11 décembre 2012

Arsenic et vieilles familles

Thérèse Desqueyroux de Claude Miller.

Pins perdus. Mal mariée par intérêt pour des hectares de forêt de pins, une provinciale qui crève de médiocrité et d'ennui s'avise soudain d'empoisonner son mari, rate, et expie en souffrant le pire de ce qu'elle voulait éviter.

Nouvelle adaptation d'un roman de François Mauriac, auquel l'auteur de ces lignes s'abstiendra de faire référence, faute de l'avoir seulement ouvert, ce film veut nous faire plonger au cœur des mesquineries cruelles et implacables de la bourgeoisie de province, à l'époque où les filles étaient asservies à des convenances familiales cachant mal la cupidité sous-jacente. Mais la réalisation, l'ultime, avant son trépas, de Claude Miller, est tellement lente, allusive, par petites touches subtiles, sous-entendus et non-dits, qu'elle finit par échouer à mettre en évidence la violence des sentiments et des situations, à faire sentir le feu intérieur qui consume une femme, sans parler de ses hectares de pins, et la conduit au bord de la folie.

Si l'on comprend bien l'intérêt du sujet, qui vise à dénoncer cette hypocrisie bourgeoise qui se préoccupe tant des apparences, en en dénonçant le caractère foncièrement schizophrénique, on peine à accompagner Miller et ses remarquables interprètes (Audrey Tautou épatante) sans étouffer un bâillement.

Crash-test :

21 novembre 2012

Pas la peine

Into the Abyss de Werner Herzog.

Questions de vie ou de mort. Au Texas, champion étasunien de la peine capitale, un condamné à mort attend l'exécution de sa sentence. Werner Herzog, qui a pu le rencontrer, élargit le tableau pour donner la parole à toutes les personnes impliquées dans l'affaire : familles des victimes, des auteurs, complices, policiers, avocats, et met les certitudes à l'épreuve des faits.

On aura pu prendre peur, au vu des premières minutes du film, qu'il ne s'agisse d'un énième film qui revient en détail sur les circonstances d'un drame sanglant, démonstration accablante à charge ou à décharge, genre documentaire dont la télévision est friande. Heureusement, Herzog est plus malin que ça. Après un utile rappel des faits, il s'écarte des sentiers battus et fouille autour du drame, rencontre les familles, met à nu les personnalités, les motivations, les drames intimes, les plaies non refermées, et dresse un constat désolant à tout point de vue d'une société structurée par la violence, qui n'engendre que de la violence, dont la peine de mort n'est que l'ultime version institutionnelle.

Faussement ingénu, le réalisateur, qui s'exprime en anglais avec un accent bavarois à couper à la guillotine, ne peut s'empêcher à son tour de violenter un peu ses témoins en leur intimant l'ordre, d'une voix doucereuse mais ferme, d'oublier leur pudeur pour répondre à ses injonctions. Dans une scène cruciale, Herzog pousse dans ses derniers retranchements l'ancien capitaine d'exécution (délicate appellation locale du bourreau) qui a vu la lumière et préféré démissionner tant la peine de mort lui fait désormais horreur. Et c'est à pleurer.

Crash-test :


20 novembre 2012

Complot de famille


Une famille respectable de Massoud Bakhshi.

Persans sans père. Rentré au pays pour enseigner un semestre à l'invitation d'une université, un Iranien, exilé depuis vingt ans en Europe, découvre à ses dépens qu'il est plus difficile de sortir d'Iran que d'y entrer. Contraint de prolonger son séjour suite au décès de son père, le prof va mesurer durement à quel point il est devenu étranger à son propre pays.

On ne va pas dévoiler ici le retournement final du scénario qui va éclairer l'ensemble du film d'une bien cruelle lumière. Mais au fond, tout ça pour ça, est-on tenté de penser, rien d'autre que le récit d'une crapulerie bien ordinaire, dont on peine à percevoir la qualité purement iranienne, et, au fond, l'intérêt intrinsèque. Malgré une mise en scène honnête, on reste tout de même assez loin des chefs d'œuvre d'Ashgar Farhadi, autrement plus subtils.

S'il y a une critique du régime, elle est en filigrane assez fin, en ce sens que le film décrit l'utilisation à des fins privées des moyens d'oppression mis en place au service d'un Etat inique. Un propos tout de même un peu court, tant il ne tient pas de la révélation qu'un système politique dictatorial encourage vengeances personnelles et spoliations. Sous Vichy, les cas furent nombreux de dénonciations de voisins, d'amis, de membres d'une même famille, dans le seul espoir d'un bénéfice économique. Cette privatisation de la tyrannie sert bien sûr in fine au régime à approfondir l'assujettissement de la population par l'extension de l'insécurité dans la sphère intime.

Devant la minceur du propos, on doit s'étonner moins que le film ait pu être tourné sur place sans difficulté, et davantage qu'il ait été interdit de distribution en Iran, tant il n'y a pas de quoi déturbanner un mollah.

Crash-test :
 

19 novembre 2012

Fuel sentimental

Diesel, le scandale français de Stéphane Manier.

Vos enfants souffrent d'asthme, votre mémé se meurt d'un cancer des voies respiratoires, ne cherchez plus, et rangez vite la voiture au garage. En France, huit véhicules vendus sur dix roulent au diesel, en raison des incitations fiscales qui le promeuvent depuis plus de trente ans, en dépit de sa nocivité avérée et démontrée par des études scientifiques. Dimanche dernier, au lieu de se vautrer veulement sur le canapé de Michel Drucker, on pouvait voir sur France 5 cet inquiétant reportage qui dénonce assez courageusement, entre deux écrans de publicité consacrés à l'automobile, une absurdité aussi bien économique (la France ne raffine pas assez de pétrole en carburant diesel et doit en importer) qu'évidemment sanitaire, et, au-delà, un complot industriel ourdi par les constructeurs français, appuyés par les politiques de tous bords, en marinière ou pas. A côté, les scandales de l'amiante ou même du tabac sont du pipi de chat.


Saluons au passage l'initiative de France Nature Environnement, qui a inventé le pochoir négatif pour dénoncer le scandale : de l'eau de la Seine sous haute pression qui enlève des murs parisiens l'épaisse couche de particules qui s'y est incrustée. Charmant. D'autant que le motif disparaît comme par enchantement en quelques heures seulement...
 
Rediffusion le 29 novembre à 16h35 sur France 5.

18 novembre 2012

Villemot à l'affiche

Villemot peintre en affiches, à la bibliothèque Forney à Paris jusqu'au 5 janvier.

Le nom de Villemot (1911-1989) résonne encore à l'unisson de ceux des grands créateurs français de l'âge d'or de l'affiche au XXème siècle : Cassandre, Colin, Savignac. La bibliothèque Forney, dans le Marais, a la bonne idée de lui consacrer cette petite mais passionnante exposition, qui réunit affiches en sérigraphie ou en offset, ainsi que quelques originaux.


La signature de Villemot, reconnaissable entre toutes, reste associée principalement à une boisson orangée qu'il a accompagnée presque depuis ses débuts, et dont il a façonné le logo et l'image de marque : Orangina. La loi interdisait de représenter une orange, puisque la boisson en contenait moins de vingt pour cent... qu'à cela ne tienne, Villemot utilisera une écorce pelée en spirale !

L'exposition nous montre le parcours très personnel de ce peintre souvent inspiré, parfois laborieux : des esquisses montrent plus de soixante recherches en couleurs avant que soit arrêté le motif d'un projet. On apprécie d'autant plus, quand le résultat est à la hauteur, la valeur de ce travail invisible, qui cherche à disparaître derrière une simplicité qu'on croirait enfantine.



On apprécie davantage encore les traits de génie, quand ils sont juxtaposés à des compositions un peu plus bancales, ou moins évidentes, notamment parce que Villemot, maître de la couleur, n'excellait pas à la peinture des lettres. On s'aperçoit que le génie demande quand même un peu de transpiration, et que le succès passe aussi par l'échec. On y voit encore les bonnes idées qui prennent le temps de mûrir, Villemot n'hésitant pas à se plagier lui-même, recyclant des motifs après les avoir débarrassées des impuretés initiales.

Ce parcours, depuis les années de guerre où Villemot faisait de la propagande vichyste (fallait bien croûter...) aux années 80 où il célébrait le souvenir du Maréchal... Leclerc (le libérateur de Paris), donne l'image d'un créateur attachant, habité par le doute, se remettant sans cesse en question. Avec le temps, on s'aperçoit que la fonction commerciale de ses affiches n'en obère nullement la valeur intrinsèquement artistique.


Le Plan B(D) a aimé aussi.

