22 décembre 2008

Waterworld

Combien de marins, combien de capitaines, combien de cols bleus décolorés vont encore nous casser les oursins avec leur pauvres aventures au bout du monde ? Ah, il avait l'air malin, le Yann (ou l'Yann ?) Eliès, avec son fémur en miettes, dans les cinquantièmes hurlants, à pleurer sa mère et appeler la marine australienne à son secours, que ça les sort un peu, pour une fois qu'ils font un peu autre chose que d'offrir des baptêmes de mer à des loups de Tasmanie.

A chaque hiver, on morigène abondamment tous les skieurs et alpinistes décérébrés qui vont se mettre en danger tout seuls sans que personne leur ait rien demandé, et qui mobilisent à grands frais des pleines cordées de sauveteurs, et des hélicos, et des équipes médicales d'urgence, pour venir les tirer du mauvais pas quand ce n'est pas une crevasse où ils sont allés se fourrer par sottise. Mais pour les navigateurs, alors là, c'est un concert de dithyrambes, un hymne enflammé au courage, qui rententit unanimement dans les médias et chez tous les plaisanciers du Bois de Vincennes. Je fais n'importe quoi, je vais où je veux, en solitaire au milieu d'un désert maritime avec une boîte d'Urgo pour toute assurance, je m'en tape, et en cas de pépin on viendra bien me chercher de toute façon, et gratos, encore ! La croisière s'amuse. Regarde, maman : sans les mains !


Mais Yann Eliès, il aurait obtenu le même résultat en imitant sa grand-mère qui s'est cassé le col du fémur en restant chez elle à regarder Thalassa qu'elle voulait juste aller dans la cuisine s'ouvrir une boîte de Friskies pour se faire Georges Pernoud en ronronnant. Pas besoin de rameuter le ban et l'arrière-ban de la marine australienne, il suffit d'appeler le 15 avec son téléphone à grosses touches.

J'en déduis qu'il doit bien y avoir des moyens plus simples, moins onéreux, et moins tapageurs de se suicider. Comme du Friskies périmé. Et là tu peux toujours l'attendre, la marine australienne.

17 décembre 2008

Brûleurs de Grèce

Lord Byron m'a envoyé cette carte postale de Grèce :


Il m'avait griffonné un petit mot au dos :

'Tis something in the dearth of fame,
Though link'd among a fetter'd race,

To feel at least a patriot's shame,

Even as I sing, suffuse my face;

For what is left the poet here?
For Greeks a blush--for Greece a tear.

Ce qu'on peut résumer ainsi :

Tiens, je me taperais bien un petit ouzo-molotov, moi.

14 décembre 2008

La maladie du heuro

On glose encore pour savoir si l'euro est ou non responsable de l'inflation qui nous afflige depuis quelques années. Vaste débat, que nous laisserons, si vous le voulez bien, de côté aujourd'hui. Mais une chose est sûre, c'est qu'après s'être attaqué aux fondements de l'économie nationale, la nouvelle monnaie met désormais en péril ceux de la langue française.

C'est quelque mois à peine l'introduction de la nouvelle monnaie en 2002 qu'on sut que la bataille était perdue : dans ses messages radiophoniques ou télévisuels, la publicité avait baissé pavillon, et décidé de sanctionner l'usage, imposé entre autres par les maraîchers arabes claironnant à pleins poumons sur les marchés : "Deu hourous le kilou ! Deu hourous !". Maraîcher, publicitaire, homme de la rue, ménagère de moins de cinquante ans, tout un chacun avait définitivement renoncé à toute liaison avec les euros, comme si celle-ci pouvait être dangereuse ou compromettante... Hiatus pour tout le monde !

D'autant plus inepte que tout le monde dit bien un neuro, mais l'effort s'arrête là, comme si pour toute somme au dessus de ce modeste montant, l'euro était affublé d'un h invisible mais pas aspiré du tout : deu heuros, troi heuros, cen heuros, etc... Au train où vont les choses, notre monnaie ne sera même plus l'euro mais le heuro.

Il y a pourtant un bon moyen mnémotechnique : les zeuros, c'est comme les zans. Une mémé de quatre-vingts zans, elle a quatre-vingts zeuros en poche. Et la Guerre de cent tans, je te parie cent teuros qu'elle a duré davantage. C'est tout de même pas sorcier, nom d'un petit académicien !

Un neuro, deux zeuros, cent teuros.

Je me demande si en son for intérieur, bien loin profond dans son subconscient grippe-sous, le français moyen n'a pas rechigné à prononcer des zeuros, à cause de la proximité avec le zéro, rappelant trop cruellement les clopinettes dans ses fonds de poches. Dire qu'on a ainsi baptisé l'euro pour que les Allemands n'aient pas à prononcer ein Ecu (eine Kuh - une vache).

Le problème, c'est qu'après le malheureux euro, cette lèpre orthophonique s'attaque désormais à toute la langue française, à l'écrit comme à l'oral. Petit à petit, tous les médias, tête de pont du gros des troupes de nos conlocuteurs, abdiquent liaisons et élisions, démission collective qui affecte jusqu'à certains des plus fins lettrés du pays, tels Franck Lebœuf. Quelques exemples glanés çà et là :

Il n'y a que hun défenseur grec (Frank Lebœuf sur M6).
Quelques écueils que Hanne Hidalgo va devoir contourner (Le Monde.fr).
Bison Futé prévoit du horange ce week-end (France Info).
Après avoir prolongé de hun an (France Football).
En direct de Hathènes (i-Télé).
Le blog de Heric (Over-Blog).
Le stade de Hinnsbruck (Frank Lebœuf sur M6).

Après ça, je vois pas qui va encore s'embarrasser avec des maniérismes d'un autre siècle. C'est la fin des zaricots. Et c'est ainsi qu'il fut officieusement décidé d'abandonner dans la prononciation et bientôt l'écriture du français tout concept de liaison. Ça ne se serait pas passé comme ça avec Maître Capello, aux Jeux de vin heures !

12 décembre 2008

Garde à vous !

D'aucuns découvrent la poliorcétique aussi candidement qu'un vigneron de la Côte-de-Nuits le tire-bouchon pneumatique. Pas les lecteurs de L'uniforme et les armes (je simplifie le titre qui ne fut, lui, guère uniforme sur la durée) une série militaro-historique écrite et illustrée à quatre mains par Liliane et Fred Funcken, couple de dessinateurs belges passés par le livre jeunesse éducatif et la bande dessinée (notamment Le Capitan, et une collaboration aux Belles histoires de l'oncle Paul).

Entre 1966 et 1982, Casterman publia dix-sept volumes de la série, commencée avec Le costume et les armes des soldats de tous les temps, aperçu chronologique de toutes les grandes armées du monde depuis l'antiquité, et conclue par L'uniforme et les armes des soldats du XIXème siècle. Après dix-huit ans de labeur, le style graphique, toujours hardiment pompier, s'était certes affiné, mais on sentait que les auteurs commençaient à en avoir un peu ras le shako des boutons de guêtres. Inexorablement, durant ces dix-huit années, ma famille m'offrit chaque volume dès sa sortie.


La lecture de tels ouvrages à la gloire de l'armée peut, on s'en doute, produire de funestes effets sur de jeunes esprits impressionnables, tels que le mien. Et en effet, sitôt atteint l'âge de servir sous les drapeaux, je n'eus rien de plus pressé que de faire don de ma personne à mon pays. Dans le civil et sous les tropiques. Ce que je veux dire par là, c'est qu'on peut lire ça avec plaisir sans faire carrière à Saint-Cyr-Coëtquidan, ni même nourrir une vision romantique de l'armée et de la guerre. Malgré les dizaines de pages consacrées aux insignes de grades du service de santé des armées polonaises de l'entre-deux-guerres, ce que j'en ai retenu c'est plutôt une vision colorée, vivante, extrêmement précise car formidablement documentée, de tout un pan de l'histoire du monde.


C'est grâce aux Funcken que j'ai ainsi appris que les colimaçons des donjons médiévaux montaient systématiquement dans le sens des aiguilles d'une montre afin de faciliter les coups d'épée des chevaliers droitiers qui défendaient le donjon en reculant face à des assaillants rarement gauchers en contrebas (exemple de poliorcétique avancée - débutants en la matière, passez directement au paragraphe suivant). Connaissance, on s'en rend bien compte, primordiale en banlieue parisienne contemporaine. Non pas que quiconque au Moyen-Age ait d'ailleurs possédé une montre pour en observer le sens de rotation des aiguilles et en tirer des conclusions architecturales, mais c'est une image.


J'ai depuis découvert qu'il existait bien d'autres éditions labourant le même sillon abreuvé de sang impur, celui de l'illustration militaire. Mais aucune série n'a su aussi bien allier la qualité graphique et la vivacité de la plume pour mettre toutes ces fadaises à la portée des jeunes gens. J'ai connu plus d'un dessinateur de bande-dessinée, y compris dans certains départements d'outre-mer les plus reculés, prêt à vendre père et mère pour avoir accès à ma collection complète de L'uniforme et les armes, et y puiser les informations nécessaires à des histoires, par exemple, de soldats de la Première guerre mondiale démobilisés. C'est dire si le charme guerrier des Funcken continue d'opérer encore aujourd'hui.


Et la poliorcétique, c'est l'art militaire des sièges. Et je ne veux pas dire les chaises et les fauteuils. Mais trébuchets, ribaudequins, et autres chats-chasteils.

10 décembre 2008

La petite enfant du siècle dernier

Stella de Sylvie Verheyde.

Souvenirs d'enfance : diabolo-menthe et Picon-bière. Année scolaire 1975-76, Stella, fille de bistrotiers originaires du ch'Nord, entre en sixième dans un collège des beaux quartiers de Paris, et sa vie n'est pas un long fleuve tranquille.

Un merveilleux film sur l'enfance (un thème qui me passionne depuis peu) comme on en avait pas vu depuis longtemps. La vie scolaire et le petit monde du bistrot s'entrechoquent devant les yeux de cette gamine qui s'ouvrent petit à petit à la vie, alors qu'elle en voit des vertes et des pas mûres. Tout est donc narré du point de vue de l'enfant, avec une voix-off parfois trop présente, dans ce sens qu'elle finit à force de distanciation à couper un peu l'émotion naissante sur l'écran. Regrettons aussi quelques anachronismes lexicaux : entre autres, je suis pas sûr qu'on s'invectivait à coups d'enculé de ta race en 1976.

Aidée par une belle reconstitution de l'époque, décors, costumes, véhicules, accessoires (très proches de mes propres souvenirs et de mes photos de classe), la réalisation reste toujours très juste, sensible, mesurée et intelligente. En plus c'est jamais une sinécure de faire jouer la comédie à des mômes, et là c'est du nanan. Même Benjamin Biolay et feu Guillaume Depardieu s'en tirent plus qu'honorablement dans leurs seconds rôles. Je sais, c'est à peine croyable.

Crash-test :

9 décembre 2008

L'espionnage pour les nuls

Burn After Reading de Joel et Ethan Coen.

Salade de nouilles. Une cascade d'événements a priori anodins met en rapport quelques uns des personnages les plus médiocres de Washington, la capitale étasunienne. C'est ainsi qu'un ancien analyste de la CIA au chômage se trouve aux prises avec l'amant de sa femme, et des employés bas de plafond d'une salle de sports. Ceux-ci se croient riches de secrets d'Etat, tombés par hasard entre leurs mains, qui vont pourtant laisser de marbre tant la CIA que l'ambassade russe. L'imbroglio devient meurtrier, et se solde quelques cadavres plus tard par... une opération de chirurgie esthétique aux frais des contribuables.

Les personnages, incarnés par une brochette des meilleurs acteurs d'Hollywood, George Clooney, John Malkovitch, Frances McDormand, Tilda Swinton, Brad Pitt (Dieu merci, Angelina était restée à la maison), s'agitent comme des beaux diables, motivés par des sentiments d'une bassesse sans égal. Aucun d'eux n'a une vision globale des événements, et les interprète avec une stupidité confondante. Même le cadre de la CIA qui referme le dossier n'y a rien compris.

