30 avril 2008

AB1

N'entend-on pas régulièrement dans les milieux autorisés du microcosme télévisuel retentir cette clameur comme une incantation aux manes des fondateurs de l'ORTF : mais que devient la célèbre et talentueuse productrice ligérienne Agnès Barge (c'est son vrai nom) ? Est-ce donc parce qu'elle se lance dans la chanson qu'elle a fait appel aux services de désignage du Studio Hobopok, une filiale du groupe Hobopok, pour la pochette de son premier album ? Elle tente en fait, vous l'aurez compris, une reconversion dans la voix-off, et a demandé mon aide pour la pochette de son CD de démo. Aide bien volontiers accordée.


Commençons (voir ci-dessus) par le résultat final. Consensuel, passe-partout, un rien impersonnel si ce n'était pour la trombine sans ambiguïté de l'artiste, mais propre et lisible, ça mange pas de pain, c'est déjà ça.

Le plus rigolo c'est quand même les couvertures auxquelles vous avez échappé (voir ci-dessous). Je cherchais quelque chose qui aurait pu se trouver sur la pochette d'un 33 tours chiné en brocante, d'où le côté Frédéric François / C. Jérôme assumé pour certains. J'aimais la dernière pompée directement d'une pochette de Billie Holiday. Y a pire. Malheureusement, les professionnels de la profession seraient peu sensibles au charme rétro de la variétoche. Dont acte. Peut-être n'écoutent-ils pas assez Bide & Musique. Oui, bon, c'est sûr.


En fait la proposition que je préférais était nettement plus conceptuelle, et avec ça notre voix était certaine de faire taire toutes les concurrentes :


Et après la deadline, insatisfait par la proposition finalement retenue, j'ai continué à marner pour du beurre, pour arriver à la solution suivante, chic et de bon ton, un peu Abba meets Astrud. Regrets éternels.


Quoi qu'il en soit, devant sans doute plus à son brin de voix qu'à mes graphismes arrière-gardistes, ladite Agnès Barge (c'est son vrai nom) a aussi sec décroché un premier job pour commenter un docu sur la 2CV diffusé en juin sur France 5. Comme quoi.

28 avril 2008

Haut-le-cœur des ténèbres

Apocalypse Nerd de Peter Bagge.

Bon là faut prendre son Harrap's, parce que je commente la première édition US. Je sais pas si ça arrivera traduit chez nous ni quand.

Je suis assez fan de Peter Bagge, l'auteur (texte et dessins) du comic book Hate, qui a donné naissance aux recueils de Buddy, son alter ego semi-autobiographique de papier, qui traînait sa glande minable du New Jersey à Seattle, et retour dans sa famille de frappadingues (des traductions pas données chez Rackham). J'ai une particulière tendresse pour lui parce c'est pas le type qui dessine dans le genre joli, qui donne plutôt l'air d'en chier pour pondre chaque case, mais qui a des trucs à raconter. Enfin je me comprends. Et en général c'est pour dire que le monde est frappadingue et que c'est miracle celui qui conserve un semblant de santé mentale et reste en vie.


Cette fois-ci, Bagge fait de la pure fiction. Son point de départ : Seattle et Portland se font nucléariser par la Corée du Nord, et le gouvernement fédéral des Etats-Unis, ainsi que le Canada tout voisin, bouclent la zone où les survivants doivent se démerder pour, euh... eh bien, survivre. Du coup, sous couvert d'analyser la psychologie humaine en temps de crise, Bagge laisse libre cours à sa misanthropie la plus noire, et les massacres vont bon train, non sans, et c'est ce qui laisse songeur, une certaine dose de vraisemblance révélatrice des fondements peu amènes de la société américaine pré-apocalyptique.


Par contre faut pas laisser traîner la boîte de crayons de couleurs et les gouaches à côté de Peter Bagge, parce que ses couleurs pour la couve sont un petit peu hideuses. Je sais pas, un soir d'ivresse, peut-être, il a dit à son Photoshop "Ha ha, mais tu me fais bien rigoler, quand tu veux, je te prends ! Yé souis oune grande artisse". Et puis voilà.

27 avril 2008

Césaire et Rosalie

Mais qu'est-ce tu lis Doudou dis-donc ? Dessin de Colcanopa paru dans une gazette gothique de la capitale et sur l'excellent Rue89. Y en a des qui rigolent, y en a d'autres qui bossent.

