13 juillet 2009

Woody et son nombril

Whatever Works de Woody Allen.

Autodérision pataphysique. Un vieil ours mal léché, ex-scientifique aigri et cynique, cultivant une salutaire misanthropie, voit débouler dans sa vie une jeune femme sans logis ni a priori qui contre toute attente (à moins que ce ne soit trop prévisible) s'éprend du simili-plantigrade. Ces jeux de l'amour et du hasard seront contrariés par les parents de l'ingénue qui verront à leur tour leurs vies chamboulées.

On le voit, l'argument est ténu, mais même cousu de fil blanc, il ne sert en fait que de fil rouge à un cocasse développement philosophique qui tient en deux mots (en anglais) : whatever works, c'est à dire n'importe quoi du moment que ça marche. Et Woody Allen, qui ressuscite là un scénario qui dormait dans ses tiroirs depuis trente ans, se révèle, mais non, je plaisante, on le savait déjà, un humoriste hors pair, ramassant en un florilège de tirades cinglantes le désespoir qui fait l'ironie de l'existence. Un Woody Allen apparemment première manière, qu'on pourrait apparenter aux comédies de sa jeunesse, hypertendues et bavardes, mais mûri de la distance que permet l'âge, comme le souligne d'ailleurs la patine cuivrée de la photographie.

Et pour interpréter le personnage principal, qui fait irrésistiblement penser à un certain Allen Woody, le réalisateur a choisi judicieusement Larry David, le créateur de Seinfeld et de Larry et son nombril, à qui ce rôle d'alter ego va comme un gant. Il s'agit même quasiment de ses grands débuts cinématographiques en jeune premier du troisième âge. Allen et David se sont bien trouvés, pourvu que ça dure, parce que ça marche, et ça n'est pas n'importe quoi.

Crash-test :

10 juillet 2009

Sale pute

Dieu me soit témoin qu'il n'est pas dans les habitudes de cette cyber gazette de voler au secours des rappeurs, engeance dont on est d'ordinaire prompt à souhaiter le trépas, dans d'atroces souffrances si possible, empalés lentement puis rôtis à la broche par exemple. Mais il faut bien reconnaître que le sort, et pas que lui d'ailleurs, semble s'acharner assez injustement sur un jeune rappeur français dénommé Orelsan, auteur d'une disons chanson assez brillamment intitulée Sale pute.

Dans ce morceau qui ne jette aucunement l'opprobre sur une honorable profession, comme on pourrait le penser naïvement, Orelsan fait, en termes choisis quoique sans nuances et à la première personne du singulier, l'exposé du sort qu'il réserve à une certaine jeune fille de ses connaissances qui aurait eu le toupet de s'offrir à un autre. Les esprits à la fois fins et forts auront perçu que loin de prôner la violence machiste poussée à son paroxysme, la chanson vise a contrario à la dénoncer, se moquant au passage de la rap attitude et de son cercle de poètes. C'est ce qu'on appelle l'ironie. Aaaaaah... d'accord !

Trop de la balle.

Mais des esprits plus grossiers et plus faibles (la plupart ne lisant pas cette feuille virtuelle), quelques associations féministes mal éclairées, relayées par quelques politiciens vite effrayés, voyant un doigt qui leur montrait la lune, ont entrepris de couper ce doigt.

Et depuis quelques mois, ledit Orelsan, succombant à une peu charitable cabale, a dû retirer Sale pute de son tour de chant, et comme ça ne suffisait pas, a vu nombre de ses concerts purement et simplement annulés. Cerise sur le gâteau, il vient d'être bouté des Francofolies de la Rochelle, sous l'amicale pression de la présidente de la région Poitou-Charentes, Ségolène "aimez-vous-les-uns-les-autres" Royal, celle-ci apportant tout son poids politique, ou ce qu'il en reste, à cette croisade de premier-degrisme bien pensant.

Il devient de plus en plus difficile, semble-t-il, de dire une chose pour signifier son contraire. A vrai dire, on en est même parvenu au point où on peut se dispenser de la fin de la phrase précédente, et écrire : il devient de plus en plus difficile de dire la moindre chose.

3 juillet 2009

Rascar patate

Fausta, la teta asustada de Claudia Llosa.

Inca hors du commun. Une jeune femme, fière descendante des fils du soleil, voit mourir sa mère dans ses bras dans cette banlieue miséreuse de Lima où elle survit à peine auprès de son oncle, pauvre organisateur de mariages de pauvres. Malgré sa crainte maladive des hommes héritée de la défunte ultra-violée par les commandos de la mort qui combattaient la guerrilla maoïste, Fausta va se démener pour trouver l'argent nécessaire au transfert du corps dans leur village des hautes Andes, échouer dans son entreprise, mais parvenir néanmoins à vaincre la malédiction qui l'afflige.

En dépit de tous mes efforts pour résumer en quelques mots l'argument de ce film épatant, il y a fort à parier que vous n'aurez pas compris grand chose aux quelques lignes qui précèdent, ni été conquis d'emblée par l'envie de voir ce film qui avait pourtant fait si forte impression à Berlin qu'il y a récolté l'Ours d'or. Rien ne sert de vouloir décrire cette œuvre complexe, riche, et originale, qui draine une humanité d'une force bouleversante, présentée avec intelligence et économie de moyens, d'une dureté assumée et à peine atténuée par la musique qui y joue un grand rôle. Malgré quoi Claudia Llosa parvient à conclure sur une note positive, sans verser dans le happy end larmoyant ni chercher à magnifier la misère, simplement en faisant confiance à ses personnages et en leur laissant les clés du film.

Le titre qu'on peut traduire mot à mot par Le sein effrayé, désigne cette peur transmise des mères à leurs enfants issus de viols. Du coup l'héroïne se fait pousser une patate dans le vagin pour se prémunir. Epatatant.

Crash-test :