10 novembre 2012

Sortis du bois

Le jour des corneilles de Jean-Christophe Dessaint.

Manga français. Au fin fond d'une épaisse forêt vivent un petit garçon et son papa, comme retournés à la vie sauvage. Un accident va les forcer à séjourner dans une petite ville voisine. L'homme et l'enfant vont réagir bien différemment à ce contact avec la civilisation.

Ce film de belle facture, tout à l'honneur des studios de production d'animation français, lorgne de façon assez insistante du côté du studio Ghibli du Japonais Miyazaki, ce qui est à la fois un bien et un mal. Un bien, parce que la qualité de l'animation est au rendez-vous, et celles des décors magnifiques est plus épatante encore. Un mal, parce qu'avec un scénario qui reprend sans vergogne des thèmes abordés par les Japonais (les forces de la nature, les esprits de la forêt, la représentation poétique du deuil, la vision enfantine du monde), mais de façon un peu désordonnée et confuse, on se demande bien quelle valeur ajoutée, quelle vision plus nettement européenne, apporte ce film.

Tout ça ne serait pas bien grave si les voix des deux personnages principaux n'avaient été confiées à deux des comédiens français les plus subtils, Lorànt Deutsch et Jean Reno. En entendant le second s'exclamer régulièrement sorcellerie ! diablerie ! on a un peu l'impression parfois d'écouter la bande-son des Visiteurs.

Crash-test :

8 novembre 2012

Petit mais vaillant

Kirikou et les hommes et les femmes de Michel Ocelot.

Arbre à palabres. Dans un village du sahel africain en butte à la vindicte d'une sorcière peu accomodante, les tribulations picaresques d'un enfant aussi rachitique qu'ingénieux nous sont narrées par un vieux griot pas pressé.

Mystère et magie du cinéma de Michel Ocelot, auteur de films d'animation qui sont autant de succès, Princes et princesses, Azur et Asmar, Contes de la nuit : le réalisateur, qui se joue des différentes techniques utilisées, accomplit le tour de force de transcender le conte pour en tirer des splendeurs visuelles, sans paraître en évacuer l'oralité originelle. Voir un film d'Ocelot, c'est avant tout se faire raconter de belles histoires. C'est le cas encore avec ce nouveau Kirikou, où l'enfant africain éponyme, déjà héros de deux longs-métrages, multiplie à nouveau astuces et stratagèmes, réconcilie les ennemis, ouvre les cœurs et rapproche les peuples étrangers.

Cerise sur le gâteau, ce nouveau long-métrage est servi avec 3D relief en option : film à lunettes. On a connu des expériences plus que mitigées par le passé avec cette ancienne nouvelle technologie, mais ici Ocelot en fait une utilisation aussi mesurée que judicieuse, sans tapage, en donnant une nouvelle jeunesse aux effets de profondeur d'image, genre caméra multiplane de Disney.

C'est drôle, c'est fin, c'est intelligent, c'est beau, on aura pas ici de mauvais goût de regretter que cet excellent film qui sait si malicieusement bien parler d'une Afrique rêvée ne soit pas une production africaine.

Crash-test :

2 novembre 2012

L'anti-gang

Alma, une enfant de la violence de Miquel Dewever-Plana et Isabelle Fougère.

Alma est une charmante jeune femme dont on n'aperçoît que la moitié supérieure, la moitié inférieure n'étant plus fonctionnelle, pour les raisons qu'Alma elle-même va nous exposer au cours d'une petite heure de confession choc. Alma vit à Guatemala, capitale du Guatemala, et sa vie n'a pas été un long fleuve tranquille. Mais elle fixe tranquillement la caméra, et d'une voix posée, rarement submergée par l'émotion, raconte cette vie par le menu, n'épargnant ni à ses interlocuteurs, ni au téléspectateur, ni au final à elle-même, aucun des détails les plus crus de cette histoire de la violence. Et l'on ne sait plus très bien au bout du compte quel est le plus horrible dans cette vida loca : est-ce le passé familial, sont-ce ces années au sein d'un des gangs les plus implacables d'Amérique centrale, ou bien ce présent en apparence apaisé, mais confiné à un fauteuil roulant, hanté par les remords et les regrets ?