26 avril 2008

Ocean's zero

Ca$h d'Eric Besnard.

Emballage bling-bling avec rien dedans. Une arnaque dans une arnaque dans une arnaque dans une arnaque, ou le contraire, on ne sait plus, on s'en fout, c'est nul. L'idée que le réalisateur, Soderbergh de bac à sable, se fait de la mise en scène c'est de faire allumer une cigarette ou boire une coupe de champagne à ses acteurs. François Berléand, mais qu'allait-il faire dans cette galère ? Valeria Golino, mais qu'allait-elle faire dans cette galère ? Ciaran Hinds, mais qu'allait-il faire dans cette galère ? Jean Reno, parfait. On a pitié pour eux tellement il devait être évident dès le tournage au moins qu'ils prêtaient leur nom à une grosse bouse.

Heureusement on finit par rire de bon cœur devant une telle accumulation de situations invraisemblables, de clichés éculés, d'erreurs de continuité flagrantes, de dialogues consternants qui semblent faire honte à ceux qui les profèrent. Ça aurait suffi à convaincre les frères Lumière de se faire plutôt un nom dans la plomberie.

Je laisse une étoile parce que la pellicule est impressionnée et qu'il y a de l'image et du son. Ah je sais, mais c'est tellement bon, parfois, de tirer sur une ambulance.

Crash-test :

25 avril 2008

L'égoût et les couleurs

Sans arme, ni haine, ni violence de Jean-Paul Rouve.

Portrait d'Albert Spaggiari, turluron pathétique en cavale au San Theodoros. Attention : ceci n'est pas un rimec des Egoûts du paradis, de José Giovanni qui relatait par le menu le casse de la Société générale de Nice en 1976, avec Huster dans le rôle de l'égoûtier en chef. C'est une tentative d'explorer la personnalité de Spaggiari qui se raconte dans une longue interview (illustrée, hein).

Sur un sujet en or avec un héros de légende en diamant, le film manque d'ambition, de démesure, de lustre. Comme si le réalisateur Jean-Paul Rouve n'avait pas fait confiance à son interprète principal Rouve Jean-Paul soudain perclus de modestie. Il se contente de rendre une honnête copie, où son personnage pourtant haut en couleurs s'efface curieusement derrière celui sans intérêt de l'homme qui le retrouve pour l'interviewer. Et c'est dommage, parce que cultivant la ressemblance physique avec le mythomane-cambrioleur, la composition de Rouve offre de bons moments.

On pourrait enfin reprocher au scénario de ne pas s'étaler très longuement sur les relations douteuses de Spaggiari, ancien de l'OAS, défendu par un certain avocat du nom de Jacques Peyrat, avec les milieux d'extrême-droite frontiste. J'espère que Christophe Girard va demander l'interdiction du film.

Si je mentionnais chafouinement le San Theodoros, c'est parce que, et d'une, le pays sud-américain où se déroule la moitié du film, parlant l'espagnol avec une sorte d'accent brésilien, n'est pas précisé, et de deux parce que l'uniforme des militaires locaux est pompé directement dans Tintin et les Picaros. Mais Hergé au cinéma...

Crash-test :

23 avril 2008

Ach Paris !

Avec le bruit que ça commence à faire, et vu les menaces de prochaine fermeture, je me suis rendu à la bibliothèque historique de la Ville de Paris pour voir l'exposition de photographies Les Parisiens sous l'Occupation. 270 clichés en couleurs, restaurés numériquement, pris par un certain André Zucca entre 1940 et 1945, les dernières vues datant donc d'après la libération de la ville.

Salarié grassement par le journal allemand Signal, et à ce titre alimenté par les frisés en introuvables pellicules couleurs, Zucca a pris consciencieusement des images de propagande au service de l'occupant. Du travail de collabo soigné. Pas vraiment sauvé par ses quelques photos de la Libération, Zucca partit se faire oublier à Evreux sous un nom d'emprunt pour éviter d'être tondu. Réagissant un rien tardivement, l'adjoint au maire de Paris chargé de la culture, Christophe Girard (PS), a demandé l'arrêt de l'exposition.

André Zucca, malgré un certain talent technique et artistique, n'est quand même pas à la photographie ce que Céline est à la littérature. On peut à juste titre trouver discutable de mettre ainsi en valeur son nom et son travail, avec un assez strict minimum de mise en perspective et de contextualisation tant dans la présentation générale de l'expo, que dans les cartels accompagnant chaque photo.


