Valentin le vagabond, les mauvais instincts de Tabary.
Jean Tabary, dont le récent décès a endeuillé la blogosphère, faisait partie de ces dessinateurs de bande dessinée au destin transfiguré par leur rencontre avec le génial René Goscinny. Pour Tabary, tout le monde se souvient que la gloire lui fut acquise grâce aux aventures du grand vizir Iznogoud, truffées des calembours de son homme de main Dilat Laraht qui semaient la désolation dans tout Bagdad. Un peu comme pour Astérix ou Lucky Luke, on avait d'ailleurs pu, sans s'en trouver plus mal, s'arrêter de lire Iznogoud après la mort de Goscinny.
Il est pourtant un livre acheté et lu un peu par hasard dans ma jeunesse, entièrement réalisé par Tabary, qui mérite toute notre attention : Les mauvais instincts, première aventure en album d'un personnage créé avec Goscinny. Valentin est un sans-logis naïf et généreux, incapable de soupçonner, à l'instar du calife Haroun El Poussah, la vilénie et la mesquinerie qui sont l'ordinaire du restant de l'humanité, et que son grand cœur va conduire à sauver un malheureux vieillard, déjouer un complot de famille, et éclaircir un fameux mystère.
Malgré son héros très positif, le ton du livre est nettement plus sombre que les manigances comiques d'Iznogoud, d'autant que le minable détective privé idiot et sans scrupule n'est pas loin de voler la vedette à Valentin (le genre à vouloir être calife à la place du calife). Le trait nerveux de Tabary, si vivement coloré dans ses décors de mille et une nuits, paraît presque exotique en s'attaquant à des sujets si proches de nous dans le temps et l'espace : l'action se déroule de nos jours, c'est à dire en 1973, en plein hiver, dans les eaux fangeuses de la plus médiocre bourgeoisie de la plus crapoteuse des provinces françaises. Cet astucieux récit très touffu, à multiples facettes, rebondissements, sous-intrigues, et personnages à foison, a une force interne et une dynamique drôle et méchante qui fait penser à une comédie française des années 70. On aurait aimé voir un Molinaro, un Séria, ou un Tchernia, s'emparer de cette histoire et transformer ce papier en pellicule. Mais on peut surtout toujours lire le livre en rendant grâce à Tabary.
2 septembre 2011
Un vagabondage deTabary
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5 commentaires:
je me rappelle avoir lu ça il y a des années, et que ça m'avait foutu un assez singulier malaise. je serais curieux de le relire, tiens. y avait-il eu d'autres tomes de valentin?
1. Les mauvais instincts (1973)
2. Le prisonnier récalcitrant (1973)
3. Valentin le vagabond et les hippies (1974)
4. Valentin le vagabond fait le singe (1974)
5. Valentin et les autres (1975)
6. L’héritage diabolique (1977)
7. Valentin aux fous (1977)
Je n'ai lu aucun des autres, je ne sais pas s'ils sont à la hauteur du premier.
Goscinny a écrit quelques histoires courtes ("et les autres").
Je ne sais pas si ce sont les histoires créées dans Pilote, si celles si sont jamais parues, ou de nouvelles histoires courtes.
Apparemment, seuls les quatre premiers épisodes ont été écrits par Goscinny. Je suppose que ce sont les quatre récits repris dans Valentin et les autres (à vérifier).
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