Les fauves de Patrick Rotman.
France 2 avait mis sous le boisseau depuis des années ce passionnant documentaire sur l'inimitié entre l'actuel chef de l'Etat et l'ancien premier ministre Dominique de Villepin, craignant on ne sait quelles foudres élyséennes, ce qui n'a sans doute rien à voir avec le fait que les dirigeants de l'audiovisuel public sont désormais désignés en conseil des ministres par le bon vouloir du même actuel chef de l'Etat. La chaîne a fini par se décider à le diffuser, hier lundi soir, non sans avoir obtenu des producteurs le changement de titre de ce qui s'appelait initialement et délicatement Haine pure.
Thé ou café ? Miel ou fiel ? Arsenic ou cyanure ?
Rotman, que notre rédaction avait trouvé peu inspiré en auteur de fiction pour le film La conquête, donne toute la mesure de sa subtilité et de sa clairvoyance dans le documentaire politique, en trouvant deux personnages plus riches et plus beaux que la plus fertile imagination ne saurait jamais en inventer. En faisant l'historique minutieux de cette rivalité devenue légendaire entre deux rejetons de la Chiraquie, Rotman met patiemment au jour cette évidence pas toujours biblique qu'on ne déteste personne plus cordialement que quelqu'un qui nous ressemble. Et il apparaît effectivement que malgré des personnalités et des parcours très différents, les deux protagonistes semblent obéir aux mêmes ressorts, animés par la même ambition, et tenant également la politique pour le moyen d'assouvir des pulsions dépassant parfois l'entendement.
Un point commun entre ce documentaire et la fiction, entre Les fauves et La conquête, c'est cette leçon somme toute étonnante sur la nature du combat politique. En entendant cette expression galvaudée entre toutes, combat politique, on imagine le débat d'idées, l'affrontement entre gauche et droite, la volonté de triompher de l'opposition, etc... bref, l'empoignade entre adversaires de camps opposés. Rotman a saisi que la vérité est ailleurs : le véritable combat politique, celui qui occupe vraiment les hommes et femmes politiques, a lieu exclusivement au sein de leur propre camp, de leur propre parti. Car si l'on croise à intervalles réguliers ceux de l'autre bord lors des échéances électorales, s'il faut bien ferrailler sporadiquement contre eux dans quelque débat télévisé, s'il faut bien se coltiner quelques salves à l'Assemblée, ceux que l'on côtoie quotidiennement, ceux qui menacent le plus, ceux qu'il faut éliminer avant tout car c'est avec eux que la survie se joue, ce sont bien ses propres amis politiques. Et ce n'est pas là le genre de combat qui se règle dans les urnes, d'où parfois une violence qui engendre la déraison. Rotman a une fois encore l'intelligence, comme dans La conquête où la gauche était totalement absente, de ne donner la parole qu'aux ténors de l'UMP qui ont eu à connaître de l'affaire de plus ou moins près, et qui l'évoquent avec des mines alternativement hilares ou navrées.
Jean-François Probst a de bonnes lectures.
C'est l'agrégé de lettres classiques Xavier Darcos qui, faisant involontairement de Jacques Chirac une mère louve nourricière, a le mot de la fin de cette histoire pourtant inachevée : "Quand on arrive au combat du sommet, il faut toujours que l'un des deux disparaisse, depuis Remus et Romulus".
Rediffusion sur France 2 dans la nuit de jeudi à vendredi à 00h35.
25 septembre 2011
Les fils de la louve
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2 commentaires:
Pourquoi tant de Heine ?
C'est ridicule, franchement. Pense à la douleur des familles.
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