Les photos en elles mêmes ne manquent pourtant pas d'intérêt. D'abord par l'impression globale que produisent des images en couleurs de cette période. Immédiatement, on se sent temporellement beaucoup plus proche d'elles, comme si elles dataient seulement d'avant-hier. Partant de là, elles paraissent presque plus réelles que d'autres rares photos en noir et blanc documentant par exemple la rafle du Vel d'Hiv', ce qui est assez troublant... Ensuite parce qu'elles prêtent cette apparence de vérité un à certains nombre de détails typiques de la période, comme les chaussures en bois, les vélos-taxis, les cinémas aux armées allemands, ou les portraits de Pétain dans les vitrines.


Je me demande si finalement ce qu'il y a de plus dérangeant aujourd'hui dans ces photos, ce n'est pas qu'elles montrent des Parisiens occupés à survivre, à vivre, et même pour certains d'entre eux, quel toupet, à se distraire (Goebbels lui-même leur en avait en quelque sorte intimé l'ordre, ayant trouvé la ville trop triste lors de sa visite fin 1940). Autrement dit assez loin de l'image véhiculée par la Libération d'une nation ployant sous le joug de l'oppression mais résistante dans l'âme.


Je crois qu'un visiteur averti saisira la portée des images, qui ne suffiront pas à lui rendre sympathique l'occupation allemande. Mais un peu plus d'honnêteté et d'engagement de la part de la direction de la bibliothèque et du commissaire de l'exposition n'auraient pas été de trop. De là à vouloir régler le problème par l'interdiction, la censure...

La gêne ou le malaise suscités par l'exposition en l'état ont sans doute en eux-mêmes des vertus éducatives quand ces photos sont montrées aux citoyens responsables que nous sommes. Le débat suscité, la polémique même, sont sans doute plus enrichissants qu'une brutale mesure d'interdiction. Et on est invité à réfléchir sur la nature d'une image de propagande, sa portée, aussi bien pour la période représentée que pour aujourd'hui...


Encore un épisode qui révèle comment les plaies ouvertes par la seconde guerre mondiale sont loin d'être refermées, et plus de soixante ans après, continuent de définir les contours de la société française actuelle. C'est Caran d'Ache : ils en ont parlé ! Lâchez le mot "occupation" et aussitôt les familles se déchirent.

Enfin pour mémoire, Christophe Girard est dans le civil directeur de la stratégie luxe du groupe LVMH. Un groupe que personne ne suspecterait de collaboration avec, disons, Pékin, par exemple.

22 avril 2008

Un polichinelle dans le tiroir

Juno de Jason Reitman.

Bluette prénatale dans l'air du temps. Juno a 16 ans, elle découvre qu'elle est en cloque, hésite à avorter, oh puis non, finalement, elle va donner le moutard à adopter. Sa famille recomposée est vachement compréhensive, sa meilleure copine pom-pom girl est vachement compréhensive, son petit copain est vachement compréhensif (en fait il est un peu niais mais vachement compréhensif quand même) et grâce à eux elle va pouvoir surmonter ces temps difficiles, et à la fin, elle trouve l'amour.

Avec ses airs faussement "cinéma indépendant", il paraît que le film marche pas mal. Mais on est à des lieues de la description d'une Amérique déjantée comme dans Little Miss Sunshine. Seuls l'actrice principale, Ellen Page, qui compose un personnage en léger décalage, et des dialogues finement ciselés, parviennent à nous faire oublier un peu la vacuité du scénario. Beaucoup de conformisme au final pour un film qui prétendait à mettre en scène les nouveaux comportements sociétaux américains.

Crash-test :

19 avril 2008

Tout n'est pas si noir

Césaire au Panthéon : Guaino s'en charge.

17 avril 2008

La rubrique vexillologique


Entre deux grèves il reste encore difficilement possible de se procurer un exemplaire du Monde, feuille gothique concurrente (mais pas hollandaise). Dans l'un de ceux-ci, on pouvait trouver cet excellent détournement par le dessinateur un peu turc Selçuk. C'est simple, joli, et efficace. Un candidat sérieux à la Fatwa d'or 2008.

16 avril 2008

A l'ombre des tours mortes

Cloverfield de Matt Reeves.

