30 décembre 2009

Un mauvais fils

Le vilain d'Albert Dupontel.

Cinéma pas beau. Un repris de justice braqueur de banques se réfugie dans le pavillon de banlieue de sa vieille maman qui le met au défi de se rendre coupable d'au moins une bonne action pour une fois dans sa vie.

Faisons bref, inutile de s'étendre sur une production qui fait un candidat de choix au titre envié de navet de l'année. Si le sujet en lui même aurait permis d'entrevoir une possibilité d'amusement, Albert Dupontel rate le coche d'une lieue au moins, faisant preuve d'autant de prétention que d'incompétence, et démontre qu'il n'est ni scénariste, ni dialoguiste, ni metteur en scène, ni réalisateur. On se demande d'ailleurs où sont passés le comédien et même l'humoriste du même nom. Rien de plus triste en effet qu'une comédie pas drôle.

Toutes nos pensées vont vers Catherine Frot, qui, grossièrement grimée, a dû prêter ses rides factices à la maman du vilain. Quand Dupontel aura fini de ridiculiser hautainement le pauvre Laurent Bignolas qui heureusement pour lui n'avait pas perdu de temps à visionner ce prétendu film (voir vidéo plus bas), peut-être essaiera-t-il de nous expliquer pourquoi il n'a pas pu choisir une actrice qui avait l'âge du rôle. Faut pas pousser mémé dans les navets.

Crash-test :

21 décembre 2009

Le travail c'est la santé

Une récente actualité m'a conduit à m'intéresser à cette œuvre de Claude Lévêque, visible dans un musée de Luxembourg, à en croire le site officiel de l'artiste, œuvre qui avait été refusée à une exposition au Grand Palais en 1996. Le Luxembourg a les idées larges.


Notez le B cul par dessus tête, subliminal geste de résistance des prisonniers d'Auschwitz qui avaient été aimablement priés par leurs geôliers de confectionner cette revigorante enseigne destinée à égayer l'entrée de leur camp. Avec un succès somme toute mitigé.

19 décembre 2009

Veloma Zézé


Aimé Razafindrainibe, qui signait ses dessins sous le nom d'Aimérazafy, s'est éteint ce samedi 19 décembre à Tananarive des suites d'une infection pulmonaire. Il avait 51 ans. Il ne laisse pas de famille derrière lui.

Aimérazafy et Anselme en octobre 2008.

Avec ses frères, le toujours vaillant Anselme et le petit Rado, décédé en 2000, il avait fondé au début des années 80 l'Abédéma, Association des bédéistes malgaches, qui avait lancé plusieurs revues satiriques en auto-édition, dont le fameux mais bref Sarigasy, aux plus belles heures de la dictature de Ratsiraka. Personnage quelque peu énigmatique, à l'humour acide, ne rechignant pas à un tout petit gorgeon de rhum de temps en temps, y compris en compagnie de votre serviteur, il avait continué son bonhomme de chemin dans la presse, devenant l'un des dessinateurs éditorialistes les plus appréciés de Madagascar, occupant longtemps la rubrique Sans cible à la une de Madagascar Tribune.

Dans Sarigasy.

Une vue de Tana.

Avec les crises politiques à rebondissements de ces dernières années, sa carrière avait suivi la valse des publications, au gré des courants. Ses derniers dessins paraissaient dans le quotidien La Gazette sous la rubrique Sans sommation.

14 décembre 2009

Killing an Arab

L'étranger de Luchino Visconti.

Un film à vous dégoûter du vin de Bourgogne. Meursault, un pauvre type vivant à Alger au temps béni des colonies, aquoiboniste forcené, incapable de sentiments, entraîné dans un règlement de compte qui ne le concerne pas, coupable du meurtre improvisé d'un indigène arabe, est condamné à la guillotine pour n'avoir pas pleuré quelques jours avant à l'enterrement de sa mère. Le monstre.

Les candidats à la panthéonisation auront reconnu dans l'argument quasiment mot pour mot celui du célèbre roman d'Albert Camus, dont ce film constitue l'adaptation, si mes souvenirs de lecture sont à croire, fidèle. Tellement fidèle que c'en devient un exercice de formalisme un peu raide, avec de longs passages de voix off, et un traitement au fond très - trop - littéraire, pour ne pas dire littéral. C'est vrai que l'atmosphère étouffante de l'été algérois est particulièrement bien rendue. On y devine en filigrane le contexte colonial où les musulmans ne sont guère que des silhouettes au second plan. Et Marcello Mastroianni donne un Meursault exceptionnellement désincarné. Visconti fait de son mieux, avec quelques belles idées de mise en scène, notamment au début autour de la mort de la mère. Il est moins convaincant dans la scène cruciale du meurtre : difficile il est vrai de rendre en quelques secondes d'action tout le trouble et l'incongru des tourments assaillant Meursault, ce que Camus peut faire sans être limité par les mots... Mais le film est surtout desservi par une photographie imprécise, avec beaucoup de rattrapages de point mal assurés, de mouvements de caméra cahoteux, et un gros grain de pellicule, qui donnent un aspect non pas noblement ancien mais vieillot. Côté son, on entend un peu trop une musique peu inspirée, et la traditionnelle post-synchronisation à l'italienne rend un peu ridicule une pourtant belle brochette d'acteurs français, Georges Géret, Anna Karina, Georges Wilson, Bernard Blier, Bruno Cremer... Tout cet apprêt un peu dépassé finit par nuire au propos et à la force générale du film.

Au total on se retrouve un peu, malgré le renom du réalisateur et des interprètes, avec une sorte d'Etranger pour les nuls, pouvant en une heure et demie épargner de se taper le roman à quiconque voudra briller à son club de lecture, résumant fidèlement les thèmes du vide existentiel, d'une forme de lévitation morale détachée du substrat social, de l'imposture religieuse, mais échouant à recréer sur l'écran une œuvre artistique de portée équivalente ou supérieure à celle de Camus. Les bons livres ne font pas forcément les bons films.

Curieusement, je n'avais jamais entendu parler de L'étranger dans la filmographie de Visconti, et je suis entré dans la salle comme si j'allais voir le nouveau film d'un grand réalisateur interprété par les meilleurs comédiens du moment. Ma relative déception n'a pas suffi à effacer ce petit plaisir cinéphilique.

Crash-test :

11 décembre 2009

Kim-Il Wade

A défaut d'apporter un démenti catégorique à ceux pour qui l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire, le président sénégalais Abdoulaye Wade, grâce à une vision lumineuse, le fait entrer avec superbe dans la statuaire monumentale. C'est pour immortaliser une très éventuelle Renaissance africaine, que Wade a décidé de faire ériger une gigantesque statue ainsi nommée aux portes de Dakar, toisant l'océan Atlantique du haut de ses cinquante mètres, lilliputant au passage la statue de la Liberté. Ce projet aussi exalté qu'exaltant, qui aura coûté à peine 21 millions d'euros (selon un mode de financement qui exalte lui aussi plus d'un spécialiste de finances publiques), devrait être inauguré en avril prochain.

Le projet.

Et l'auteur de ce magnifique et indispensable bibelot n'est autre que Wade lui-même, qui en a toutefois confié la réalisation à des petits artisans nord-coréens spécialisés dans le Kim-Il Sung géant en bronze patiné. Car le président Wade, lumière de la négritude, soleil des opprimés, phare du Sahel et étoile polaire de l'humanité, s'est également découvert sculpteur de génie sur son temps libre. Deux coups de crayon au coin d'une nappe, tiens, t'auras qu'à me mettre un type qui brandit un bébé, avec sa matrone qui suit à distance règlementaire, un aller-retour palais présidentiel de Dakar-académie des beaux-arts de Pyongyang pour tout le monde, et voilà Ousmane Sow renvoyé dans sa brousse !

La construction.

Et surtout, hop, les CFA dans la popoche : au terme d'une âpre négociation, le sculpteur Abdoulaye Wade a obtenu de l'Etat sénégalais (présidé par Wade Abdoulaye) de recevoir à titre d'auteur 35% des revenus d'exploitation générés par le machin, royalties qui seront remis à une fondation présidée par Karim Wade, fils des deux précédents (Abdoulaye l'artiste et Abdoulaye le président). Oui, mais c'est pour les enfants nécessiteux, c'est pour faire le bien. Alors d'accord.

Cela n'a rien à voir bien sûr, mais on peut se souvenir que la sculpture colossale à message humanitaire a connu de bien riches heures déjà, comme le rappellent ces vues de L'ouvrier et la kolkhozienne que Vera Ignatievna Moukhina avait réalisée pour le pavillon soviétique à l'exposition internationale de 1937 à Paris, défiant l'aigle-de-chez-les-nazis-en-face. Seyante prémonition des canons de l'afro-stalinisme à venir.

8 décembre 2009

Trop mortel

Bienvenue à Zombieland de Ruben Fleischer.

Parodie morte-vivante. Dans des Etats-Unis post apocalyptiques, un pauvre nerd pleutre mais organisé s'associe à un beauf fana d'armes et de biscuits fourrés à la crème pour survivre à deux dans un monde décimé par les attaques de hordes de zombies friands de chair fraîche. Il font la connaissance de deux donzelles délurées en compagnie desquelles ils parviendront à grand peine à triompher provisoirement des zombies. Et accidentellement de Bill Murray.