Inutile de préciser, pour en revenir au titre (A brûler après lecture), que rien n'est brûlé, ni rien vraiment lu. Il s'agit simplement d'un clin d'œil ironique au plus éhonté des clichés des films d'espionnage. Et loin d'un film de genre, on assiste en fait à une nouvelle démonstration du réjouissant credo des frères Cohen (dont l'écriture et la mise en scène allient encore miraculeusement malice, grâce et cynisme) selon lequel rien n'a de sens ici-bas sur Terre. Si j'ai bien compris.

C'est l'occasion de citer Shakespeare, qui mettait ces mots dans la bouche de Macbeth : (Life) is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing. Ce qui selon notre département traduction-minute donne à peu près en français : La vie est un conte raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur, qui ne signifie rien. Merci William, on ne saurait mieux dire. Et l'illustration blagueuse qu'en donnent ici les frères Cohen vaut le détour.

Crash-test :

8 décembre 2008

Ni pute ni sous-miss

Election de Miss France 2009 sur TF1.

Ceux qui espéraient un crêpage de chignons ou au moins une bataille de yaourts entre Geneviève de Fontenay et Valérie Bègue, la sulfureuse lécheuse réunionnaise de laitages fermentés, Miss France 2008, en ont été pour leur frais. Geneviève, dont le chapeau à galon est encore le symbole non officiel de la société Miss France dont Endemol l'a dépossédée, avait dû taper du poing sur la table : c'est elle ou moi. Et donc la pauvre Valérie avait été fort opportunément déportée à Los Angeles, d'où elle a expliqué en duplex que non, non, tout allait bien, et je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler, Jean-Pierre. Ce fut son dernier mot.


Miss France vue par la Chanson du dimanche.

Là-dessus, le festival annuel de kitsch froufroutant, sous le contrôle d'observateurs électoraux dépêchés vraisemblablement de Floride ou du Zimbabwe, reprit jusqu'à l'élection d'une métisse originaire du Midi-Pyrénées, 1,80 m sous stéroïdes, carénée comme une nageuse est-allemande, et qui se prend déjà pour Obama. Il manquait plus que ça.

7 décembre 2008

Désespérante femme au foyer

The Duchess de Saul Dibb.

Love me, love me not. Dans l’Angleterre du XVIIIème siècle, heurs et malheurs sentimentaux d’une sémillante pauvre duchesse, contrainte, étouffée, et bafouée par son rustre et duc de mari, et qui se console avec le premier bellâtre venu.

Malgré la reconstitution minutieuse de cette fin de siècle georgienne, la mise en scène s’abîme surtout dans un exubérant classicisme confinant à l’académisme qui ne distille, dans un luxe de détails dorés à l’or fin, que de l’ennui, de l’ennui, de l’ennui. Car le propos est bien mince : eh oui, toute duchesse qu’elle puisse être, la femme était considérée comme une bouse par la société de l’époque. Ah, mais que de chemin parcouru depuis, semble-t-on nous suggérer avec l’indignation que permet notre contemporaine modernité !

Restent les interprètes qui s’efforcent de donner corps à cet anachronique enfonçage de portails de gentilhommmières ouverts : Ralph Fiennes en duc odieux et coincé ne fait rien mieux que le râclement de gorge embarrassé. Quant à Keira Knightley, j’en parle même pas, ou alors seulement pour avouer que c’est à cause d’elle que je suis allé voir ce film, car secrètement amoureux d’elle, et c’est pas les sompteueuses toilettes de taffetas qu’elle arbore ici qui me feront changer d’avis. Même au plus fort de ses crises de larmes, l’Oscar® du maquillage n’aurait pas suffi à l’enlaidir.

Film donc pour filles et vieux pervers. La concomitance des deux dans les salles arrangera bien les seconds.

Crash-test :

6 décembre 2008

Téléthon destin

Le Téléthon sur France Télévisions.