Cauchemar éveillé. Depuis le 11 septembre, les New-Yorkais ne craignent qu'une seule chose : que le ciel leur tombe sur la tête. C'est précisément ce qui leur arrive dans ce film au titre mystérieux. Des yuppies font une boum dans leur loft sur Central Park, quand tout à coup un monstre géant ni très joli ni très sympa surgit d'on ne sait où (n'espérez pas plus d'explication au cours du film) et entreprend de raser Manhattan, sans que quiconque semble pouvoir l'arrêter.

Ceux qui avaient été impressionnés par les scènes très crues de l'accident d'avion dans la série Lost (Les disparus) retrouveront dans cette captivante variation cinématographique sur le thème de Godzilla la patte du producteur JJ Abrams. A se demander même quelle latitude celui-ci a réellement laissé au réalisateur Matt Reeves, inconnu au bataillon.

Sous le prétexte d'une vidéo tournée par les personnages eux-mêmes, tout dans le film, à l'exception du postulat de départ, reste extrêmement réaliste, et visuellement très impressionnant. Une bande son soigneusement travaillée (là encore on retrouve Lost) mais quasiment dénuée de musique, et une mise en scène d'une grande richesse, donnent vie à des cadres parfois très agités, mais contenant toujours le peu d'information nécessaire à la progression du récit. Une grande cohérence dans le chaos. On se demande seulement s'il n'en font pas un peu trop avec l'esthétique home vidéo et les faux raccords et surimpressions techniques, mais bon, c'est pour faire vrai et ça marche.

J'ai traversé tout le film, pas très long, en retenant mon souffle qu'on essayait de me couper, ressentant, comme les personnages, ce que doit ressentir un lapin pris dans les phares d'une voiture... Et c'est le générique de fin. Waow.

Crash-test :

15 avril 2008

Body snatchers

Deux faits divers ces dernières semaines nous font craindre une nouvelle invasion des profanateurs de sépultures. Tout d'abord ces dégradations de tombes musulmanes dans un cimetière militaire du Pas-de-Calais, avec croix gammées et insultes dégradantes pour notre bien-aimée garde des sceaux, qui ne laissaient guère de doute sur la caractère raciste et nazillon des auteurs. Et plus récemment, dans un bled de la Meuse, des croix et des stèles renversées dans un cimetière chrétien, les gendarmes privilégiant une piste "gothique hollandaise" (j'imagine qu'ils ont dû retrouver sur place des restes de gouda à l'effigie de Marilyn Manson).

Je sais que c'est pas bien, que le respect des défunts est un des traits qui définissent l'humanité, bla bla, tout ça, mais bon, de mon point de vue, même si de tels agissements ne sont bien sûr pas à recommander, y a quand même pas mort d'homme. En tout cas pas de fraîche date. Toutefois le code pénal ne l'entend pas de cette oreille, et dans son article 225-17 punit toute atteinte à l'intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. Tarif triplé, dans l'article 225-18, quand les infractions définies à l'article précédent ont été commises à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes décédées à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.


Et c'est là que ça devient intéressant, car en toute bonne logique, si l'on s'en tient à la lettre de la loi, qui se veut extrêmement dissuasive, alors tous les archéologues qui vont nous déterrer des momies égyptiennes ou sumériennes, nous excaver des tumulus protohistoriques, tous ces laboureurs funéraires me semblent tomber sans le moindre équivoque sous le coup de l'article 225-17. Et même de l'article 225-18 quand ils déterrent un cadavre en raison de son appartenance à une ethnie égyptienne, maya, ou de sa religion supposée solaire ou zoroastrienne...

Je perçois bien qu'il y a un distingo qu'on peut établir entre un nazillon aviné et un scientifique œuvrant pour le bien commun, mais enfin la loi est la loi, non ? Eh bien non. Jamais le moindre archéologue n'est poursuivi pour profanation de sépulture. Peut-être est-ce un privilège tacitement accordé à la profession, mais qu'en serait-il si le scientifique pris de rage voulait soudain déterrer sa belle-mère ? N'est-ce pas plutôt parce que plus aucun membre de la famille ne fleurissait la tombe de Toutankhamon qu'Howard Carter s'est cru autorisé à en emporter le contenu ? On voit par là qu'un certain temps doit s'écouler, et tout devient permis. Mais combien de temps ? Vingt minutes ? Vingt ans ? Vingt siècles ? Un certain temps, d'une brumeuse imprécision, qui transforme votre tombe en terrain de jeux, comme si vous n'aviez pas vous aussi été mis en terre dans l'espoir d'une vie après la mort, tout pharaon que vous êtes, à l'abri aussi bien des archéologues que des gothiques hollandais.

