Apocalypse, série documentaire d'Isabelle Clarke et Daniel Costelle, les mardis soirs sur France 2.
Alors là je dis non. Non nein no et niet. Il faut quand même pas pousser mémé dans les barbelés. France 2 diffuse en prime time (première partie de soirée, pour les francophones) une série documentaire en six épisodes, programmée sur trois soirées, consacrée à l'histoire de la deuxième guerre mondiale, produite par Mathieu Kassovitz. A priori, quelle bonne idée. J'ai voulu regarder, j'ai tenu vingt minutes avant de craquer.
Les docus d'archives sur la deuxième guerre mondiale, on peut pas dire que ce soit exactement une denrée rare. Qu'est-ce donc que cette série, que j'ai entendu son producteur vendre en toute modestie comme "définitive", allait bien pouvoir proposer de jamais vu ? Eh bien c'est bête comme chou, le point de vue révolutionnaire de ses auteurs se résume à la colorisation des archives. Voilà. C'est tout.
N'importe naouaque.
L'histoire, c'est l'étude et l'interprétation des documents, y compris filmiques. Si on commence à les tripatouiller, même pour la plus noble des causes, on s'engage dans un processus douteux que je n'hésiterai pas à qualifier d'orwellien. D'autant plus que nombre de ces images, loin d'avoir été saisies sur le vif, ont été soigneusement mises en scène et ne sont ni plus ni moins que des images de propagande. Les manipuler à nouveau en les présentant comme d'authentiques documents perpétue le mensonge. Demain on fera un documentaire sur la geste napoléonienne en transformant les tableaux de David en animations 3D au prétexte de les rendre plus sexy ? Ou est-ce qu'on demandera à un illustrateur de mangas de rajouter des enluminures à l'édit de Villers-Cotterêts pour le rendre plus digeste aux jeunes générations ? Mon dieu, au moment où j'écris ces lignes, je me dis avec effroi que si ça se trouve quelqu'un l'a déjà fait.
Passons, pour en revenir à Apocalypse, sur le commentaire assez bassement vulgarisateur, ou encore sur la sonorisation en une sorte de Dolby Surround® THX® pétaradant et envahissant d'archives essentiellement muettes. Il faut attendre un quart d'heure de documentaire pour voir enfin une carte qui situe un peu les frontières d'avant-guerre. On aurait pu commencer par là, parce que parler de Pologne ou de Tchécoslovaquie ou d'URSS n'a pas forcément le même sens pour tous aujourd'hui. On repassera pour les prétentions éducatives.
Cette apocalyptique Apocalypse n'est qu'un exemple parmi d'autres illustrant qu'on ne doit pas faire les choses simplement parce qu'elles sont techniquement possibles. Les esthètes historiens et inversement préfèreront sans barguigner l'excellent Ils ont filmé la guerre en couleur de René-Jean Bouyer, déjà diffusé sur France 2, qui pour le coup présentait des archives tournées sur de véritables pellicules couleurs de l'époque, qui donnaient au récit historique une proximité surprenante et saisissante, pour ne pas dire glaçante.
11 septembre 2009
Apocalypse No
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10 commentaires:
J'ai bien fait de zapper alors. J'avoue qu'entendre dans un extrait le commentateur dire "La petite Ann est courageuse comme tous les Anglais" m'a donné envie de vomir. Hortefeu au pouvoir !
Oups, je me rends compte que le précédent commentaire pourrait laisser à penser que je considère les Anglais comme des poltrons. Ce n'est pas le cas mais j'ai assez de recul sur la nature humaine pour éviter de croire que la totalité d'une population puisse être fabriquée dans un même moule.
Comme li-An , je n'ai pas vu "Apocalypse ", et ceci malgré les sirènes de mon mari à ce sujet.
Et bien , à te lire , je ne regrette rien.
De plus, n'y a t il rien d'autre dans l'Histoire que ce rabâchage sempiternelle sur la seconde guerre mondiale?
Qu'a t on à apprendre encore de réellement neuf la dessus?
De tout cœur avec ton article!
propagande , racolage et compagnie..
C'est presque insultant pour le spectateur que de penser l'instruire avec de tels thèmes.
Dans le genre vulgarisation historique, j'ai trouvé plus amusante l'émission de fin Aout ,sans prétention sur Catherine de Russie.
Bref, c'est un peu comme si on demandait à Tarantino de tourner un western à l'hémoglobine sur fond de WWII pour plaire aux jeunes générations, non ?
Je l'attendais pas du tout, celle-là.
Tu lances là une polémique ridicule. Toutes les archives filmées des conflits sont des images de propagande et je ne me rappelle pas avoir une image d'archive filmée des grandes guerres (hors discours) qui n'ait pas été post-synchronisée. Alors pourquoi pas colorisée ?
Ca les rends plus accessibles et c'est toujours mieux qu'une reconstitution.
on dit pas "n'importe naouaque" , mais "port naouaque", ou alors "n'importe ouaque".
@ Dudu : ridicule... ridicule... je vous en prie, Herr Hauptmann, je croyais les Allemands très corrects. Et puis je ne cherchais pas la polémique non plus.
Pourquoi pas colorisées, les archives ? Parce qu'elles sont présentées ainsi comme plus proches de nous avec l'idée qu'elle seraient plus authentiques en couleurs. En l'absence de tout commentaire de distanciation resituant un peu le contexte de fabrication des images, il y a une forme de tromperie sur la marchandise. Comme je le disais, effectivement, le matériel préexistant est de la propagande, mais ce n'est peut-être pas la peine d'en en rajoutant une couche avec la colorisation, en tentant d'abolir ainsi tout regard historique critique sur la matière première elle-même. Marc Ferro qui a longtemps présenté sur feue la 7 puis sur Arte des actualités d'époque faisait un vrai travail historique en parlant autant du contenant que du contenu des archives. Et si tu veux Hitler en couleurs, ça existe sans colorisation. Ou je ne m'appelle plus Joseph Goebbels.
@ Alain Rey : n'importe naouaque !
d'accord avec Hobopok.
Et, tapez vous le nouvelle campagne publicitaire sur le sida.
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