Ce documentaire, dont la crudité de propos n'a d'égale que la retenue visuelle, est d'une simplicité formelle frisant la perfection. Hormis le monologue face caméra, les seules autres prises de vue sont des plans fixes de l'habitat des quartiers les plus pauvres de la capitale guatémaltèque, qui permettent de relier les paroles d'Alma à la réalité, tandis que les scènes les plus dures sont illustrées par le dessinateur français Hugues Micol. Voilà un bonne petite claque à la figure pour tous ceux qui croient qu'il n'y a plus rien à voir à la télé.


Rediffusion dans la nuit du 6 au 7 novembre à 3h40 (pour les insomniaques ou ceux qui peuvent enregistrer) sur Arte, ou à toute heure le webdocumentaire sur le net.

Davantage de dessins, et une interview de Micol ici (merci Appollo).

22 octobre 2012

Cases africaines, épisode 2

Nous suivons toujours avec un intérêt partisan l'agenda des sorties de BD africaine dans la collection que dirige Christophe Cassiau-Haurie chez L'Harmattan. Ce mois-ci, deux nouveaux titres venus du Congo et du Cameroun.

Mokanda illusion de Mongo Sisé.

Mongo Sisé, auteur congolais puis zaïrois puis à nouveau congolais, paix à ses cendres, fut l'un des précurseurs de la bande dessinée sur le continent. Il fut brièvement élève d'Hergé à Bruxelles. Il en revint avec de la ligne claire plein la plume, qu'il maria avec brio avec une verve très africaine, nourrie d'un sens de l'observation qui fait la marque des grands créateurs. Mokanda illusion est sa dernière BD, qui évoque sur un rythme endiablé l'émoi que cause, d'un bout à l'autre de Kinshasa, une simple lettre arrivée d'Europe. Le dessinateur mourut en 2008 juste avant d'en terminer l'encrage. Ce livre présente cette version inachevée, ainsi qu'une version de travail que Sisé utilisait pour démarcher des sponsors, afin de financer son projet ! Cerise sur le gâteau : un dossier biographique très complet et richement illustré, qui achève de faire regretter l'absence de cet auteur attachant, tout de suite après qu'on a fait sa connaissance.


Cargaison mortelle à Abidjan de Japhet Miagotar.

Japhet Miagotar est un auteur camerounais, qui s'est fait remarquer et primer dans un festival italien consacré à la BD africaine. Gonflé à bloc, il s'est lancé dans un projet ambitieux pour son premier récit grand format : construire une fiction sous forme de thriller politico-écologique autour de l'affaire tragique du Probo-Koala, ce cargo, affrété par une antipathique mutinationale, qui avait épanché plusieurs tonnes de produits toxiques dans les rue d'Abidjan. Miagotar a, pour ce faire, choisi un graphisme absolument étonnant inspiré de l'art statuaire traditionnel africain.


Précédemment dans Cases africaines.

20 octobre 2012

La banalité du coup de fil

Compliance de Craig Zobel.

Canular téléphonique. Une journée comme les autres dans un restaurant fast-food de quelque banlieue miteuse de n'importe quelle ville des Etats-Unis. Le téléphone sonne. Au bout du fil, un homme qui se dit agent de police va, au prétexte d'enquêter sur un vol, prendre peu à peu possession de chacun des employés jusqu'à les amener à commettre l'irréparable.

Le scénario est un tel tour de force narratif, psychologique, et cinématographique, qu'on a peine à croire qu'il est en fait inspiré d'un fait-divers bien réel. Et ce fut un réel plaisir que de s'asseoir dans une salle sans savoir à quoi s'attendre, puis de se demander, interloqué, où le réalisateur voulait bien nous conduire, avant de deviner progressivement son propos au fur et à mesure que les intentions de l'homme au bout du fil devenaient plus évidentes et plus malsaines. Il faut traduire le titre, compliance, qui mélange les deux notions d'obéissance servile et de conformisme, pour mieux comprendre la force et l'intérêt de ce film qui démonte de façon terrifiante le processus psychologique qui peut conduire quelqu'un à accepter l'inacceptable et à commettre un crime. La clé de ce processus se trouvant dans la faculté qu'a le manipulateur de convaincre le manipulé qu'il peut se croire exonéré de toute responsabilité personnelle. Difficile, alors, au milieu des hamburgers, des grumeaux de panure et de l'huile de friture, de ne pas penser à Hannah Arendt, à Eichmann, et à la banalité du mal. On finit d'être stupéfait en découvrant la profession qu'exerce l'odieux appelant, qui l'a si bien préparé à commettre son forfait, et beaucoup d'autres puisque dans la réalité le manège s'est répété sur le même mode dans une trentaine de restaurants...

Le film se termine avec les incertitudes des parties prenantes de ce sordide fait-divers quant à leur degré de responsabilité, mais surtout, en montrant la police interpellant l'auteur des coups de fil, dans le but, heureusement, de mettre fin à ses agissements. Mais aucune scène d'audition, de procès, encore moins de condamnation du suspect ne nous est montrée. Et on peut alors légitimement s'interroger encore, en ressortant abasourdi de la salle de cinéma : mais, au fond, sous quel motifs peut-il être pénalement poursuivi, pour avoir seulement passé des appels sous une fausse identité, et demandé à des gens de faire ceci ou cela, qui l'ont accepté, en rechignant ou pas, mais qui l'ont accepté ? Tout ce que les employés du fast-food ont fait ou laissé faire, ils auraient pu le refuser à tout moment. Qui est coupable ?

Crash-test :

17 octobre 2012

Ecran de fumée

73 000 décès liés au tabac chaque année en France (contre environ 3000 pour les drogues illicites, hors décès par balles à Marseille). Mais c'est tellement cool ! s'est dit l'association Droits des non-fumeurs, qui fait circuler ces amusantes fausses publicités délicieusement rétro.


16 octobre 2012

L'aloi des séries, épisode 9

Nous vous invitons à un petit tour du Royaume-Uni avec ces quelques productions récentes, toutes plus passionnantes les unes que les autres. Non seulement la perfide Albion, est l'autre pays des séries, mais son savoir-faire en la matière souligne cruellement le ridicule des productions françaises, en prouvant bien que des Européens peuvent tout à fait, en s'en donnant les moyens, imposer leurs thèmes et leur style dans ce genre télévisuel.

Downton Abbey.

Cette splendide série historique en costumes démarre en 1912 au moment du naufrage du Titanic, et va nous conduire, à travers le premier conflit mondial, jusqu'à l'émergence d'un nouveau monde moderne, où il faut que tout change pour que rien ne change. Cet ambitieux Guépard à l'anglaise, qui mêle le destin d'une famille noble et celui des domestiques de sa maisonnée, réunit petite et grande histoire avec une grande acuité sociale et une justesse de ton qui doit autant à la mise en scène et à l'aspect visuel remarquablement maîtrisé, qu'au talent de l'interprétation. La troisième saison est en cours de diffusion sur ITV.

Accused.

Réalisme social à nouveau, mais cette fois-ci sur le mode contemporain, avec cette série qui présente en fait des téléfilms indépendants bâtis sur le même modèle : des faits-divers emblématiques de sujets de société forts, qui partent de l'heure du verdict des accusés pour déconstruire et comprendre leur motivations, les raisons et l'enchaînement dramatique de circonstances qui les ont conduits dans le box. Le spectateur est ainsi à son insu mis dans la peau d'un membre du jury... coupable ou non coupable ? Six épisodes dans la première saison, quatre dans la seconde, tous époustouflants.

Top Boy.

Mini-série de quatre épisodes qui raconte les mésaventures d'un gamin d'une cité un peu pourrie, laissé à l'abandon par une mère malade, et pris en étau dans les manigances de gangs de dealers. Le thème a beau être un peu rebattu, la force stylistique de la mise en scène et en images fait comprendre justement ce sentiment d'abandon total éprouvé par des pans entiers de notre société, un sentiment qui n'a malheureusement rien de spécifiquement britannique...

Hit & Miss.

Mia, tueuse professionnelle, s'appelait Ryan, a une forte poitrine, et aussi des couilles, au propre comme au figuré, puisque c'est une transsexuelle avant opération. Elle se réinvente une famille après la mort de la mère de son fils... Le postulat est assez invraisemblable, pour ne pas dire racoleur, et curieusement la réalisation est une épure tout en retenue, dont la douceur languissante n'est perturbée que par de rares éruptions de violence liées au métier de l'héroïne. Une seule saison de six épisodes. Etonnant.

Previously dans L'aloi des séries.
Besoin de sous-titres ? TVsubtitles.net.

27 septembre 2012

Ciné dessiné

Aperçue sur les murs du métro de la capitale, cette affiche pour le nouveau film de l'Italien Matteo Garrone, qui s'essaie, paraît-il avec brio, à la comédie, après avoir réalisé l'époustouflant film très noir Gomorra. Le dessinateur n'est autre que le fameux et talentueux Christophe Blain. Il ne s'est pas foulé.

