25 février 2012

Dur de la feuille

Ce genre de mécanisme alambiqué n'est plus très original, mais j'aime encore qu'il soit appliqué à une destination totalement dérisoire.

24 février 2012

Le Sentier peu lumineux

La vérité si je mens ! 3 deThomas Gilou.

Navet cacher. Cinq amis commerçants dans la confection parisienne, qui a migré du quartier du Sentier à Aubervilliers, où les Chinois font la loi, montent une escroquerie pour se venger d'un escroc, avec le soutien des cousins de Shanghai.

Nous ferons bref pour dire tout le mal nécessaire de ce très dispensable nanar, une malheureuse illustration de cinéma populaire de mauvaise qualité. Le scénario est idiot, les dialogues consternants, les acteurs en roue libre, le montage à la serpe, et les salles sont pleines. Il faut donc saluer les méritoires et efficaces efforts de marketing qui ont accompagné la sortie de ce film, et qui peuvent conforter les publicitaires dans la croyance qu'il n'est pas de mauvais produit qu'on ne puisse fourguer avec une bonne com.

C'est d'autant plus surprenant que le film fait l'éloge de clichés communautaires érigés en valeurs, et de la frénésie de réussite matérielle étalée sur le mode bling-bling, une vision du monde que le pays s'apprête, on peut le souhaiter, à enterrer sans fleurs ni couronnes. A moins que le succès, même relatif, de ce désastre artistique ne soit tristement prémonitoire.

Crash-test :

 

17 février 2012

Pompe et circonstance

Cette cyber gazette sait aussi être le rendez-vous des plus fins amateurs d'art : reconnaissons donc une bonne idée quand nous avons la chance d'en rencontrer une.

7 février 2012

L'aloi des séries, épisode 8

Boss.

En peignant le portrait complexe d'un épouvantable maire de Chicago, tyrannique, manipulateur, corrompu, violent, sans scrupule, et rongé par une maladie dégénérative (peut-être une habile métaphore), cette série co-produite par Gus Van Sant jette plus qu'un doute sur la réalité de la démocratie étasunienne (et par extrapolation, de la démocratie en général). La révélation des dessous de l'exercice du pouvoir donne au jeu des institutions et des contre-pouvoirs l'allure d'une farce tragique au service d'une oligarchie sans visage. L'acteur principal Kelsey Grammer, également co-producteur, se retrouve à quelque distance de son personnage de gentil psychiatre radiophonique avec lequel il était devenu célèbre grâce à la sitcom Frasier. Ecrit avec acuité et justesse, avec un fond cruel pour ne pas dire féroce, Boss est a contrario filmé avec beaucoup de pondération, de façon très intellectuelle, pour ne pas dire contemplative, un ton visuel visiblement voulu et modelé par Van Sant qui a réalisé lui-même le premier épisode.

Previously dans L'aloi des séries.
Besoin de sous-titres ? TVsubtitles.net.

5 février 2012

Comme son nom l'indique

Mon pire cauchemar, d'Anne Fontaine.

Deux parents d'élèves que tout oppose, une directrice de galerie parisienne bourgeoise et coincée, et un prolo belge glandeur artisan tous corps de métier, se rapprochent opportunément. Une énième variation pas franchement réussie sur le couple putativement comique des contraires, aggravée par le fait que l'amour y triomphe.

Anne Fontaine est un peu une Dr Jekyll et Mrs Hyde du cinéma français, alternant le pire et le meilleur. Autant notre rédaction avait apprécié sa Fille de Monaco, autant il faut bien avouer que son dernier film, entrant sans fard dans la première catégorie, a tout du travail bâclé : thème convenu, situations téléphonées, dialogues consternants, mise en scène absente, photographie téléfilmesque... Dès la première ridicule scène, l'ennui submerge le spectateur, qui doit rapidement constater que de bons acteurs égarés à bord du Titanic ne suffisent pas à éviter le naufrage.

Y a-t-il eu démission quelque part dans la production de cette simili-œuvre, au prétexte que l'équilibre financier était de toute façon garanti par les pré-achats pour la télévision ? Personne en tout cas, ni sur l'écran ni dans la salle, ne semble intéressé au devenir de ce film qui serait tellement vite oublié s'il ne fallait encore souffrir d'ici un an sa diffusion un dimanche soir sur quelque chaîne généraliste familiale.