Début décembre, les achats de Noël démarrent, et profitant de la mauvaise conscience d'un peuple de RMIstes paupérisés sacrifiant à l'idole de la consommation, revoilà sur les écrans la plus mauvaise émission de la télévision française, fleuron de la bien-pensance sur le service public. Pour ceux qui auront raté les épisodes précédents, il ne s'agit pas de sauver le thon rouge en Méditerranée, mais les petits myopathes oubliés par le financement public de la recherche médicale.

Comment l'AFM (Association française contre les myopathies), s'inspirant d'un modèle venu d'outre-atlantique, est parvenue à embringuer la télévision publique dans cette saga maintenant plus que vingtenaire, mystère et boule de gomme. Et sans vouloir nier, in fine, une certaine utilité à la chose, on peut se demander pourquoi d'autres causes tout aussi nobles ou tout aussi urgentes n'ont pas elles aussi droit à la même exposition télévisuelle. Réponse : l'exemple du Sidathon est éclairant, et sans chtis nenfants cloués sur des fauteuils expirant leurs derniers volutes d'air sur des plateaux, faut pas compter que les braves gens donneront leurs derniers fonds de culotte pour des pédés qui n'avaient qu'à pas... enfin je me comprends. Et donc pour les victimes du palu de par le monde, pour les enfants-soldats de toutes les guerres, pour les victimes des mines anti-personnel et des bombes à sous-munitions (que financent parfois les mêmes donateurs du Téléthon), pour les pauvres immigrés mal logés qui crament de temps en temps dans nos hôtels parisiens, pour les SDF qui s'hypothermisent avec dignité, ben pour tout ça, on verra après les fêtes si il nous reste un peu de sous et si on a encore le cœur à avoir un peu de cœur. Mais pas de Paluthon, pas de Guerrethon, pas de Pauvrethon, pas de Thonthon (pour les thons rouges de Méditerranée, donc). Et pourquoi pas aussi un Montforthon pour payer une nouvelle moumoute à Nelson ?

Et en attendant, le Téléthon donne lieu à un invraisemblable concours Lépine de l'invention télévisuelle en papier crêpon, c'est un peu le livre Guinness des records d'âneries, et vas-y que je saute en parachute aux flambeaux, et vas-y que je peux cracher ce pépin de raisin à cloche-pied sur vingt personnes dans une cabine téléphonique, et que je peux manger le plus grand nombre de plus gros chamallows du monde. En plus toutes ces conneries coûtent. A qui ? Combien ? Est-on bien sûr que chaque euro dépensé rapporte encore davantage ?

3637 : combien de chamallows, avez-vous dit ?

A l'arrivée une centaine de millions d'euros, soit un sacré paquet de chamallows, sont récoltés. Tant mieux pour les petits myopathes, mais comme pour toute charité bien ordonnée, voilà l'Etat (ruiné, comme chacun sait) exonéré de fournir un effort équivalent. L'action privée se substitue à la puissance publique défaillante, et ça arrange tout le monde. Nul besoin d'une politique cohérente, réfléchie, et financée de l'action publique dans le domaine de la recherche médicale, puisqu'on donne pour le Téléthon. Personne ne voudrait voir augmenter ses impôts d'un seul centime par l'Etat prédateur, mais chacun se bouscule pour couper personnellement sa chemise en deux afin de vêtir la veuve, bander l'orphelin, et battre le record mondial de chemises coupées en deux en 48h.

Mais nom d'un petit baxter, comment on peut dire ça, enfin ? C'est pour les zenfants ! Les zenfants, quoi ! Les chtis nenfants tout mignons tout innocents et qu'ont même pas d'enfance parce qu'ils sont cloués sur des fauteuils avec plus de piles pour avancer et qui comptent leurs derniers souffles que leurs parents ils sanglotent à côté, c'est bon ça, coco, c'est dans la boîte ! J'ai pas de chaumière, mais si j'en avais une, je pleurerais dedans.

5 décembre 2008

Voix de garage

Chop Shop de Ramin Bahrani.

