29 mai 2008

Tapas nocturnes

Rec de Jaume Balagueró et Paco Plaza.

Les zombies font l'Espagne. C'est devenu décidément une grande mode que ces films d'action / horreur tournés à la manière d'une vidéo, prétendûment retrouvée après les faits relatés, et qui est supposée leur attribuer une vérité indubitable. Le principe avait été posé avec le Blair Witch Project, qui faisait à moitié peur mais n'était pour autant pas vraiment très malin, et vous avez pu lire dans ces pages mon opinion sur Cloverfield.

Là on verse carrément dans le grand guignol avec cette toute petite production espagnole : une équipe de télé, le cameraman et la sémillante rédactrice au langage de charretier, suit une équipe de pompiers qui sort pour une intervention nocturne dans un immeuble qui se révèle infesté de zombies sanguinaires. Nul n'en réchappera, vous vous en doutiez bien, mais le cameraman aura le bon goût de tout filmer y compris ses propres derniers instants, et la caméra tourne encore. Le stock de batteries qu'il avait dû emmener !

Ça ne fait évidemment pas très peur, malgré un peu d'hémoglobine, c'est même plutôt rigolo. Il y a du rythme, une certaine cohérence, nonobstant de petites invraisemblances (en dehors des zombies, je veux dire) et cette malheureuse propension à vouloir à tout prix expliquer le pourquoi du comment. En y réfléchissant, une question reste en suspens : que mangent les zombies quand tout le monde est devenu un zombie ? Allo Jean-Pierre Coffe ?!

Crash-test :

27 mai 2008

Queen Mary


Pas d'actualité brûlante dans ce post, juste l'expression de mon admiration pour une grande illustratrice, Mary Blair (1911-1978). Je suis pas le premier, le net regorge de sites dédiés entièrement ou partiellement à son œuvre, mais c'est pas ça qui va me dégoûter de prendre le train en marche.


Née Robinson, elle était la belle-sœur de Preston Blair, animateur vedette chez Tex Avery, célèbre pour avoir animé le petit chaperon rouge sexy et autres vamps ondulantes.


J'ai rencontré la première fois Mary dans The Illusion of Life, la biblique et indispensable somme sur l'animation Disney. Un livre qui aide à mieux comprendre les tenants et aboutissants de l'animation classique, et qui révélait au fil des pages les noms de beaucoup d'artistes, dont Mary Blair, qui ont contribué dans l'ombre à la légende Disney. A une époque où dans les studios d'animation les filles étaient cantonnées aux tâches ouvrières de l'encrage ou du gouachage, Mary Blair tutoya les sommets en qualité de chef designer. Recherches de style, création de personnages, et tutti frutti. Autrement dit, elle faisait partie de ces artistes follement doués salariés par Disney pour avoir des idées qui se retrouvaient signées Disney dans les films Disney. Mary Blair était en fait le génie caché derrière des créations flamboyantes comme Cendrillon, Alice au pays des merveilles, ou Peter Pan.


Je l'ai croisée à nouveau sur les cimaises de l'exposition Il était une fois Walt Disney au Grand Palais en 2006. L'exposition, d'une grande richesse, était consacrée aux sources européennes des grands classiques Disney, et nombre d'originaux présentés, dont ceux, somptueux, que Mary Blair avait faits pour les préproductions de Peter Pan ou Alice, n'avaient jamais quitté les archives de la world company à Burbank, CA. Un sacré coup dans les mirettes.


Un livre tout entier, enfin, lui a été consacré, The Art and Flair of Mary Blair, qui donne à voir un panorama assez large de son talent, qui s'exprime dans ses travaux pour Disney, mais aussi des projets personnels tous azimuts, jusque dans la publicité. Le titre du livre a été repris par une grande rétrospective au San Francisco Cartoon Art Museum, dont les internautes disaient grand bien, mais qui a eu le mauvais goût de fermer en mars dernier, avant que j'aie le temps de m'organiser un petit week-end ad hoc avec mon jet privé (dans mes rêves).


