29 novembre 2013

Grand-prix de la Réunion

C'est hier soir qu'a été annoncé le nom du lauréat du grand prix de la Ville de Saint-Denis : Thierry Maunier, alias Téhem, créateur du mondialement célèbre (à la Réunion) Ti-Burce, mais aussi de Malika Secouss, de Zap collège, de Lovely Planet, ou encore de l'épatant Quartier Western. L'avis unanime des commentateurs : ça n'est que justice.


Téhem fête son prix en occupant aujourd'hui la une du JIR (le Journal de l'île de la Réunion), édition abondamment illustrée par les dessinateurs présents au festival Cyclone BD, avec ce ravissant dessin.

Comme un ouragan

Ne reculant devant aucun sacrifice, toute la rédaction de votre cyber gazette favorite sera délocalisée pour tout le week-end à Saint-Denis, sur l'île de la Réunion, afin d'apporter sa pierre à l'édition 2013 du festival Cyclone BD où est invité notre rédacteur en chef Hobopok.


21 novembre 2013

Le joli petit Kanyar

Kanyar numéro 2.

On avait salué ici la sortie du premier numéro de cette audacieuse nouvelle revue littéraire, qui a un pied sur l'île de la Réunion et un autre dans le reste du monde, l'heure est venue de saluer la ponctualité avec laquelle son fondateur André Pangrani met à la disposition de ses lecteurs et abonnés le second numéro, qui ne le cède en rien à son prédécesseur en ce qui concerne la qualité et l'exigence des textes présentés.

C'est l'artiste sud-africain Conrad Botes qui s'est cette fois chargé d'illustrer la couverture, tandis qu'on peut lire les proses d'Olivier Appollodorus, Pierre-Louis Rivière, Emmanuel Gédouin, Marie Martinez, André Pangrani, Nicolas Deleau, Emmanuel Genvrin, Pilar Adón, Xavier Marotte, Antoine Mérieau, Marie-Jeanne Bourdon, Matthieu Périssé, Cécile Antoir et Jean-Christophe Dalléry. Ce dernier, un jeune auteur qui fait là ses premiers pas dans la littérature de fiction, s'est livré à une fantaisie tropicale à la fois guerrière, sportive et gastronomique qui régalera les plus fins palais.

On s'amusera de noter que la mort semble être le fil conducteur de ce florilège puisque, sans que les auteurs se soient le moins du monde concertés ni entendus, un certain nombre de cadavres jonchent les pages de leurs nouvelles. Quel lecteur aura le bon goût d'en faire un décompte exact ?

Cette indispensable revue de 212 pages, remarquablement maquettée au demeurant, peut être réclamée dans les bonnes librairies, exigée avec véhémence dans les mauvaises, ou commandée en ligne pour le prix risible de 19 €. Et dire que c'est bientôt Noël...

13 novembre 2013

Impair espace

Gravity d'Alfonso Cuarón.

Dans l'espace, personne ne vous entend crier. Pris sous une pluie de débris de satellites, l'équipage d'une navette spatiale en orbite autour de la Terre est décimé et son véhicule mis hors d'usage. Les deux seuls survivants vont devoir puiser dans leurs ultimes ressources pour espérer rejoindre le plancher des vaches.

C'est peu dire que ce film aux images virtuoses est spectaculaire : augmenté du rendu en relief (dit 3D), il se classe d'emblée parmi les meilleurs films jamais réalisés sur l'aventure spatiale. Cuarón, au-delà des performances formelles de son film, parvient à faire ressentir, fait notoire rapporté par tous les visiteurs de l'espace, la fascination métaphysique que déclenche immanquablement la contemplation de l'astre terrestre. Et si le récit fait une belle place à la science, c'est à peine si c'est une fiction, tant les événements décrits, pris individuellement, sont tous absolument vraisemblables. Seule leur concomitance est un défi aux lois de la statistique.

Cuarón frappe donc fort, avec cet aperçu hyper réaliste des conditions d'une virée dans l'espace proche. Notamment, contrairement à tous les tonitruants westerns intersidéraux où les explosions tiennent lieu de mise en scène, il restitue le silence qui règne à ces altitudes, faute, comme le savent les savants, d'air pour porter les ondes sonores. Et le seul son diégétique entendu dans le film est celui des intercoms qui permettent aux astronautes de communiquer entre eux ou avec la Terre. Pas de son, pas de flamme, juste le vide.

