Il y a quelques jours, le site Elle.fr a publié un article d'une certaine Nathalie Dolivo, titré dans un français remarquable Tendance : black fashion power, accumulant un certains nombre de clichés un rien racistes, ou tout au moins crassement paternalistes sur le style vestimentaire des femmes noires. L'usage de l'anglais pour le titre traduit d'ailleurs a priori une aversion coupable à désigner les choses par leur nom, en français : le pouvoir de la mode noire. Comme s'il fallait désamorcer une charge qu'on pourrait ressentir péjorative dès le vocabulaire : personne ne voudrait que sa fille épouse un noir, par contre, les blacks, ils dansent trop bien !
A vrai dire, les analyses fulgurantes de l'auteure sur les styles supposés ou réels de la négritude relèvent essentiellement de la même vacuité vaguement crétine qu'on retrouve d'ordinaire dans le magazine, appliquée en général aux régimes minceurs ou au retour du col roulé, mais qui devient vite un faux-pas sur un sujet socialement et politiquement sensible.
Une couverture de l'édition étasunienne de 1997.
Sans doute fidèles lectrices du magazine, des peoples noires, Sonia Rolland, Audrey Pulvar, China Moses, et quelques autres il est vrai moins peoples et moins noirs, ont jugé néanmoins utile d'adresser un cinglant droit de réponse, rabattant son caquet à la rédactrice de l'article incriminé, dénonçant vertement ses clichés et ses remarques condescendantes. Malheureusement, ce droit de réponse se termine par un argument pour le moins surprenant : le principal crime de l'article n'aura pas été de rabaisser et de tribaliser les femmes noires, mais de méconnaître leur pouvoir d'achat de consommatrices de cosmétiques ! On en déduit que ce qui est mal, aux yeux des outragées, ce n'est pas tant le racisme latent que l'insulte faite au portefeuille. Si les rédactrices d'Elle doivent modérer leurs propos, ce n'est pas tant parce que le racisme est une idiotie scientifique et une faute morale mais en définitive parce que c'est un non-sens économique !
A tort ou à raison, cette polémique commence à remuer beaucoup de pixels sur internet, les avis se multipliant sur la blogosphère pour condamner l'article original. Le hic, c'est que cet article a été promptement supprimé par la rédaction en chef d'Elle. Les réactions fleurissent par centaines, quand la cause de tout ce ramdam a, elle, purement et simplement disparu de la vue du public, et on ne peut plus en connaître que ce qu'en rapportent ses contempteurs, sans qu'il soit possible de vérifier leurs citations ! Dans le même temps, le magazine a apporté son soutien à sa rédactrice, tout en s'excusant mollement, récusant la censure tout en s'y soumettant dans un même mouvement. Perdre des lectrices, ou perdre des annonceurs ? Le mieux, c'est de ne pas choisir...
3 février 2012
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