Quai d'Orsay d'Abel Lanzac et Christophe Blain.
Notre rédaction, par accès de flemmingite aiguë purulente avec métastases dans les pilosités manuelles, avait malencontreusement omis de rendre compte de la parution du premier volume des ces chroniques diplomatiques. Omission aujourd'hui réparée d'autant mieux qu'avec ce deuxième et dernier tome, on a désormais une vue d'ensemble sur cette étonnante bande dessinée.
Le sujet est improbable entre tous : la vie d'un cabinet ministériel, celui du ministre des Affaires étrangères de la France en 2002-2003, un certain Alexandre Taillard de Worms. Sous le pseudonyme d'Abel Lanzac, le scénariste, se cache un jeune conseiller membre de ce cabinet en charge "des langages". Cette posture autobiographique est un gage d'authenticité pour aborder ce personnage de ministre romanesque, flamboyant, insaisissable, qui confond littérature et politique, rimailles et batailles, personnage qu'on pourrait croire inventé de toutes pièces s'il n'était croqué, de quelques coups de crayon affûté comme une serpe, de façon à évoquer sans équivoque son modèle dans la vraie vie, Dominique Galouzeau de Villepin, stature hors du commun, qu'on a déjà décrit ici en héros de tragédie
Le récit circonstancié de cette période diplomatique, précédant l'invasion étasunienne de l'Irak, rapporté par un acteur qui a vécu les événements de l'intérieur, aurait facilement pu être froid, technocratique et vaguement barbant. Mais le scénariste et surtout le dessinateur ont pris toute la mesure de la démesure de Taillard de Worms, et en font le véritable sujet de leur livre, décrivant comment la politique s'incarne avec grandiloquence, comment le verbe peut tenir lieu d'action, avec des résultats parfois surprenants. Christophe Blain a recours à toutes les ficelles de son art pour transformer ces coulisses en théâtre, ces palabres en épopée, montrant que la bande dessinée peut sublimer les sujets a priori les plus arides, en l'occurrence un type en costard qui passe ses journées au téléphone ou en réunion avec d'autres types en costard en les agonissant de concepts plus ou moins fumeux. Le trait est toujours en mouvement, comme ce ministre qui ne tient pas en place, au propre comme au figuré, physiquement comme intellectuellement.
On s'étonne seulement du choix parfois fantasmagorique des noms de pays. Si on reconnaît nommément l'Allemagne, la Russie, ou les Etats-Unis, l'Irak se cache sous le Lousdem, ou la Côte d'Ivoire sous l'Oubanga, sans qu'on saisisse bien l'avantage pour le lecteur de l'emploi de ces faux-nez.
1 février 2012
Balise diplomatique
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2 commentaires:
Peut-être n'ont-ils pas voulu vexer les héritiers Hussein et Gbagbo ?
Le prochain tome : Blain et les Héritiers ?
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