Enfin pas tout à fait, malheureusement, car c'est à cause de sa musique que ce film brillant manque de peu sa cinquième étoile à notre crash-test. En orbite basse, la partition de Steven Price, trop présente, paraît souvent lourdingue, un comble en apesanteur.

Crash-test :

11 novembre 2013

Un continent de dessins

Dictionnaire de la bande dessinée d'Afrique francophone de Christophe Cassiau-Haurie (illustré par Jason Kibiswa).

Dans ce numéro double de la revue Africultures, Christophe Cassiau-Haurie, éminent spécialiste de la spécialité, lève le voile sur un monde comme ignoré, presque oublié, celui de la bande dessinée d'Afrique, un art qu'on sait en mal de reconnaissance, malgré les méritoires efforts de quelques éditeurs, dont bien sûr L'Harmattan, et qu'on découvre ici vivant, vibrant, et aux racines profondes.

Mongo Sisé pour BédéAfrique
L'ouvrage, d'une érudition sans faille, remarquablement maquetté, on en conviendra bien volontiers, bénéficie d'une très riche iconographie, qui permet d'enter en douceur dans les articles, et de guider l'œil vers certaines pépites graphiques, ou vers la découverte de destins personnels hors du commun. A côté des illustrations originales du Congolais (démocratique) Jason Kibiswa, on s'arrêtera notamment sur les couvertures incroyables des comics malgaches.

Gilbert Rakotosolofo pour Navajo
Ce dictionnaire, qu'on pourra ainsi facilement reposer et reprendre, se lit presque comme un roman, le roman d'un continent passionnément épris de neuvième art, malgré le sous-développement dont il souffre, malgré les difficultés des auteurs à se faire éditer, malgré l'illettrisme qui peine à reculer. Car la lecture de tous ces articles, qui mentionnent auteurs, dessinateurs ou scénaristes, éditeurs et maisons d'édition, studios, revues, albums, séries ou personnages fameux, donne une impression d'ensemble captivante d'un foisonnement artistique en perpétuel mouvement, le regard souvent tourné vers les modèles européens, mais à la recherche aussi d'une expression typiquement africaine.

Bernard Dufossé pour Kouakou
S'il fallait faire un reproche à cet ouvrage, ce serait sur son prix, 35 euros, qui risque de le mettre hors de portée de bien des lecteurs africains à qui il devrait s'adresser pourtant au premier chef.
John Koutoukou par Benjamin Kouadio.

5 novembre 2013

Au train où vont les choses

Snowpiercer de Bong Joon-ho.

Association d'usagers en colère. Après que l'humanité a malencontreusement déclenché une apocalyptique nouvelle ère glaciaire, les ultimes survivants tentent de se réchauffer à bord d'un train qui fait le tour du monde. Mais les prolos de la voiture de queue, qui aimeraient bien prendre la place des nantis en tête de convoi et dire son fait au conducteur, complotent puis déclenchent une révolution qui s'avèrera plus sanglante et moins futée que prévu (un peu comme toutes les révolutions).

On voit bien ce qui a plu à Bong (dont on a déjà vanté le talent ici) dans ce sujet tiré d'une BD française de Lob et Rochette : une métaphore politique, pas démesurément subtile a priori, où les classes sociales se retrouvent, au sens propre, compartimentées à bord d'un train et vont se confronter durement à l'ordre des choses et à leur propre condition humaine, tous deux à la fois cause et conséquence l'un de l'autre. Autant dire que les personnages ne sont pas sorti de l'auberge (ou plus ferroviairement de la voiture-bar).

Bien souvent dans les adaptations de BD sur grand écran, le passage aux prises de vues réelles tend à alourdir ce qui lévite sur le papier entre les cases d'une bande dessinée. Mais Bong sublime les contraintes et les pesanteurs du postulat grâce à une mise en scène haletante, un parfait contrôle esthétique, bien servi par des effets spéciaux à leur juste place, une ironie mordante et une cruauté sans merci pour ses personnages.

Il faut reconnaître – le calembour s'impose, aussi mauvais soit-il – que le film est mené à un train d'enfer. Heureusement, le scénario ménage une porte de sortie vers l'inconnu qui permet enfin aux rescapés sur l'écran (et aux spectateurs dans la salle) de respirer un peu après deux heures d'huis clos. Terminus, tout le monde descend.

Crash-test :