17 mai 2012

Effet positif de la colonisation

Notre envoyé spécial permanent à Saint-Denis nous prie de signaler à nos lecteurs que les exemplaires du Temps béni des colonies, bande dessinée commise par notre rédacteur en chef, sont parvenus à bon port au port du Port, après un beau et long voyage en bateau depuis Anvers et contre tout. Ils seront selon toute vraisemblance mis en vente dans les meilleures librairies de la Réunion dès la semaine prochaine.

Les Parisiens ne resteront pas longtemps ulcérés par ce privilège insensé apparemment accordé aux lecteurs du bout du monde, puisque le même remarquable ouvrage est d'ores et déjà disponible dans la meilleure librairie de la capitale, la librairie Orphie, 15 rue Victor Cousin, dans le cinquième arrondissement, à un jet de goyave du Panthéon.

Pour ceux de nos lecteurs qui douteraient encore de l'absolue nécessité de se procurer toutes affaires cessantes ce livre désopilant, voici reproduites pour leur bénéfice les deux pages d'un prospectus publicitaire qui devraient achever de les convaincre.

  

Les intimes peuvent aussi contacter directement l'auteur.

12 mai 2012

François le Français

Il aurait été bien injuste, après s'être acharné sur l'affiche de campagne du perdant, de ne pas s'attarder aussi sur la communication visuelle du gagnant. Encore qu'il n'y ait pas tellement grand chose à en dire, si ce n'est que le candidat n'y arbore pas non plus une belle tête de vainqueur, mais plutôt celle d'un premier communiant bien sage qu'on imaginerait plus volontiers en aube défilant à la sortie de la cathédrale de Tulle agrippé à son cierge un dimanche de Pâques. En creusant un peu on peut déceler une étrange ressemblance, sourire énigmatique compris, pas totalement déplacée, soulevée par l'excellente Cuisine du graphiste. Ce qu'il ne faut pas faire pour avoir l'air d'un type normal...

 


Les choix typographiques de l'équipe Hollande sont plus intéressants. La police de caractères qui a accompagné toute la campagne est inspirée de la fameuse Gotham qui avait été révélée au public par la campagne Obama 2008. Efficacité, sobriété, sérieux, pas grand chose à lui reprocher, mais on peut souligner comment les deux premières lettres du prénom ont été mises en exergue par deux traits, comme le suffixe Icann .fr, façon à peine subtile de souligner l'essence intrinsèquement française et la dimension nationale du candidat.
Plus étonnant, le slogan retenu, qui n'est pas d'une franche originalité, Le changement c'est maintenant (ça fait irrésistiblement penser au désopilant L'avenir est pour demain du film La gueule de l'autre de Pierre Tchernia) semble lui aussi un peu pompé chez Obama. On nous aura au moins épargné les champs de blé. Ça tombe bien, on risque justement d'en avoir de moins en moins, du blé.

8 mai 2012

L'océan mou du genou

Avec la fin de l'omerta que notre rédaction s'était volontairement imposée au sujet de notre regrettable président sorti, dont la prévisible omni-absence nous reposera enfin de cinq ans d'omni-présence, l'heure est venue de décrypter la belle affiche que le candidat sortant avait imaginée pour son ultime campagne.

Dieu sait qu'elle aura été détournée, y compris ici dans nos propres colonnes, non d'ailleurs sans un certain à-propos, et elle a déjà pris valeur d'icône, mais on peut se pencher un peu dessus pour y lire en filigrane un sorte d'acte manqué soulignant la vacuité du discours et l'intégration anticipée d'une défaite annoncée. Pour dire la chose plus simplement : une affiche de loser.

















Commençons par le slogan, dont l'inspiration assez incertaine pouvait déjà laisser présager un assez funeste destin : c'était celui de Giscard en 1981.

Continuons par le choix de police de caractères, en contradiction flagrante avec le slogan qu'elle véhicule : une typographie dont la maigreur évoque tout sauf la force, et fait plutôt penser à l'une de ces réclames pour des cosmétiques qui peuplent la quasi totalité des pages des magazines féminins. Pas franchement viril. A moins bien sûr qu'il ne s'agisse d'un subliminal clin d'œil à Liliane Bettencourt. A mieux regarder les traits un peu tirés du candidat, on se demande s'il ne lui faudrait pas d'ailleurs une petite crème de jour.

















Reste le paysage. On sent bien l'envie de réitérer le coup de la force tranquille, déjà évidente dans l'affiche de 2007. Mais on ne s'improvise pas mitterrandien, et n'est pas Gérard Colé qui veut.

Car en fait de France, qu'aperçoit-on en arrière-plan ? L'horizon d'un océan à perte de vue... Renseignement pris, il s'agit même d'un cliché d'agence pris en Méditerranée au large d'une île grecque. Nous n'aurons pas le mauvais esprit de souligner comment le candidat nous aura rebattu les oreilles en essayant de nous effrayer avec le contre-exemple grec, avant-goût de ce qui nous pendrait au nez en cas de mauvais choix. Après tout, rien ne ressemble plus à une photo de la mer qu'une autre photo de la mer, à tout endroit du globe. Le problème est ailleurs : ce néant aquatique est-il donc censé symboliser la France ? Le pays est-il déjà à ce point ruiné qu'il a dû déposer chez ma Tante l'intégralité de ses plaines, de ses collines et de ses montagnes, de ses villes et de ses villages, de ses rivières et ses forêts ? La France a-t-elle déjà été engloutie par un tsunami ?

Coup de chapeau à l'équipe qui a pondu ce chef d'œuvre de contresens, de non-sens, et de non-dit, et au candidat qui l'a validé, travaillé à l'évidence par davantage de doute qu'il ne l'admettait officiellement. Cette affiche ne transmet aux putatifs électeurs nul autre message que le suivant : un océan de faiblesse.