Compliance de Craig Zobel.
Canular téléphonique. Une journée comme les autres dans un restaurant fast-food de quelque banlieue miteuse de n'importe quelle ville des Etats-Unis. Le téléphone sonne. Au bout du fil, un homme qui se dit agent de police va, au prétexte d'enquêter sur un vol, prendre peu à peu possession de chacun des employés jusqu'à les amener à commettre l'irréparable.
Le scénario est un tel tour de force narratif, psychologique, et cinématographique, qu'on a peine à croire qu'il est en fait inspiré d'un fait-divers bien réel. Et ce fut un réel plaisir que de s'asseoir dans une salle sans savoir à quoi s'attendre, puis de se demander, interloqué, où le réalisateur voulait bien nous conduire, avant de deviner progressivement son propos au fur et à mesure que les intentions de l'homme au bout du fil devenaient plus évidentes et plus malsaines. Il faut traduire le titre, compliance, qui mélange les deux notions d'obéissance servile et de conformisme, pour mieux comprendre la force et l'intérêt de ce film qui démonte de façon terrifiante le processus psychologique qui peut conduire quelqu'un à accepter l'inacceptable et à commettre un crime. La clé de ce processus se trouvant dans la faculté qu'a le manipulateur de convaincre le manipulé qu'il peut se croire exonéré de toute responsabilité personnelle. Difficile, alors, au milieu des hamburgers, des grumeaux de panure et de l'huile de friture, de ne pas penser à Hannah Arendt, à Eichmann, et à la banalité du mal. On finit d'être stupéfait en découvrant la profession qu'exerce l'odieux appelant, qui l'a si bien préparé à commettre son forfait, et beaucoup d'autres puisque dans la réalité le manège s'est répété sur le même mode dans une trentaine de restaurants...
Le film se termine avec les incertitudes des parties prenantes de ce sordide fait-divers quant à leur degré de responsabilité, mais surtout, en montrant la police interpellant l'auteur des coups de fil, dans le but, heureusement, de mettre fin à ses agissements. Mais aucune scène d'audition, de procès, encore moins de condamnation du suspect ne nous est montrée. Et on peut alors légitimement s'interroger encore, en ressortant abasourdi de la salle de cinéma : mais, au fond, sous quel motifs peut-il être pénalement poursuivi, pour avoir seulement passé des appels sous une fausse identité, et demandé à des gens de faire ceci ou cela, qui l'ont accepté, en rechignant ou pas, mais qui l'ont accepté ? Tout ce que les employés du fast-food ont fait ou laissé faire, ils auraient pu le refuser à tout moment. Qui est coupable ?
Crash-test :
20 octobre 2012
La banalité du coup de fil
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire