22 juin 2010

La Belgique est-elle soluble
dans l'alcool ?

La merditude des choses de Felix Van Groeningen.

Eléphants roses et Flamands gris. Un gamin de treize ans vit avec son père, ses oncles chômeurs, tous alcooliques au dernier degré, et sa grand-mère, dans un pauvre patelin de Flandre, et semble promis à la même carrière de bon à rien imbibé de bière et de genièvre, mais échappe miraculeusement à son destin grâce à sa plume.

Rien dans ce récit ne nous est épargné du naturalisme alcoolique qui fait le quotidien de ce foyer miséreux. Aucune ingestion de liquide ni expulsion qui s'ensuit par telle ou telle voie. Et pourtant ces scènes de biture qui finissent presque invariablement en bagarre arrivent à devenir drôles à force d'être extrêmes, présentant avec une forme de tendresse insoupçonnée cette déchéance sociale sans issue apparente qui nourrit les boursouflures absurdes d'une fierté familiale tapie au fond d'une bouteille. La mise en scène de Van Groeningen, dont il faudrait se demander quelle part d'autobiographie il a distillée dans son film, est directe, efficace, et sans fioritures. C'est avec une deuxième temporalité parallèle, qui projette le petit héros à l'âge adulte, en passe de devenir miraculeusement écrivain, que le film justifie ses excès, transformant la farce en un désert d'amertume. C'est donc un grand film, dur parce que sensible, qui embrasse des thèmes existentiels, celui du destin, de la filiation, des liens familiaux, tout en se permettant une critique sociale intransigeante, qui parvient à rendre compte de certaines réalités sans les travestir, sans les magnifier, sans ridicule. La dernière scène, muette, montrant le héros devenu père à son tour s'affairer avec son fils, devient alors chaplinement poignante.

Entre autres détails amusants, si le gamin prend goût à l'écriture, c'est grâce à l'accumulation de punitions que lui infligent ses professeurs, qui, à court d'idées, finissent par lui laisser le choix des sujets. Les enfances heureuses sont, on le sait, nuisibles à la création artistique.

Crash-test :

Aucun commentaire: