29 septembre 2010

Obapok

Un projet (pas follement original, je sais, pas franchement dans le feu de l'actualité, je sais, mais en même temps tant mieux) pour une carte de visite.

26 septembre 2010

L'aloi des séries, épisode 6

Treme.

David Simon, le créateur de l'épatante série The Wire, débarque à la Nouvelle-Orléans pour y dresser un portrait de la ville après Katrina (l'ouragan qui a dévasté la ville en août 2005). Treme est l'un des quartiers populaires de la ville qui eut le plus à souffrir de l'inondation. L'occasion d'un commentaire politique assez virulent sur la façon dont la catastrophe naturelle a été aggravée par une impréparation criminelle (ce qui semble le lot de chaque catastrophe meurtrière, la dernière en date sur nos côtes en Vendée...), comment la nation étasunienne et le pouvoir fédéral ont abandonné la ville à son triste sort, et surtout comment des enjeux politiques à court terme visent à tirer partie de ces circonstances exceptionnellement dramatiques pour tenter de couper la Nouvelle-Orléans de ses racines, folkloriser sa culture, et in fine gentrifier la métropole, c'est à dire la blanchir en empêchant les pauvres réfugiés noirs de regagner leurs logements inondés ou non.

Au cœur de la série, indissociable du discours, la musique est omniprésente, hommage permanent à la vigueur du berceau historique du jazz, où chaque personnage semble ne vivre que par et pour la musique, comme si les cuivres des fanfares étaient la seule assistance respiratoire qui maintenait le ville en vie.

Le tout premier épisode est absolument époustouflant. Réalisé par la cinéaste polonaise Agnieszka Holland (Europa Europa), il dure une heure et vingt minutes, et à vrai dire, cet épisode est d'une telle puissance d'évocation, qu'il aurait pu être à lui tout seul un long-métrage, donnant toutes les pistes de réflexion utiles à la compréhension des enjeux consécutifs à Katrina. Après une telle claque dans la figure en guise d'ouverture, les autres épisodes peuvent paraître plus conventionnels, avec le croisement de personnages et d'intrigues propres au genre de la série. Mais heureusement, David Simon ne perd jamais de vue son propos, secondé par une distribution au diapason, retrouvant ses acteurs fétiches aussi méconnus que brillants, Clarke Peters, Wendell Pierce, Khandi Alexander, auxquels se sont joints entre autres Steve Zahn et John Goodman.

La première saison, diffusée par HBO, compte dix épisodes. Dix autres ont déjà été tournés. En guise d'amuse-bouche, je vous laisse apprécier l'excellent générique.



Previously dans L'aloi des séries.
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25 septembre 2010

Coming out al dente

Le premier qui l'a dit de Ferzan Özpetek.

Comédie familiale à voile et à toute vapeur. A Lecce, dans le sud de l'Italie, un fils revient de Rome pour prendre sa part dans la succession de la fabrique de pâtes familiale. Préférant la littérature à l'industrie, il est empêché par son frère de révéler son homosexualité, et doit finalement rester à l'usine mettre la main à la pâte. Turbulences, revirements, révélations, scènes de la vie de province, ainsi va la famille où il est difficile d'accepter chacun tel qu'il est.


Un peu grossier dans la forme mais subtil sur le fond, voilà un bien curieux film, coproduit par la RAI Cinema, qu'on croirait taillé pour l'équivalent transalpin d'un dimanche soir fédérateur à la télévision. Et c'est vrai qu'Özpetek ne rechigne pas à recourir à quelques grosses ficelles, pas toujours d'une grande légèreté, et à inonder le film de bruyante pop italienne. Mais sous ces gros sabots se cachent en vérité des trésors de finesse dans le traitement d'un sujet qui aurait pu être autrement scabreux, grâce à des personnages précisément dessinés, grands et petit rôles confondus, et une capacité remarquable à mêler sans niaiserie des moments d'émotion et des scènes de comédie hilarantes. Le réalisateur fait toute la preuve de son savoir-faire quand il parvient à nous faire mourir de rire devant un personnage qui fond en larmes.

Je ne sais pas s'il faut aller jusqu'à en référer aux plus riches heures de la comédie italienne, mais Özpetek, qui est turc, réussit un film à la fois classique, drôle et malin, où la question de l'homosexualité n'est que l'une des composantes d'une ambitieuse fresque familiale. Ça valait vraiment la peine de sortir du placard.

Crash-test :

22 septembre 2010

Miettes de crabe

Le crabe aux pinces d'or de Claude Misonne et João Michiels.

Tournée en 1947, rééditée en DVD en 2008, voici une perle rare que m'a fait découvrir un tintinophile averti. Il s'agit du tout premier long métrage de cinéma tiré des aventures de Tintin, qui fut projeté en public une seule fois en tout et pour tout, tomba dans les oubliettes de l'histoire, avant d'en être extirpé par M. et Mme Rodwell.

On peut découvrir l'invraisemblable histoire de ce film dans cet article que lui a consacré la Libre Belgique. Et profiter dès maintenant grâce à votre cyber gazette favorite d'un aperçu de cet incunable.

21 septembre 2010

L'essence de l'existence

L'arbre de Julie Bertuccelli.

Mélo familial arboricole. Dans un bled poussiéreux du fin fond de l'Australie, après la mort de son séduisant mari, une jeune et séduisante mère de famille nombreuse s'efforce de réapprendre à vivre. Elle habite à l'ombre d'un arbre gigantesque, qui devient bientôt une menace pour toute la maisonnée, tandis que sa petite fille s'est persuadée que l'esprit de son défunt père loge dans ses branches. Du père, de l'arbre, de la maison, de la famille, duquel faudra-t-il faire le deuil ?

Fort heureusement, Julie Bertuccelli, qui est aussi l'auteur du scénario, n'a pas poussé le vice jusqu'à instiller une dose de surnaturel là où quelques malencontreuses coïncidences suffisent à accréditer vaguement l'idée farfelue que l'arbre est hanté par l'esprit du défunt. Mais on l'aura bien compris, cet arbre, symbole de vie, est aussi dans ce film un symbole, pas très subtil, de la mort, et du passé dont il faut faire table rase pour avancer. Finalement, un peu trop d'importance est donné à ce rôle-tire de l'arbre, au détriment du portrait des relations entre les autres personnages, dont la psychologie n'est qu'effleurée. C'est l'arbre qui cache la forêt des sentiments humains, et l'occasion est manquée de faire un vrai beau film sur l'enfance face au deuil. Davantage d'interaction entre les autres orphelins aurait donné davantage d'épaisseur à ce portrait de groupe, d'où n'émergent vraiment que la mère et la petite fille.

Malgré ces maladresses dans l'équilibre du scénario, il faut reconnaître à Julie Bertuccelli un vrai talent pour raconter une histoire en images, avec de bien jolis vues de ce bled poussiéreux du fin fond de l'Australie, banlieue de petite ville à la frontière de l'outback, inondée de lumière australe. La réalisatrice n'a au moins pas scié la branche où elle était assise.

Crash-test :

20 septembre 2010

Ma mère ce zéro

Copacabana de Marc Fitoussi.

Rédemption maternelle. Une quinquagénaire égocentrique, immature et fantasque, fauchée comme les blés parce qu'éprise de liberté et de bossa nova, a échoué à Tourcoing avec sa revêche fille vingtenaire qui a du mal à supporter ses lubies. Tenue à l'écart du projet de mariage de la demoiselle, la mère tente de se refaire à Ostende en devenant vendeuse de résidences de vacances en multipropriété, et finit tant bien que mal par regagner l'estime de sa fille.

Avec ce sujet assez ténu et légèrement casse-gueule, du genre qui a servi de base à quelques milliers de films français dispensables, Marc Fitoussi réussit le tour de force de faire un film à la fois intelligent, sensible et drôle, grâce à deux ingrédients habilement complémentaires. Primo un sens de l'image et du montage qui laisse respirer le film au grand air de la mer du Nord, avec autant de beaux cadres, de belles lumières, que de belles ellipses. Deuxio un couple d'actrices, Isabelle Huppert en forme olympique, face à sa véritable fille dans la vraie vie, Lolita Chammah, qui se révèle à la hauteur. Avec Aure Atika pas mal non plus en commerciale super salope. Résultat : le récit parvient à faire passer avec grâce et légèreté le commentaire social et le drame psychologique, assaisonnés d'une pointe d'amertume tempérée d'un peu de foi dans la vie. L'émotion finit par nous gagner, et pour une fois c'est tout sauf niais.