14 avril 2008

Western carabiné

Winchester 73 d'Anthony Mann.

L'acteur James Stewart, légende d'Hollywood, rencontre son réalisateur fétiche Anthony Mann. Un western complet, salade tomate oignons, avec le shérif Wyatt Earp, concours de tir à Dodge City, bourre-pifs à l'hôtel, poursuites à cheval, tricheur professionnnel, attaque des Indiens, intervention de la cavalerie, mort tragique du coyote à foie jaune, attaque des bandits, clipiticlop, clipiticlop, attaque de la diligence, pif, paf, boum, règlement de compte au saloon, un dernier verre de tord-boyaux pour la route, bivouac sous les cactus, l'amitié franche et virile et le café bouillu, la belle chanteuse du saloon change de bras plus vite que la Winchester, duel final à la carabine à répétition, le vilain mortellement touché chute du haut du donjon. Mince ! C'était le frère du héros !

Tout jeune tout beau tout fringant, Tony Curtis (Anthony Curtis au générique) croise la route de James Stewart, sous l'uniforme de l'US Cavalry, pendant que Rock Hudson la joue Village People avant l'heure en chef indien.

J'ai bien vu que Jimmy sort gagnant ! Et comme c'est le cinéma permanent... ma chérie rappelle-toi, on est restés un an, et on a eu beaucoup d'enfaaaants !

Crash-test :

13 avril 2008

Grrraor !

Toujours les pages sportives. Suite à quelques remarques impertinentes, une nouvelle version d'un futur logo de notre club préféré, avec un félin chatouilleux au possible, affichant un joli mélanisme. Si quelques beaux esprits voient une possibilité d'y caser une touche de bleu-blanc-rouge, je serai curieux de savoir où. Prière de transmettre à MM. Caïazzo et Romeyer, avec mes tarifs. Le concours reste ouvert.

Il semblerait que la panthère noire ait été associée à l'image de l'ASSE en clin d'œil au Malien Salif Keita qui plantait but sur but sous le maillot vert à la fin des années 60. Selon la légende, maintes fois rapportée et répétée (avec quel degré d'authenticité ? je n'en mettrais pas mon abonnement à la tribune Jean Snella à couper), Keita débarqua de Bamako à Orly avec sa valise, sauta dans un taxi en lui demandant de le conduire à Geoffroy Guichard, et 500 kilomètres plus loin, le club réglait au chauffeur la meilleure course de sa vie.

11 avril 2008

Sous-Boks

Pendant ce temps là, en Afrique du Sud, une jolie polémique à tendance politiquement correcte, comme le pays les aime, commence à enfler autour de l'équipe nationale de rugby, championne du monde, faut-il le rappeler, depuis l'an dernier, et de son emblème de toujours : le springbok, gracile petite antilope bondissante des pampas australes.

Le projet est dans les tuyaux depuis un petit bout de temps mais à en croire la correspondante d'une concurrente gazette gothique et vespérale, Fabienne Pompey (qui pour une fois n'écrit pas sa dose habituelle de carabistouilles), le springbok sur les maillots verts pourrait bien ne pas terminer l'année. L'ANC veut remplacer la gazelle, soupçonnée de nostalgie pour l'apartheid, par le protea, fleur nationale qui orne seule les maillots des sélections dans tous les autres sports, et accompagne déjà le springbok depuis 1994 pour le rugby. Le parti au pouvoir feint ainsi d'oublier que le springbok a été l'emblème des équipes de rugby sud-africaines depuis 1906, c'est à dire 42 ans avant l'instauration officielle de l'apartheid.

Les Springboks de 1906.

Bon certes, le pays n'était pas non plus un modèle de démocratie multiraciale avant 1948, et comme en atteste le cliché ci-dessus, on aurait évidemment été bien en peine de trouver dans l'équipe un joueur qui ne soit pas blanc comme neige. Mais prêter une idéologie politique au quadrupède doré est peut-être un peu à côté de la plaque. On peut davantage suspecter l'ANC de soulever un débat national de nature purement émotionnelle afin de faire oublier, à un an des élections générales, les insuffisances du gouvernement en matière d'économie, de sécurité, ou encore même plus récemment d'approvisionnement énergétique. On voit aussi dans cette affaire la tentation un soupçon totalitaire de faire table rase du passé, et réécrire l'histoire au goût du jour.
Dieu soit loué, ce n'est pas en France qu'on verrait des choses pareilles !