Crash-test :

 

3 février 2012

Parle avec Elle

Il y a quelques jours, le site Elle.fr a publié un article d'une certaine Nathalie Dolivo, titré dans un français remarquable Tendance : black fashion power, accumulant un certains nombre de clichés un rien racistes, ou tout au moins crassement paternalistes sur le style vestimentaire des femmes noires. L'usage de l'anglais pour le titre traduit d'ailleurs a priori une aversion coupable à désigner les choses par leur nom, en français : le pouvoir de la mode noire. Comme s'il fallait désamorcer une charge qu'on pourrait ressentir péjorative dès le vocabulaire : personne ne voudrait que sa fille épouse un noir, par contre, les blacks, ils dansent trop bien !

A vrai dire, les analyses fulgurantes de l'auteure sur les styles supposés ou réels de la négritude relèvent essentiellement de la même vacuité vaguement crétine qu'on retrouve d'ordinaire dans le magazine, appliquée en général aux régimes minceurs ou au retour du col roulé, mais qui devient vite un faux-pas sur un sujet socialement et politiquement sensible.

Une couverture de l'édition étasunienne de 1997.

Sans doute fidèles lectrices du magazine, des peoples noires, Sonia Rolland, Audrey Pulvar, China Moses, et quelques autres il est vrai moins peoples et moins noirs, ont jugé néanmoins utile d'adresser un cinglant droit de réponse, rabattant son caquet à la rédactrice de l'article incriminé, dénonçant vertement ses clichés et ses remarques condescendantes. Malheureusement, ce droit de réponse se termine par un argument pour le moins surprenant : le principal crime de l'article n'aura pas été de rabaisser et de tribaliser les femmes noires, mais de méconnaître leur pouvoir d'achat de consommatrices de cosmétiques ! On en déduit que ce qui est mal, aux yeux des outragées, ce n'est pas tant le racisme latent que l'insulte faite au portefeuille. Si les rédactrices d'Elle doivent modérer leurs propos, ce n'est pas tant parce que le racisme est une idiotie scientifique et une faute morale mais en définitive parce que c'est un non-sens économique !

A tort ou à raison, cette polémique commence à remuer beaucoup de pixels sur internet, les avis se multipliant sur la blogosphère pour condamner l'article original. Le hic, c'est que cet article a été promptement supprimé par la rédaction en chef d'Elle. Les réactions fleurissent par centaines, quand la cause de tout ce ramdam a, elle, purement et simplement disparu de la vue du public, et on ne peut plus en connaître que ce qu'en rapportent ses contempteurs, sans qu'il soit possible de vérifier leurs citations ! Dans le même temps, le magazine a apporté son soutien à sa rédactrice, tout en s'excusant mollement, récusant la censure tout en s'y soumettant dans un même mouvement. Perdre des lectrices, ou perdre des annonceurs ? Le mieux, c'est de ne pas choisir...

2 février 2012

Une soirée avec Xavier Gravelaine

Xavier Gravelaine est un ancien footballeur professionnel, dont le parcours sinueux déclenche encore crises de rire ou de désespoir chez ceux qui s'en souviennent, vu qu'il s'est fait chasser d'à peu près tous les nombreux clubs où il était passé. Le prototype de ce qu'on appelle un "attaquant aux pied carrés", c'est à dire, pour les béotiens qui se seraient égarés à lire ces lignes, un avant-centre avec une prédilection pour les tirs dans les tribunes et l'emmêlage de pinceaux seul face au but vide. Aujourd'hui il s'est tout aussi brillamment reconverti dans le commentaire sportif, pour le plus grand bénéfice des téléspectateurs de France Télévision, qui lui a confié le micro sur ses retransmissions de matchs de Coupe le la Ligue et de Coupe de France. Accumulant et perfectionnant tous les travers de la corporation des commentateurs sportifs, il y fait à la langue française ce qu'Hitler a fait à la Pologne. Le florilège aurait rempli un blog entier, contentons nous des classiques.

Lou ravi Xavier Gravelaine, sur la droite.

la petite biscotte : il s'agit de désigner le carton d'avertissement brandi par les arbitres sous le nez des joueurs sanctionnés, une analogie d'une grande finesse avec le format et la couleur supposés d'un biscotte beurrée, apte à lasser un écolier de CM1 au bout de deux récrés, mais pas Xavier Gravelaine, que personne à ce jour n'a encore entendu dire : carton jaune.

du côté de : dans le sport, on n'est jamais à un endroit précis, mais toujours du côté de tel ou tel endroit. Mettons que l'OM joue à domicile, où croyez vous que le match ait lieu ? Eh bien du côté de Marseille... Peut-être à Aubagne ou Aix, on ne sait pas. Ou peut-être du côté du Vélodrome... oui mais où exactement ? Sur le parking ? Sur la plage du Prado ? Dans les locaux de France 3 Méditerranée ? Mystère...

