tous les voyageurs qui mettent le pied à Madagascar, jusqu'à rapporter certains clichés qui ont hélas aussi un fond de vérité. Au final, l'incapacité du livre à percer tous les mystères de la société malgache traduit assez bien la fascination évanescente que la grande île peut exercer, splendide et misérable, qui sans cesse séduit et se dérobe sans jamais se dévoiler entièrement au visiteur. Ça n'est pas si mal vu.

3 février 2011

Abédéma

Sorti de mes archives, cet hommage à l'Abédéma, association des bédéistes malgaches, que j'avais réalisé pour un ticheurte, inspiré de la célèbre étiquette des bouteilles de bière malgache THB, la Three Horses Beer. En lieu et place des trois chevaux, on peut reconnaître (ou pas...) de gauche à droite Aimérazafy, Anselme, et Rado.

2 février 2011

MMXI


Nonobstant mon précédent billet, mes meilleurs vœux à tous les lecteurs de cette cyber gazette de plus en plus épisodique. Il était temps.

1 février 2011

Feu Anselme


Mauvaise nouvelle ce matin au réveil, Anselme, le plus grand artiste malgache de tous les temps, a été retrouvé mort chez lui à Tananarive, de causes encore indéterminées. Il avait cinquante-quatre ans. Les dessinateurs de bande dessinée ne font décidément pas beaucoup d'efforts pour faire progresser l'espérance de vie à Madagascar, puisque son frère Aimérazafy nous avait quittés il y a à peine plus d'un an.

Des doigts de ce dessinateur surdoué, génie autodidacte, l'encre de Chine semblait s'écouler aussi naturellement et avec la même furia que le rhum coulait dans ses veines. Cet éternel rebelle était aussi connu sous le sobriquet affectueux de Coty, car il partageait aussi le prénom de René avec ce président de la République française, encore puissance coloniale à l'heure de sa naissance.

Lecteur avide, il était imprégné de culture française, et aurait pu en remontrer à plus d'un agrégé de lettres. Il avait connu ses plus riches heures dans les années 80 comme dessinateur embarqué dans des programmes de coopération internationale qui l'amenèrent à pas mal voyager en Afrique et aux Comores. Se liant ensuite avec l'équipe du Cri du Margouillat à la Réunion, il publia en 1999 un retentissant Retour d'Afrique (éditions Centre du Monde).


Peu suspect de bien-pensance, il conchiait les prétentions démocratiques tropicales avec la même vigueur qu'il dénonçait les dictatures militaires dont son île avait eu à subir un des plus beaux spécimens. Ses fulgurantes analyses politiques, ponctuées généralement de connard ! putain ! merde ! nègre ! feront date dans l'histoire du commentaire social.

Comme bien des grands artistes, Anselme Razafindrainibe aura été passablement déçu par une vie peu amène qui ne l'avait guère épargné. Eloigné de ses enfants, fâché à cause de sa grande gueule avec la quasi totalité de l'establishment tananarivois, travaillé tour à tour par l'orgueil et le désespoir, il dessinait pourtant toujours, et projetait une nouvelle publication chez l'éditeur parisien L'Harmattan.

Il était mon oncle. Il était mon ami. Veloma.


A lire sur ce blog : Côte à côte, par Anselme.