Alors bien sûr on pourra chipoter en estimant notamment que le film aurait pu (c'est à dire dû) se terminer deux plans plus tôt, mais ça ne suffit pas à gâcher le plaisir passé inexplicablement le long des plages d'Ostende, ersatz septentrional à peine moins chaloupé d'un Brésil rêvé.

Crash-test :

9 septembre 2010

Shérif, fais-moi peur !

The Killer Inside Me de Michael Winterbottom.

Mais que fait la police ? Dans un petite ville du sud des Etats-Unis, un jeune shérif adjoint, gentil garçon apprécié de tous mais incapable de sentiments, perturbé et sadique, entreprend d'occire quiconque a le malheur de lui accorder un tant soit peu d'affection. Grisé par sa toute-puissance, il finit par jeter toute prudence à la rivière, jusqu'à devenir lui-même son ultime victime.

Vu le traitement quasi guilleret de cette histoire sordide, ponctuée de scènes d'une violence assez gratinée, on ne sait si le réalisateur voulait jouer du contraste. Mais l'humour étant totalement absent, il n'est pas exagéré d'y voir comme un ratage, alors que le sujet, tiré d'un roman de Jim Thomson, aurait pu donner matière à un vrai film noir poisseux dégoulinant de méchanceté et de cynisme. Au lieu de quoi on se contente d'une reconstitution scolaire des années 50, alignant les clichés sur les petites villes, sans assurer la cohérence d'interaction entre les protagonistes, avec pour toute idée de mise en scène une surabondance d'illustration musicale. Le personnage principal reste lointain, à aucun moment on ne pénètre un tant soit peu dans sa psyché tourmentée, quelques misérables flashbacks sur son enfance ne suffisant pas à lui donner de l'épaisseur. On ne sait s'il faut davantage en blâmer l'interprète, Casey Affleck, ou le peu inspiré réalisateur Michael Winterbottom, qu'on avait vu plus à son affaire dans la fiction à saveur documentaire The Road to Guantanamo.

Dans une logique similaire, on peut préférer la fameuse série Dexter, qui met en scène un tueur en série (ipso facto) travaillant pour la police, sorte de parabole sur le visage souriant du mal absolu, dont les implications à la fois politiques et psychanalytiques ne souffraient pas des mêmes déficiences narratives. Avec Winterbottom, les dernières victimes seront les spectateurs, qui risquent de trépasser d'ennui.

Crash-test :

7 septembre 2010

A poil et à plumes

Tournée de Mathieu Amalric.

Tour de France pour tours de poitrines. Un producteur minable, ex-vedette de la télé (sans que ça apporte quoi que ce soit à l'histoire) emmène en tournée en France une petite troupe d'effeuilleuses étasuniennes promptes à se déplumer, retrouve brièvement ses deux fils, cherche un point de chute à Paris, et finit dans les bras d'une fausse blonde pulpeuse.

Difficile, après avoir vu le film, d'imaginer ce qui a pu provoquer une telle euphorie lors de sa présentation à Cannes. Dire qu'on en parlait même pour la Palme d'or... Amalric aurait été bien inspiré de se cantonner à la mise en scène et de donner le premier rôle à un comédien mieux à même de donner chair à sa vision sans s'abandonner à de complaisantes scènes d'hystérie inexpliquées. Car il a beau lorgner avec insistance du côté de Cassavetes, il ne parvient jamais à transformer ce non récit vaguement fangeux en épopée romanesque digne d'intérêt. On y voit donc surtout un vain essai formel, où le réalisateur novice s'échine à imiter ses maîtres, mais désespérément rempli de vide.

Comble de maladresse, les scènes de strip-tease sont particulièrement mal filmées car peu filmées, on n'en voit pas grand chose à vrai dire, alors qu'on aurait pu croire qu'il y a avait là matière cinématographique de premier choix. Quant à l'idylle subite entre le producteur et la danseuse, elle est aussi improbable que commode pour ficeler le film et aboutir à un semblant de fin. Bref, Amalric et ses danseuses peuvent aller se rhabiller.

Crash-test :

3 septembre 2010

Dans tes rêves

Inception de Christopher Nolan.

La vie est un songe. Commandité par un puissant industriel, un spécialiste de la manipulation des rêves s'introduit dans l'inconscient de l'héritier du groupe concurrent. Son objectif : implanter dans le cerveau de la victime de cette arnaque sophistiquée le désir spontané de démanteler son propre empire ! Chemin faisant, notre Morphée des temps futurs va devoir régler ses comptes avec son propre subconscient. Et si tout cela n'était qu'un rêve ?

Christopher Nolan devait être persuadé de tenir entre les mains tous les éléments d'un nouveau Matrix apte à révolutionnerà son tour le genre de la science-fiction : un scénario gigogne multi-couches à tiroirs, pas d'une inventivité parfaitement inouïe dans le genre réalité dans la réalité, mais au moins ingénieux, une brochette de comédiens talentueux, et une débauche d'effets spéciaux numériques à sa disposition. Las, un seul ingrédient suffit à gâcher ce cocktail prometteur : une musique omniprésente et envahissante, de facture disons douteuse, qui ruine l'ambiance aussi sûrement qu'une sonorisation de centre commercial. On espère en vain une seconde de répit pour profiter un peu d'un dialogue ou d'un effet de mise en scène, mais non, on a les oreilles perpétuellement remplies de bouillie, et on peine à discerner dans ce fracas permanent autre chose qu'une volonté de distraire ou d'épater, sans commentaire politique ou social très perceptible.

Et c'est bien dommage, car à défaut de révolutionner la science-fiction, le film laissait entrevoir de bons moments, avec pour une fois, une utilisation aussi judicieuse que spectaculaire d'effets spéciaux numériques, que nous sommes d'ordinaire plus enclins à décrier.

Dans la distribution, on peut signaler Leonardo DiCaprio, qui film après film, y compris les plus vaseux, démontre qu'il n'est pas qu'une figure de proue pour transatlantique, et aussi Joseph Gordon-Levitt, qui a bien grandi depuis la cocasse sitcom Third Rock from the Sun qui l'avait révélé.

Crash-test :

2 septembre 2010

La télévision mène à tout
à condition d'en sortir

Gosse de peintre, Beat Takeshi Kitano, à la Fondation Cartier pour l'art contemporain à Paris, jusqu'au 12 septembre.

Ultime arrière-goût de vacances, plus que quelques jours pour aller profiter de cette jolie petite exposition consacrée à une personnalité japonaise hors-norme, un honnête homme touche-à-tout connu en France pour ses films sensibles et profonds, tels Hana-bi ou Aniki, mon frère. Mais au Japon, Kitano s'est fait connaître sous le nom de Beat Takeshi en faisant l'andouille à la télévision des années durant, produisant des émissions plus crétines les unes que les autres, donnant libre cours à son goût pour le déguisement, accouchant d'un improbable croisement entre Benny Hill et Jackass, dans le contexte très particulier du paysage audiovisuel nippon dont on peut voir un très déconcertant aperçu dans le film Lost in Translation de Sofia Coppola.


L'exposition, concise, graphiquement percutante, confronte le rude Beat Takeshi aux créations plus délicates de Takeshi Kitano, également peintre, plus ou moins naïf, mais plutôt moins qu'il n'y paraît, sculpteur par procuration, inventeur fou de machines impossibles, héraut d'un curieux surréalisme extrême oriental. Elle démontre qu'au Japon, l'équivalent d'un Alain Corneau peut partager son enveloppe corporelle avec l'équivalent d'un Patrick Sébastien et celui d'un douanier Rousseau, alliant en une même personne la plus extrême vulgarité, la plus extrême sensibilité narrative, la plus extrême intelligence graphique, venues du plus extrême Orient.