A la lecture de ce livre, on saisit comment l'influence de Mary Blair a été décisive non seulement chez Disney, non seulement sur son époque des années 50 et 60, mais encore aujourd'hui chez nombre d'illustrateurs qui s'en revendiquent, quand ils ne préfèrent pas carrément la pomper sans vergogne.


Pour les lecteurs séduits mais fauchés, signalons le ravissant et enchanteur I Can Fly que Mary a illustré dans la collection à deux balles (mais super jolie) des Little Golden Books, éternels livres d'enfance actuellement réédités, et que les gamins pourront gribouiller et déchirer avec enthousiasme sans pour autant ruiner leurs parents.

Une première étape (en anglais) pour rebondir sur le web : Mary Blair chez l'excellent Cartoon Modern.

25 mai 2008

Céline Dion c'est Céline Dion, Cindy c'est Cindy

C'est mon idole. J'adore tout ce qu'elle fait. Comment ! Vous ne la connaissez pas encore ? Avec un prénom de baptême comme Cindy, elle ne pouvait que devenir esthéticienne ou star de la chanson. Au diable la modestie, Cindy Sander sera les deux.

A trente ans, voilà vingt ans bien sonnés qu'elle casse les oreilles de sa famille aux fins de banquets, et hante les baloches de sa Lorraine natale en se faisant payer en tartes aux mirabelles. Et en 2008, après s'être fait bouler à plusieurs reprises de diverses émissions de télé-crochet, bingo ! elle se fait jeter à nouveau du dernier casting de la Nouvelle Star. Et là le brec est fait, elle a le bout de son vernis à ongles dans la porte, sa carrière est lancée.

Car toute pitoyable chanteuse qu'elle fût, un fan-club, gonflé par la magie d'internet, fait le siège d'M6, qui fort intelligemment flaire la bonne affaire. Oh oh, se dit-on en haut lieu en se frottant les mains, si autant de gens veulent de la daube, y a qu'à leur en donner, il y aura sûrement moyen de faire encore un peu de fraîche avec. Aussitôt dit, aussitôt fait, Cindy, bien qu'éliminée par des jurés aux oreilles en bon état, est invitée en vedette américaine à l'émission de temps premier de la Nouvelle Star. Et là, elle casse la baraque tellement c'est nul. Et tellement c'est nul tellement elle a cassé la baraque, la voilà réinvitée, recyclée à l'infini d'émission en émission partout sur le PAF, son nom est sur toutes les lèvres. Star des médias. Son rêve est réalisé.

On pourrait écraser une larme devant ce conte de fées, la revanche du vilain petit canard, de la gentille province contre le méchant snobisme parisien. Malheureusement, il n'en est rien. Car Cindy, quoi qu'elle en croie, n'a pas une once de talent. Si on l'invite à la télé, si on parle d'elle à la radio, c'est uniquement pour se moquer d'elle, plus ou moins gentiment d'ailleurs. Cindy n'en a cure. Ou bien elle s'en rend pas compte, ou elle s'en fout, ou les deux, est-on tenté de penser vu qu'elle a le QI d'une boîte à chaussures. Si elle est célèbre un quart d'heure, n'est-ce pas justice ? Si les médias peuvent encore gratter un peu de pognon sur son nom, pourquoi se priveraient-ils ? Si elle-même peut gratter un peu de pognon, n'est-ce pas une juste compensation ? Cindy Sander est l'ultime perversion du système de la télé-réalité dont le principe était d'attribuer un talent factice à de parfaits inconnus. Là, plus personne ne fait même semblant ! Aujourd'hui on peut rire d'une casserole, demain on pourra se gausser de bossus médiatiques ou de culs-de-jatte télégéniques qu'on filmera lors de concours de saut à la perche.

Continue Cindy. J'adore tout ce que tu fais.

24 mai 2008

Les aventuriers de l'art perdu

Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal de Steven Spielberg.