Dire que cette série B va nous fatiguer les neurones en nous plongeant dans des abîmes de réflexion métaphysique serait très exagéré, mais pourquoi bouder son plaisir devant un film pour une fois sans prétention, bien ficelé, bourré de références cinématographiques, et surtout très rigolo ? D'autant que que pour ceux que la vue de l'hémoglobine rendrait nauséeux, ça n'est tout de même guère gore, et les monstres guère effrayants. Les scénaristes et le réalisateur, assez inspirés, se paient plutôt allègrement la fiole des films du genre, tout en conservant suffisamment de cohérence et de continuité au récit pour nous garder amusés, à quelques négligeables détails près, jusqu'au bout. Avec ça, l'affaire est bouclée en une heure vingt-cinq, contredisant l'adage qui voudrait que plus c'est long plus c'est bon. Grâce soit rendue aux cinéastes concis !

Je me permets tout de même de rappeler l'interrogation restée en suspens depuis le dernier film de zombies mentionné dans ces colonnes, je veux parler de Rec, et à laquelle à ma connaissance aucun cinéaste spécialisé n'a répondu à ce jour, à savoir : mais que bouffent les morts-vivants une fois qu'ils ont bouffé tous les vivants ? Mystère et boule de gomme.

Crash-test :

6 décembre 2009

Crépuscule boréal

George Sprott de Seth.

Vient de paraître en français chez Delcourt, mais moi, pas fou, je l'avais déjà acquis chez D&Q en anglais. Sans vouloir insulter les traducteurs, la VO c'est mieux, et en l'occurrence moins onéreux.

Seth, auteur canadien discret mais fort talentueux, au style inimitable, graphiste hors pair, réutilise un peu la méthode impressionniste mise au point avec son précédent Wimbledon Green : plusieurs points de vue de plusieurs personnages à différentes époques en autant de séquences qui composent le portrait d'un homme à l'heure du trépas.


Le fictionnel George Sprott est un présentateur de télévision locale au Canada, spécialisé dans les récits arctiques, dont ils s'est autoproclamé spécialiste après quelques vagues missions d'exploration dans sa jeunesse. On découvre au fur et à mesure un gars ambigu, tantôt odieux, tantôt admirable, tantôt pitoyable, le genre sale type ordinaire, qui traverse la vie sans rien y comprendre, et meurt seul avant de sombrer dans l'oubli. C'est pas exceptionnellement joyeux, mais Seth a un réel talent de narrateur, et sait insidieusement faire passer ses réflexions désabusées sur le sens de la vie, faisant ressentir aussi bien qu'une chanson d'Aznavour la vanité du temps qui passe.


Au cours du livre, Seth alterne à sa convenance, et selon les besoins du récit, une grande variété de compositions et de traitements différents, allant jusqu'à consacrer des pleines pages aux reproductions de maquettes en carton de bâtiments associés à un pan de la vie de Sprott, confectionnées et peintes par l'auteur soi-même avec ses petits doigts agiles.

Pour ceux qui auraient le mauvais goût de ne pas désirer un aussi joli livre, au format imposant il est vrai, ou ont la bourse un peu trop percée pour en faire l'emplette, on peut le lire en ligne sur le site du New York Times.

4 décembre 2009

Afrique du Sud, c'est possible

On croirait que les dirigeants de l'office du tourisme sud-africain responsables de cette publicité avaient Raymond Domenech en tête quand ils ont choisi leur slogan : eh ouais, les mecs, je vous l'avais bien dit, c'est possible ! Et pourtant, si de nombreuses excellentes raisons peuvent nous pousser à un voyage en Afrique du Sud, aller y voir jouer l'équipe de France de football n'en fait a priori pas partie.

C'est dans nos salles de cinéma que j'ai vue cette publicité plutôt maline, jolie et bien faite. L'Afrique du Sud possède de nombreux talents en matière de création audiovisuelle, s'ajoutant à une lumière naturelle souvent exceptionnelle en raison de sa situation subtropicale, sans compter l'incroyable variété de paysages, mais ces talents n'ont jamais trouvé à s'employer efficacement que dans le domaine publicitaire, parce que côté cinéma, la production locale fait irrésistiblement penser à du vieux biltong rance.