 

Dernière minute : on nous signale aussi une affiche signée Floc'h, spécialiste s'il en est des affiches de cinéma, et qui, pensant sans doute aux disparitions prochaines d'Alain Resnais et Woody Allen, pour qui il a beaucoup œuvré, assure ses arrières en offrant ses services à Pascal Bonitzer. Notez comment le personnage central ressemble davantage à Pierre Moscovici qu'à Jean-Pierre Bacri.


D'ailleurs Alain Resnais, fan de BD, a misé sur un autre cheval, en faisant appel à un autre fameux et talentueux dessinateur pour la remarquable affiche de son nouveau film. Saurez-vous deviner lequel ? Pour une bonne réponse, la rédaction offre un panaché bien clair au Café de la Gare au Bourget.

25 septembre 2012

L'ourse en plus


Rebelle de Mark Andrews et Brenda Chapman.

Force écossaise. Dans des Highlands à l'aube du Moyen-Âge, Merida, une fille de roi, fait une sévère crise d'adolescence, curieusement teintée de sorcellerie plantigrade, refuse le mariage, et finit par commettre suffisamment d'erreurs pour gagner sa liberté.

On attendait encore monts et merveilles de cette nouvelle production Pixar, après des chefs d'œuvre comme Ratatouille, Wall-E ou Là-Haut, et ce qui devait arriver arriva, on est quand même un peu déçu. Oh bien sûr, l'animation et le design, tout l'aspect visuel du film, ont encore quelques coudées d'avance sur les concurrents de Dreamworks ou Sony et consorts. On reste admiratif devant la finesse et la souplesse de la chevelure rousse de l'héroïne, tout comme on apprécie le souci du détail dans les foules où chaque trogne est dessinée individuellement avec malice.

Mais on soupçonne un peu l'influence néfaste de la la maison mère sur l'écriture du scénario, qui accumule les clichés issus de la recette Disney : la chanson du début où l'héroïne expose sa vision de la vie est un passage obligé pour toutes les héroïnes Disney depuis Ariel de La petite sirène. S'ensuivent les épreuves, et le triomphe qui permet à ladite héroïne de se trouver elle-même. Seule tentative de modernité : Merida ne se marie pas et n'a pas beaucoup d'enfants. C'est un peu mince pour faire digérer un récit qui, sans être ennuyeux, semble hésiter entre plusieurs registres, comédie familiale, heroic fantasy, fantastique (la maman est mystérieusement transformée en ourse), teen-movie, sans jamais dégager un propos bien clair, ni vraiment trouver sa voie.

Dans le genre princesse Disney, le récent Raiponce était beaucoup plus réussi, en assumant tous les clichés du genre. Mais c'est une voie sans issue pour Pixar, qui se faisait jusque là plutôt remarquer pour l'originalité, voire l'audace, de ses sujets.
Crash-test :

 

20 septembre 2012

Touche pas à ma caricature

Suite aux manifestations contre le film anti-islam, et à la parution de nouvelles caricatures de Mahomet dans l'hebdomadaire Charlie-Hebdo, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius ont fait parvenir à notre rédaction le communiqué suivant :


"Nous tenons, au nom de la République française, à apporter notre soutien inébranlable à tous ceux qui, en faisant usage de leur liberté d'expression, défendent par là-même aussi la nôtre. Aussi réaffirmons-nous et soutenons-nous le droit des auteurs de films à réaliser et diffuser leurs films, le droit des journaux satiriques à publier des dessins satiriques, quand bien même et surtout si tous les citoyens de notre beau pays ne les approuveraient pas, quand bien même et surtout s'il s'agissait d'invraisemblables sornettes. Nous rappelons que le blasphème n'existe pas dans un Etat de droit, nous rappelons que la notion de sacré n'a pas de valeur juridique, et que jusqu'à preuve du contraire, aucun contempteur de l'islam visé par des manifestants n'a pour sa part appelé au meurtre ou à la censure. C'est la grandeur des démocraties, au premier rang desquelles la France, de garantir, et, si besoin est, de défendre, la première des libertés, la liberté d'expression, et ce quel que soit l'usage qui en est fait dans les strictes limites que permet la loi."

Après plus ample informé, il s'agirait, malheureusement, d'un faux grossier.