Un jeune réalisateur plein de fraîcheur et très prometteur dépoussière le film d'action et d'aventures avec cette belle envolée d'un héros à chapeau mou, universitaire de terrain tourbillonnant au milieu de la jungle amazonienne, réveillant les temples endormis de civilisation disparues, luttant au corps-à-corps contre de méchants russes en uniforme de parade un jour de 1er mai sur la Place Rouge. Que d'inventivité, que d'humour, n'en jetez plus, nous sommes conquis, nous sommes en 1981, nous avons quinze ans et ça c'est vraiment du cinéma pour les jeunes comme nous.

Gageons que devant ce succès, le studio de son jeune ami George Lucas fournira à Steven Spielberg les moyens de tourner d'autres palpitants opus des ces aventures, avec, qui sait ? peut-être un jour des Indiana Jones 3, 2, 1, zéro.

Et après, les Beatles vont se reformer.

Crash-test :

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22 mai 2008

Yes we Cannes !

Diffusion hier soir sur France 2 de la palme d'or 2004, Fahrenheit 9/11 de Michael Moore. Je l'ai attrapé en cours de route pour cause de prolongations de Manchester-Chelsea (les occasions de regarder TF1 sont tellement rares...). Mais alors que je l'avais vu en salle à sa sortie, et en gardais un souvenir mitigé, j'ai eu l'impression devant mon écran plat 180cm 100Hz full HD Dolby surround (dans mes rêves) de voir quand même un vrai bon film.

Tout le monde avait hurlé que la palme 2004 attribuée par un jury présidé par Quentin Tarantino (celui-là même qui trouve comique d'imaginer qu'un prisonnier américain au Vietnam puisse passer cinq ans avec une Rolex Daytona dans le rectum) était une palme politique. Ben... oui, et alors ? Le film est évidemment politique, pourquoi la palme ne le serait pas ? La vérité, c'est que tous les défauts du film, l'évidente mauvaise foi dont Michael Moore s'est fait une marque de fabrique, l'inévitable mère de famille blonde qui pleurniche que son fils est mort en Irak (on la retrouve dans Bowling for Columbine, le fils tué par le lobby des armes à feu, et dans Sicko, le fils tué par les assurances-maladie privées), ne suffisent pas à masquer un vrai point de vue du réalisateur, et un propos véritablement percutant qui prend d'autant plus de sens que les années passent, et que l'Histoire se charge de le valider. Tout comme dans son premier long-métrage (et à mon sens un très grand documentaire, lui aussi très politique), Roger et moi, Moore fait un travail de montage remarquable, mixant images d'archives soigneusement choisies, et tournages spécifiques, interviews d'adversaires idéologiques désarmants de sincérité coupable, et pas mal de la sale gueule et du gros bide du réalisateur qui ne rate pas une occasion de faire l'andouille.

Au total, un film avec une grande force intérieure, qui appelle réflexion et critiques, et c'est l'un de ses mérites, mais qui surtout donne à voir un certain nombre de vérités que six ans après les attentats de New York, cinq ans après l'invasion américaine de l'Irak, on n'entend finalement plus si souvent énoncées avec autant de clairvoyance.

A noter tout de même que l'un des objectifs avoués de ce film était d'empêcher la réélection de Double-v. Il ne faut jamais présumer du pouvoir du cinéma...

20 mai 2008

Islamsterdam

J'envoie tel quel un large extrait de l'article de Jean-Pierre Stroobants, pompé sur un site gothique d'informations concurrent, avant qu'il ne soit englouti dans ses archives payantes.

L'arrestation, aux Pays-Bas, d'un caricaturiste spécialisé dans la dénonciation de la religion, et de l'islam en particulier, a plongé dans l'émoi le monde des médias et de la politique. L'homme, qui travaille sous le pseudonyme de Gregorius Nekschot, a été interpellé à son domicile d'Amsterdam, mardi 13 mai, longuement interrogé et libéré un jour et demi plus tard. La justice, agissant sur la base d'une plainte déposée en 2005, a saisi son matériel, son ordinateur et son téléphone. Elle estime que huit de ses dessins peuvent inciter à la discrimination et à la haine.