Bienvenue au royaume d'essieux. Voilà l'étonnante révélation de ce film : au fin fond du quartier de Jackson Heights, dans le Queens à New-York, à quelques encâblures du Shea Stadium et du parc de Flushing Meadows, se love le Triangle de fer, trois rues à l'asphalte défoncé, royaume de la pièce détachée automobile, microcosme latino où s'entassent les ateliers de carrosserie et autres garages plus ou moins officiels, morceau de tiers-monde délocalisé au cœur d'une des villes les plus riches du monde, où les baraques de burritos, les enseignes déglinguées, les rideaux de fer rouillés et jusqu'à la poussière semblent directement importés du sud du Rio Grande.

C'est dans ce décor hallucinant que Bahrani nous donne à voir une tranche de la vie de deux gamins, Alejandro, 12 ans, et sa sa sœur Isamar, 16 ans, qui squattent à la dure à l'étage d'un petit garage. Ale trime toute la journée pour économiser de quoi rêver à une autre vie. Izzy vend des frites, et plus si affinités...

Encore un de ces films fiction-docu-vérité-social qui semblent proliférer en ce moment. Celui-ci s'acharne non sans un certain talent, notamment celui de ses jeunes acteurs, à nous raconter pas grand chose, sans vraiment de début, sans vraiment de fin.

Mais à y réfléchir, l'intérêt du film réside peut-être davantage dans ce qu'il ne montre pas que dans ce qu'il montre. C'est à dire que l'horizon des personnages ne dépasse jamais ces quelques rues clochardes, limitées par la silhouette des stades à l'entour, et quelques bretelles d'autoroutes. Les activités pas toutes très légales des garages auto ne provoquent jamais la venue du moindre uniforme. Autrement dit, quoiqu'au beau milieu du centre du monde, ce quartier semble totalement hors du monde. Une vision réaliste mais aussi prémonitoire de la cohabitation entre tiers-monde et monde développé, la ville opulente entretenant en son sein une frange miséreuse totalement exotique comme soupape de sécurité économique. Vu de banlieue, on apprécie la justesse de la vision.

Crash-test :

4 décembre 2008

Putain de camion

Moscow, Belgium de Christophe Van Rompaey.

Les routiers sont sympa. A Moscou (sic), banlieue popu de Gand, les amours contrariées d'une postière entre deux âges, séparée de son mari, et d'un chauffeur routier au passé alcoolique et de quatorze ans son cadet. Dit comme ça on croirait encore une Dardennerie frite-mayonnaise un peu lourdingue, mais non, pas du tout, c'est étonnamment frais, léger, et souvent drôle.

Dialogues (en flamand) naturels, mise en scène toute en retenue, photographie visant à l'ordinaire, au moins l'option de réalisme social ne verse jamais dans une lacrymale condescendance pour les personnages. On se réjouit plutôt d'une belle simplicité, gage d'une certaine justesse de ton. A l'instar du waterzooi de l'héroïne, ça se mange sans faim.

Pas dit toutefois qu'avec un argument aussi ténu, on se souvienne encore de ce film dans longtemps, mais on découvre en tout cas l'existence d'un cinéma belge flamand qui n'a rien à envier à son compatriote francophone.

A noter que le film est distribué sous un titre international en anglais, ce qui nous vaut un Moscow à la place du Moscou du titre original, Aanrijding in Moscou, c'est à dire Collision à Moscou. Peut-être encore un surréaliste dommage collatéral de la guerre linguistique qui sévit toujours...

Crash-test :

3 décembre 2008

Mon oncle

Petit message pour couper court à des rumeurs folles, propagées par certains lecteurs qui n'avaient pas lu l'édition du 16 octobre : je confirme bien n'être pas l'auteur des dessins de Madagascar qui ont adorné ces pages en mon absence. En plus c'est pas pour dire mais certains dessins sont très lisiblement signés "Anselme".

L'auteur n'est autre que mon oncle, Anselme Razafindrainibe, qui s'est livré encore à quelques croquis façon lors de mon dernier séjour, mais là ça va, je vais pas en remettre encore des tonnes, juste un chouïa pour montrer comment il se dessine ressemblant.