Et quelque chose me frappe dans cette pub, c'est qu'on y voit un pays d'Afrique "noire", peuplée de Noirs, et y z'ont l'air super sympa. Bon, c'est sûr, pour un film payé par l'office du tourisme, ils allaient pas nous montrer des gangsters en train de braquer des voitures au feu rouge, mais ce que je veux dire c'est qu'on s'éloigne assez de certains clichés qui nous montrent un pays de rugbymen afrikaners, d'actrices hollywoodiennes péroxydées, de golden boys roulant carrosse de mine d'or en mine de diamant etc... clichés qu'il est assez facile de conforter sur place en restant à la surface du vernis européen du pays, en n'apercevant de loin que quelques domestiques à la peau plus foncée. A croire que depuis l'ineffable Johnny Clegg, présumé Zoulou blanc, l'Afrique du Sud a enfin inventé le Zoulou noir.

2 décembre 2009

Chats et chattes

Enthousiasmées par un récent article en ces colonnes consacré à un chat de bande dessinée, mes petites compagnes Thelma et Louise me tannent depuis pour que je tienne plus régulièrement une rubrique cent pour cent féline. Faudrait voir à pas pousser mémé dans l'herbe à chat, mais comme leurs miaulements n'ont toujours pas cessé un tombereau de Friskies® plus tard, je me suis dit qu'un petit tour chez mon pote Searle s'imposait.

Searle's Cats de Ronald Searle.

Searle a dû bouffer son poids en poils de chats pour avoir envie de faire des portraits félins aussi grotesques. Pas trop de pages dans ce petit livre sans prétention, paru la première fois en 1967 et régulièrement réédité depuis, mais on y découvre un côté méconnu de Searle qui s'essaie non sans réussite à la couleur.

St Trinian's, The Entire Appalling Business de Ronald Searle aussi.

Pas de chats ici, mais pendant que j'y étais avec Searle, j'ai cru opportun de mentionner ce recueil plus riche et plus désopilant du même auteur. Je ne sais pas pourquoi Ronald s'est mis à dessiner des jeunes collégiennes en furie, et ce dès avant de partir pour Singapour où les Japonais l'attendaient impatiemment, même si on peut aisément comprendre l'intérêt qu'il y a à s'attaquer aux institutions éducatives anglaises, à la fois lieux de répression et écoles de perversion. Searle pousse le constat à l'extrême, transformant ses fillettes en harpies dotées de tous les vices et plus dangereuses qu'un régiment royal écossais qu'on aurait lâché sur une distillerie des Highlands.

1 décembre 2009

Wallaye !

Aya de Yopougon de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie.

Voici déjà le tome 5, c'est réglé comme une horloge : tous les ans à pareille époque, on peut prendre livraison de notre nouvel Aya. Faut dire que cette série occupe avec originalité le créneau de la BD africaine rendue compatible avec les canons esthétiques du public européen. Enfin, "BD africaine", il faudrait tempérer un peu, car si la scénariste, Marguerite Abouet est ivoirienne, et rend avec une puissante verve la vie quotidienne et les embrouilles de son Afrique natale, le dessinateur, Clément Oubrerie est bien français, et, venu de l'illustration, se lançait dans sa première bande dessinée avec Aya de Yopougon. Autant dire qu'il n'est pas manchot. L'association des deux fait le bonheur de l'éditeur français Gallimard car la série rencontre un conséquent succès en librairie, avec des petits bouquins joliment édités à des tarifs tout de même peu africains... Mais ce n'est pas dans le genre de la rédaction de délivrer de douteux certificats d'identité nationale, et on retiendra surtout qu'on a là un des meilleurs tableaux de l'Afrique jamais peints en BD, avec un point de vue vraiment africain.


En rouvrant le tome 1, on découvre, mais ce serait tout de même malheureux après quatre ans, que le dessin d'Oubrerie a considérablement évolué, gagnant en finesse, en détail, et en compositions. Le scénario, c'est du pur soap-opera : dans les années 80 à Abidjan (dont Yopougon est un quartier populaire), autour de l'héroïne, Aya, jeune fille moderne dans une société qui se cherche entre développement et tradition, gravite une foule composée des amis d'Aya, de leurs familles, de leurs amants, prétextes à une floppée d'intrigues parallèles simultanées. On se prend d'affection pour les personnages, on finit par se demander s'ils ne sont pas plus réels que la fiction, on veut à tout prix connaître la suite. Je ne sais pas combien d'albums Abouet et Oubrerie ont prévu pour leur série, mais parti comme c'est, on peut déjà réserver un mètre de linéaire dans nos bibliothèques.


On ne saurait trop conseiller la fréquentation du blog de Clément Oubrerie, la Marge brute, où l'on trouvera de nombreux billets consacrés à Aya, et notamment l'histoire de la couverture.