Les conditions de l'interpellation du dessinateur ont choqué : huit policiers et deux salariés du ministère de la justice ont pénétré chez lui pour fouiller son appartement avant de l'emmener. Le 16 mai, cette affaire - une première depuis 1945 - a été évoquée à la Chambre des députés et a créé des tensions au sein du gouvernement de centre gauche. "Au Danemark, les caricaturistes sont protégés. Ici, ils sont livrés à la vindicte", a déclaré Gregorius Nekschot. Le dessinateur affirme, désormais, redouter un attentat.

Des caricaturistes, souvent en désaccord avec les positions de leur confrère, lui ont apporté leur soutien, redoutant, comme l'a affirmé l'un d'eux, que l'action dont il a été l'objet soit "une autre tentative du gouvernement pour brider la liberté".

Aux Pays-Bas, Gregorius Nekschot est rangé dans le camp des provocateurs. Il aime à se présenter comme un défenseur inconditionnel de la liberté d'expression. Son prénom fait allusion au pape Grégoire IX, qui établit le tribunal de l'Inquisition au XIIIe siècle et son nom - "une balle dans la nuque", littéralement - entend être une référence à la manière dont on exécute les opposants dans les régimes totalitaires. - JPS.


Le mieux c'est encore de voir un peu à quoi ça ressemble. On y entravera pas les détails à moins de causer le batave couramment. Mais on saisit bien l'idée.

Je suis pas sûr que de montrer le Prophète se taper la petite Aïcha de neuf ans atteigne les mêmes sommets de drôlerie qu'un Jésus-Christ qui se ferait reluire le manche par Marie-Madeleine, mais ce qui est sûr, c'est que pas plus l'un que l'autre ne mérite ni menaces de mort, ni même un séjour prolongé dans les locaux de la police.

Ce qui est terrifiant dans cette histoire, ce n'est pas l'éventuel mauvais goût des dessins, mais que ce soit en fin de compte la police d'un pays démocratique qui se charge des basses besognes des islamistes sans même que ceux-ci aient seulement besoin de pointer le bout de leurs barbes. Un peu comme quand Chirac, après publication des caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo, trouvait plus urgent d'en appeler à la retenue des éditeurs que de défendre la liberté d'expression dont il est le garant constitutionnel. Sans doute songeait-il avant tout à éviter qu'un chaouch indélicat ne pisse dans son thé à la menthe lors de prochaines vacances au Maroc.

Mais qu'est-il donc arrivé aux Pays-Bas ? Spinoza doit se retourner dans sa tombe.

19 mai 2008

Who's that GAL ?

GAL de Miguel Courtois.

Au pays Basque au début des années 90, des caricatures de journalistes s'en prennent à des caricatures d'anti-terroristes et de terroristes au grand dam de caricatures de politiciens.

Pour ceux qui s'imagineraient que notre José Garcia national parle couramment la langue de ses ancêtres, ce film sera une sacrée déconvenue, vu que le José est doublé comme une vache espagnole : il ouvre la bouche, remue les lèvres, pendant qu'un inconnu hors champ enchaîne les jotas avec un cheveu sur la langue, deux ou trois secondes à côté de la plaque. Du coup, même si Garcia jouait bien, pas de danger, ça se sera pas vu. Sa partenaire Natalia Verbeke est argentine : pour interpréter un couple de journalistes ibériques, il fallait y penser. Toujours les effets de la coproduction internationale, c'est Bernard Le Coq qui incarne le premier ministre Felipe Gonzalez (même s'il n'est jamais nommé) : pour la crédibilité on repassera. Je suis même pas persuadé que les acteurs espagnols ne soient pas post-synchronisés eux-aussi, ce qui paraîtrait un peu fort de café.

Ce n'est donc pas l'interprétation qui sauvera le scénario, qui hésite sans choisir entre le cucul (à vouloir asséner des leçons d'histoire et des réflexions bien senties sur la raison d'Etat) et la confusion la plus totale (mais pourquoi Machin tire-t-il sur Chose ? je croyais qu'ils étaient copains ? mais non, c'est parce que l'acteur qui joue Truc, qu'on a omis de nous présenter, ressemble à Bidule comme deux gouttes d'Izarra). Et ce n'est pas le scénario indigent qui sauvera la réalisation pompeuse et inefficace, avec trop de plans inutiles, d'effets de montage à deux pesetas, et de mouvements de caméra partant de rien pour arriver nulle part.