Si le rugby sud-africain a effectivement des problèmes de racisme à régler en son sein, ils sont si profonds et généralisés que ce n'est pas une mesure cosmétique qui les règlera. Ça ressemble plutôt une façon bien commode de ne pas s'attaquer au mal en profondeur. La réalité sud-africaine est aussi que le rugby a toujours été un sport d'Afrikaners, et qu'il faudrait payer cher bien des noirs pour leur faire botter un ballon ovale. Alors quoi, on va les obliger ?

Jake White avec une veste datant de 1906.

En fait la question raciale dans le rugby avait déjà été largement au menu de l'après coupe du monde, puisque le coach champion du monde, Jake White (on n'a pas idée de s'appeler comme ça aussi), avait été remercié comme un malpropre dès le lendemain de sa victoire à la tête de troupes d'une trop éclatante blancheur. Le malotru s'imaginait pouvoir continuer à sélectionner les meilleurs joueurs, sans égard pour leur couleur de peau. Les dirigeants de la fédération lui ont bien fait comprendre qu'ils ne mangeaient pas de ce pain là, et l'ont prestement remplacé par un nouvel entraîneur, plus ouvert aux nouveaux concepts de sélection, métis de surcroît (pour les photos). Et donc l'objectif clairement annoncé, et soutenu par la principale force politique du pays, est que l'équipe reflète la diversité nationale.

Est-ce que je rêve ou bien est-ce qu'on a pas eu le débat exactement inverse en France lorsque de grands penseurs comme Jean-Marie Le Pen ou Georges Frêche se sont laissés aller à des considérations douteuses sur le nombre de joueurs noirs trop élévé en équipe nationale de football, et son manque de représentativité ? L'indignation, assez justifiée, avait été à son comble. Tout le monde s'accorde encore pour reconnaître que les meilleurs doivent jouer. Point barre.

L'équipe de France avant France-Italie en août 2006.

10 avril 2008

Mise au vert


Petit séjour à Saint-Etienne il y quinze jours. J'avais prévu un chouette long article ici-même afin de relater aux amoureux des beaux-arts toutes les œuvres magistralement, euh... magistrales, que j'aurais pu voir au Musée d'art moderne (en fait surtout "contemporain") de la ville, dépositaire de pièces issues des greniers de Beaubourg, et vanté comme l'une des plus belles collections de nos provinces. Las, déception, des expos temporaires chiantes ou ridicules, avec tout de même cette formidable laitue fraîche (mais pas pour longtemps, je me demande si un factotum aux pouces verts était chargé de la changer de temps en temps, ou si sa pourriture programmée faisait partie de l'installation) retenue par un fil de cuivre à un petit bloc de marbre. Bref, des salades. Je sais pas, peut-être que j'ai perdu mon âme d'enfant. Le plus intéressant, c'était ce panneau à l'entrée involontairement surréaliste : ouvert tous les jours, fermeture le mardi.


Pour me consoler, je suis allé acheter des merdouilles dans cet autre antre du bon goût stéphanois, la Boutique des Verts. Et constatant que le logo actuel du club, assez indigent, mériterait tout de même un relooking sévère, je me suis penché sur l'histoire de l'emblème de l'ASSE, laquelle fête gaillardement ses 75 ans cette année...

...pour finalement me mettre à Photoshop et torcher vite fait un truc qui aurait un peu plus de gueule et qui troue pas les poches quand on en fait des porte-clés. Y a de la place juste pour les dix petites étoiles, une par titre de champion de France, je crois qu'on est encore tranquille pour un petit moment de ce côté là.

8 avril 2008

Flip flop

De Gaulle à la plage de Jean-Yves Ferri.

Pochade historico-fantaisiste sous forme de strips comiques. Prenant au pied de la lettre le thème de la traversée du désert, Ferri envoie le général, son aide de camp, sa famille et son chien, faire des pâtés de sable sur les dunes d'une petite plage bretonne où le fond de l'air est frais et la température de l'eau pas plus engageante que la situation internationale. Une belle reliure à l'ancienne avec dos en tissu nous envoie directement en 1956.

Nul besoin d'être un spécialiste de la IVème République pour apprécier l'humour glacial et sophistiqué de Jean-Yves Ferri, l'auteur qui a sorti Manu Larcenet de la fange où il se vautrait complaisamment pour lui offir les strips sur mesure du Retour à la terre. Mais évidemment les historiens riront double à la lecture de ses saillies qui renvoient davantage aux Vacances de monsieur Hulot qu'aux Mémoires du général. On y voit de Gaulle découvrir les tongs, confondre des mouettes et des Bigouden, passer un nouvel appel du 18 juin depuis la cabine de secours des CRS, et finalement renoncer à une aventure extra-conjugale pour sauver à nouveau la France.


Oui je sais, dit comme ça, ça paraît potache, et c'est un peu la préconception que j'avais avant d'ouvrir finalement l'ouvrage dans les rayons de la Fnac. Mais en fait c'est beaucoup plus fin que ça, dessiné avec beaucoup d'économie, bien vu, assez tordant, du coup j'ai filé l'acheter chez Super Héros. J'achèterai de nouveau des livres à la Fnac le jour où ils me rendront mes 5% Lang. Non mais.

7 avril 2008

Le dernier des mohicans

Des nouvelles de tonton Anselme, le fameux grand artiste malgache.

Il aurait fini une sorte de suite de cinquante pages à son premier album de BD Retour d'Afrique (éditions Centre du monde, 1998) sous le titre Putain d'Afrique. Pas d'éditeur annoncé.

Il aurait largement entamé aussi une volumineuse autobiographie en BD (environ cent pages) qui serait publiée en juin ou avant à l'île Maurice sous la houlette de Laval NG, avec un coup de main de Serge Huo-Chao-Si. Juin parce qu'il y a apparemment un festival Gasy Bulles prévu à Tana, peut-être au Centre culturel Albert Camus, mais c'est pas le site du CCAC qui nous en dirait plus.

Il aurait par ailleurs arrêté le rhum, le whisky, le tord-boyaux, et ne boirait plus que de l'eau (sans en abuser bien sûr).


Vous pouvez classer les paragraphes précédents par ordre croissant de vraisemblance, et renvoyer votre bulletin de participation à la rédaction, vous gagnerez peut-être votre poids en rhum mangoustan.

6 avril 2008

L'arrivée

The Arrival de Shaun Tan.

L'auteur de cette BD est un jeune Australien d'origine chinoise, qui, malgré de stupéfiantes qualités graphiques s'était fait remarquer surtout par sa discrétion de violette, jusqu'à l'obtention du prix du meilleur album au dernier festival d'Angoulême. C'était fin janvier, autant dire que c'est pas frais frais mais je viens seulement de le lire.

Dargaud l'a publié en France, traduisant assez audacieusement le titre par Là où vont nos pères. Mais je l'ai acheté en anglais, moitié par snobisme, la couve de l'édition américaine me paraissant plus joliment chiadée, moitié par avarice, revalorisant ainsi mon pouvoir d'achat de quelques précieux centimes. Non pas que ça fasse une telle différence de toute façon vu que le livre est parfaitement muet, et à cet égard chaudement recommandé aux analphabètes. Et en un sens ça vaut mieux parce que si Dargaud avait dû traduire cent pages d'anglais avec la même fougue, Shaun Tan pourrait toujours l'attendre, son prix d'Angoulême.


Car s'il y eut un prix mérité sans contestation, ce fut bien celui-là. Shaun Tan porte le récit purement graphique à un niveau de sophistication qui n'a d'égale que son apparente simplicité. D'autant plus méritoire pour un illustrateur de formation, corporation souvent mal à l'aise dans la bande dessinée. Mais sans doute l'auteur a-t-il laissé parler son cœur et ses tripes, lui le fils d'immigrés, pour coucher sur le papier cette histoire incroyablement émouvante de déracinement, d'immigration, de regroupement familial, dont un exemplaire ferait bien de se trouver sur la table de chevet de Brice Hortefeux.


Le graphisme est un subtil mélange de réalisme, pour partie d'après photos, et d'onirisme chargé de nostalgie. Des dessins d'une grande minutie qui peuvent être regardés ou lus souvent à plusieurs niveaux. Et pour un livre sans paroles, ça ne se lit pas si vite que ça, tant la beauté de chaque dessin arrête l'œil, interpelle, et plonge l'esprit dans de nouvelles profondeurs de réflexion.

A mon avis ce grand livre pourrait bien faire date.