cette équipe : plus d'article défini, personne ne connaît plus l'équipe de l'OM, Xavier et ses congénères ne connaissent que cette équipe de l'OM, comme s'il y en avait plusieurs, et que c'était pur hasard ou chance que ce soit précisément celle-ci, parmi toutes celles possibles, qui joue ce soir. Les autres équipes de l'OM ont dû rester à la maison.

la prise de risque : un attaquant qui prend des risques, c'est un attaquant qui tire au but. Que risque-t-il exactement ? De rater. C'est grave ? Ben non. C'est risqué ? Ben non. Un gardien de but qui partirait en dribble depuis ses six mètres, voilà qui serait une vraie (et spectaculaire) prise de risque.

le chemin des filets : pour un attaquant qui marque enfin après une longue attente, le cliché veut qu'il retrouve le chemin des filets. Passons sur le fait que c'est le ballon et non le joueur qui doit franchir la ligne de but, en faisant éventuellement trembler les filets de la cage adverse. Mais surtout comment donc ce chemin avait-il été perdu ? Une faute de balisage peut-être ? Un GPS en panne ? Un épais brouillard qui masquait la direction à suivre à un seul joueur ? Et là, coup de bol, le joueur se souvient enfin par où il était passé la dernière fois... mettons la carte à jour !

le joueur qui évolue : on pourrait penser que c'est le darwinisme appliqué au football, mais il s'agit d'une inexplicable coquetterie qui interdit de dire qu'un joueur joue. Un joueur ne joue pas, mesdames et messieurs, il évolue. En général du côté de quelque part. Dieu seul sait ce que devient ce grand primate au terme de son évolution. Un commentateur sportif, peut-être.

1 février 2012

Balise diplomatique

Quai d'Orsay d'Abel Lanzac et Christophe Blain.

Notre rédaction, par accès de flemmingite aiguë purulente avec métastases dans les pilosités manuelles, avait malencontreusement omis de rendre compte de la parution du premier volume des ces chroniques diplomatiques. Omission aujourd'hui réparée d'autant mieux qu'avec ce deuxième et dernier tome, on a désormais une vue d'ensemble sur cette étonnante bande dessinée.


Le sujet est improbable entre tous : la vie d'un cabinet ministériel, celui du ministre des Affaires étrangères de la France en 2002-2003, un certain Alexandre Taillard de Worms. Sous le pseudonyme d'Abel Lanzac, le scénariste, se cache un jeune conseiller membre de ce cabinet en charge "des langages". Cette posture autobiographique est un gage d'authenticité pour aborder ce personnage de ministre romanesque, flamboyant, insaisissable, qui confond littérature et politique, rimailles et batailles, personnage qu'on pourrait croire inventé de toutes pièces s'il n'était croqué, de quelques coups de crayon affûté comme une serpe, de façon à évoquer sans équivoque son modèle dans la vraie vie, Dominique Galouzeau de Villepin, stature hors du commun, qu'on a déjà décrit ici en héros de tragédie


Le récit circonstancié de cette période diplomatique, précédant l'invasion étasunienne de l'Irak, rapporté par un acteur qui a vécu les événements de l'intérieur, aurait facilement pu être froid, technocratique et vaguement barbant. Mais le scénariste et surtout le dessinateur ont pris toute la mesure de la démesure de Taillard de Worms, et en font le véritable sujet de leur livre, décrivant comment la politique s'incarne avec grandiloquence, comment le verbe peut tenir lieu d'action, avec des résultats parfois surprenants. Christophe Blain a recours à toutes les ficelles de son art pour transformer ces coulisses en théâtre, ces palabres en épopée, montrant que la bande dessinée peut sublimer les sujets a priori les plus arides, en l'occurrence un type en costard qui passe ses journées au téléphone ou en réunion avec d'autres types en costard en les agonissant de concepts plus ou moins fumeux. Le trait est toujours en mouvement, comme ce ministre qui ne tient pas en place, au propre comme au figuré, physiquement comme intellectuellement.


On s'étonne seulement du choix parfois fantasmagorique des noms de pays. Si on reconnaît nommément l'Allemagne, la Russie, ou les Etats-Unis, l'Irak se cache sous le Lousdem, ou la Côte d'Ivoire sous l'Oubanga, sans qu'on saisisse bien l'avantage pour le lecteur de l'emploi de ces faux-nez.