Dommage parce que des films sur le sujet, largement méconnu, on n'en a pas vu des masses. Mais la prétention à faire la version européenne des Hommes du président est définitivement minée par la romance entre les deux journalistes (à la fin, ils s'embrassent). Que je sache, Woodward n'en pinçait pas pour Bernstein.

Crash-test :

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18 mai 2008

God Save the Queen

Selon l'adage, né à Ménilmontant en 2002, le seul bon rappeur est un rappeur mort. Je suis heureux de signer par la présente l'acte de décès de la rappeuse Queen Latifah, et d'enregistrer dans le même mouvement et avec le même enthousiasme la naissance de la nouvelle Queen Latifah, transfigurée en crouneuse post-moderne. Pas une personnalité antipathique au demeurant, qui en parallèle de graver son flot, a fait une semi carrière dans le cinéma. Et là tout d'un coup, pouf, révélation, changement de cap, virage de bord, oubliés les boîtes à rythmes et le gangsta rap, elle se refait une virginité jazzy avec tout d'abord The Dan Owens Album en 2004, puis récidive en 2007 avec Trav'lin Light, titre qu'on est en droit de trouver cocasse étant donné l'assiduité de la demoiselle chez WeightWatchers®. Quand on entend ça, on ne peut pas encore désespérer de convertir Diam's à Françoise Hardy. Musicalement, je veux dire.



Et voilà, encore une meuf qui chante. Bon, vu la qualité de ses interprétations, on lui pardonne de bon cœur ses années hip-hop (achipé, achopé). Je tiens à préciser cette fois que je n'en suis pas secrètement amoureux, ma femme est encore jalouse de Lisa Ono.

17 mai 2008

Divin agneau

Agnus dei de Lucia Cedron.

Argentine 2002, un enlèvement crapuleux. Argentine 1978, la dictature militaire. Une famille brisée alors voit resurgir les fantômes du passé et doit se confronter à des vérités douloureuses. Un scénario en béton armé, à base autobiographique paraîtrait-il, navigue habilement d'une époque à l'autre, servi par une mise en images à la fois sobre et inventive, et des interprètes tous inconnus chez nous et tous d'une sincérité confondante.

On y voit traités les thèmes du péché, de la trahison, de la responsabilité et du pardon, le tout dans un cadre de violence d'hier et d'aujourd'hui (suggérée mais jamais montrée), s'opposant à l'innocence de l'enfance. Je subodore même quelque parabole religieuse, l'agneau ne doit pas être là pour rien, mais comme j'ai pas fini mon caté, je laisserai aux théologiens patentés le soin d'approfondir la question.

Co-production franco-argentine, le film n'est pas sans rappeler la nouvelle vague avec un style très simple, très direct, et sans une once d'esbroufe, style qu'on pourrait trouver un peu français, donc, si ce n'était devenu pour trop de films français une simple pose servant de paravent à un vide sidéral. Ici, on est littéralement soulevé d'émotion avec une économie de moyens qui trahit l'humilité autant que l'intelligence de la réalisatrice.

Il semblerait que Lucia Cedron signe là son premier long-métrage. A peine croyable tant elle fait preuve d'un savoir-faire consommé, usant de toutes les ressources de son art (à l'exception notable des effets spéciaux numériques qui polluent tant de pellicules). Soulignons la reconstitution (décors costumes et accessoires) de l'année du Mundial argentin, 1978. Reconstitution soignée et précise et pourtant sans ostentation. Une réussite parfaite à l'image du film.

Crash-test :

16 mai 2008

Sergio le dessino

C'est au péril de ma vie que j'ai été me promener, à l'instigation du célèbre artiste réunionnais Serge Huo-Chao-Si qui y participe, voir une expo de dessins au Blanc-Mesnil. Dieu sait que c'est pourtant pas loin de la case, mais le Blanc-Mesnil et son gloubiboulga urbanistique involontairement constructiviste, d'avenue Vladimir Ilitch Lénine en rue Maxime Gorki, vous a des airs de confins de banlieue qui feraient presque ressembler le Bourget à Neuilly-sur-Seine un soir de victoire électorale de la droite décomplexée. Mais je m'égare. Les dessins.

Les organisateurs de cette expo Trait multiple restent fidèles à l'esprit urbain qui les entoure en proposant aux visiteurs en guise de "panorama du dessin contemporain" une sorte de gloubiboulga graphique qui rassemble de la célébrité et de l'obscur, du bon et du moins bon, de l'art artistique et du foutage de gueule, dont les frontières ne se recoupent pas exactement.

Devinez dans quelle catégorie ranger cinq dessins de Serge Huo-Chao-Si (un sixième semblerait avoir mystérieusement disparu des cimaises...). Ce cuistre a eu le toupet de photographier en 2007 sa sœur mourant d'un cancer, puis, euh... comment dire... morte, et d'en tirer ces dessins absolument poignants et sacrément gonflés. Aux dernières nouvelles Serge serait déshérité.







Serge n'est pas en mauvaise compagnie, puisqu'on peut aussi admirer des originaux d'une trentaine de dessinateurs dont Willem (à couper le souffle), Reiser, Crumb, Topor, BlexBolex, et au rayon révélation féminine, une certaine Anita Gallego, que je soupçonne fortement d'être de la famille de l'un des organisateurs Antonio Gallego.

D'autres infos sur le blog de cette crapule d'Appollo qui du fin fond de la Namibie a trouvé le moyen de me prendre de vitesse. Ça va pour cette fois.

Jusqu'au 30 août au Forum du Blanc-Mesnil.

15 mai 2008

Et ta sœur ?

Deux sœurs pour un roi de Justin Chadwick.

Soap-opera enluminé. Espérant en retirer des bénéfices pour elle-même et pour sa famille, Brenda se décide à séduire le riche et puissant Dylan. Maladroite, elle se fait doubler par sa sœur, l'ingénue Jessica. Dylan délaisse alors sa femme Cindy et engrosse Jessica. Brenda en profite pour reconquérir Dylan et l'épouser, après avoir écarté Cindy. Toutefois, Dylan se lasse de Brenda et la fait décapiter.

Remplacez maintenant Brenda par Anne Boleyn, Jessica par Mary Boleyn, Cindy par Catherine d'Aragon, et Dylan par Henry VIII, et vous obtenez amour, gloire, et beauté à la Tour de Londres au début du XVIème siècle.

Le film ne déplaira pas aux midinettes ni aux ménagères de moins de 50 ans désespérées, avec de jolis costumes transformant deux jolies actrices (Natalie Portman et Scarlett Johansson) en Barbie®-princesse. Les pères de famille entre deux âges risqueront la narcolepsie en espérant vainement voir Hulk surgir du pourpoint d'Eric Bana, guère convaincant dans le rôle d'un Henry VIII qui comme les castors ne travaille ni avec ses mains ni avec ses pieds.

Crash-test :

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14 mai 2008

Drancy aussi

La ville de Drancy n'est décidément jamais à court d'idées quand il s'agit de faire mourir de rire ses administrés et les voisins Bourgetins en goguette. Je revenais de faire ma splendide photo d'art de la magnifique statue des esclaves libérés, quand mon regard est arrêté à hauteur du parc paysager de Ladoucette par un étendard multicolore qui tente de flotter tant bien que mal au bout d'une hampe. Nom d'un petit bouddha ! Mon sang ne fait qu'un tour, la Skoda un demi (tour) au frein à main (dans mes rêves), et je m'en vais constater qu'il s'agit bien d'un drapeau tibétain pointé en direction du toit du monde.

Yéti y es-tu ? M'entends-tu ?

Alors là, je serais les autorités chinoises, je tremblerais de peur. Quelle belle leçon de courage, quelle belle leçon de démocratie que nous adresse là Jean-Christophe Lagarde, le traître à Bayrou maire de Drancy. Leçon qui s'impose d'autant plus fortement que juste à côté, on peut lire les 19 articles du règlement du parc, signé du même Lagarde, dont nos amis Chinois auraient beaucoup à apprendre sur le chemin qui les conduit vers une une démocratie moderne. 19 articles pour interdire de faire du vélo, du patin à roulettes, de marcher sur les pelouses, d'enlever son T-shirt, et même de pique-niquer sans autorisation spéciale, etc... etc... En résumé, reste autorisé de respirer, mais pas trop fort, et de mettre un pied devant l'autre, mais pas trop vite. Le tout sous surveillance vidéo, parce que des fois, quand le vidéo-club en bas de chez lui est fermé, Lagarde aime bien se passer les cassettes.

Déjà si tu sais lire ça tu es un peu suspect.

Espérons que les Tibétains ont reçu autorisation spéciale de griller quelques brochettes de yéti pour la durée de la promotion.

12 mai 2008

Pascal Sevran : enfin mort !

Jean-Pierre Elkabbach tente le tout pour le tout.

11 mai 2008

C'est du Biard

Du coup j'ai fait mes devoirs sur le web et j'ai été déterrer tout ce que j'ai pu sur l'injustement méconnu François-Auguste Biard (1799-1882). Voilà une petite galerie aléatoire. C'est sûr que ça change de Keith Haring.





J'ai pas les titres parce que la moitié était en une sorte de norvégien avec des ronds sur les lettres barrées, et du coup l'autre moitié j'ai eu la flemme. Bon allez, juste le dernier alors : Deux indiens en pirogue. Il vient d'être acquis par le musée Jacques Chirac (ah mais je suis bête il est pas encore mort) du Quai Branly des Arts premiers. Etonnant, vu que Biard me frappe pas par sa primature. Ah mais attends, ça doit être parce que ça représente des Premiers. A coup sûr ils vont racheter aussi toutes les planches originales de Canyon Apache.

10 mai 2008

Le temps béni des colonies

Alors voilà, le 10 mai on fête désormais la fin de l'esclavage. La date, mystérieusement choisie par Chirac, fait apparemment débat, certaines associations antillaises préférant tout aussi mystérieusement celle du 23 mai. Querelles byzantines autour du devoir de mémoire. L'enjeu m'a un peu échappé.

Par contre, j'ai vu une photo accompagant un article sur un site web gothique concurrent : photo d'une statue d'esclaves libérés érigée à Basse-Terre en Guadeloupe (à dire vrai c'était pas pile-poil la même photo, mais c'était bien la même statue). Notez le soin tout particulier apporté à l'environnement de l'œuvre, magnifiée par un écrin paysager de toute beauté.

A Basse-Terre en Guadeloupe.

Et là, mon sang n' a fait qu'un tour ! Nom d'un petit bwana, j'ai déjà vu cette statue quelque part par chez moi : à Drancy. Incroyable, le Neuf-Trois haut-lieu de la mémoire de l'esclavage. Pourtant, les trains ne partaient pas pour les Antilles... Notez le soin tout particulier apporté à l'environnement de l'œuvre, magnifiée par un écrin paysager de toute beauté.

A Drancy dans le Neuf-Trois.

Et donc renseignements pris, la statue a été posée en trois exemplaires : le premier à Gorée, cette île à une coudée au large de Dakar, dont la légende soigneusement entretenue voudrait qu'elle ait servie de base d'exportation du "bois d'ébène" (alors que plus vraisemblablement pas du tout, mais ne le répétez pas aux touristes noirs américains). Le second à Basse-Terre, oui, bon, d'accord, on suit toujours bien. Et donc à Drancy. A Drancy ! Y avait sans doute plus de place sous l'Arc de Triomphe, je vois que ça.

A Gorée, au milieu d'un écrin paysager cacté.

Bon, peu importe où elle a été posée, et la qualité de l'écrin paysager, on s'accordera pour dire qu'on a déjà vu statue plus inspirée. D'ailleurs mon clavier a fourché. "Inspirée", ai-je écrit ? C'est "pompée" qui aurait mieux convenu, à en juger par ce tableau, accroché sur un mur du château de Versailles, d'un certain François-Auguste Biard.

L'abolition de l'esclavage (dans son magnifique écrin allégorique).