31 octobre 2011

Suicide mode d'emploi

21 recettes pratiques de mort violente à l'usage des personnes découragées ou dégoûtées de la vie pour des raisons qui, en somme, ne nous regardent pas, de Jean Bruller dit Vercors.

La vie est trop courte pour ne pas rire de la mort. C'est ce que s'est dit en 1926 le jeune Jean Bruller, pas encore Vercors, qui se croyait dessinateur en attendant de devenir écrivain, éconduit par une amoureuse, et qui conséquemment envisageait par dépit de mettre un terme à ses souffrances par tout moyen. Tâchant par le rire d'obtenir son indulgence, la séduction ayant échoué à gagner son amour, il avait en fait entrepris une correspondance humoristique avec la demoiselle. En vain. La demoiselle s'est envolée, et ce livre nous est resté, qui franchit les âges en se riant des modes.


"Un jeune homme vint me trouver un jour, les larmes ruisselant le long de son visage. On venait de lui faire un gros chagrin, et il demandait conseil à mon expérience. Je lui donnai le seul que ma conscience pût me dicter, et l'engageai à se tuer". En feignant de parler d'un autre pour parler de lui-même, Bruller ne parle-t-il pas de chacun de nous, qui contemple avec une fascination faite de dégoût et de désir mêlés la dernière liberté qui nous est assurée, celle de mourir comme on l'entend ?

Plein de commisération pour le candidat au suicide débutant et hésitant, il dresse en tout cas un très plaisant inventaire catégorique et illustré des différents moyens d'abréger son existence, pesant pour chacun les avantages et les éventuels inconvénients : par saut de cervelle, par asphyxie gazeuse, par section artérielle ou veineuse, par empalement, etc...


On ne sait dans ce petit et délicieux ouvrage s'il faut admirer davantage le dessin ou la prose. Il faut souligner comment en ce dessinateur sommeillait un écrivain qui s'ignorait, pour mieux regretter qu'ensuite, l'écrivain réveillé ait fait oublier le talentueux dessinateur.

C'est en 1977 que la maison Tchou fit à cette œuvre l'honneur de cette déférente réédition, additionnée de nouveaux commentaires de l'auteur, ayant trait notamment aux progrès remarquables dans les techniques d'éradication humaine. On trouve encore ce titre réédité par Portaparole.

11 commentaires:

La Crainte a dit…

Et ça se trouve encore ?

La Crainte a dit…

Je veux dire... t'en es sûr ?

Hobopok a dit…

C'est chez un fameux libraire en ligne. Il est à noter que tous les lecteurs ne s'occisent pas à la seule lecture.

Hobopok a dit…

J'en suis la preuve.

Hobopok a dit…

Vivante.

Totoche Tannenen a dit…

Pas facile à offrir.

Hobopok a dit…

Ça demande en effet un certain aplomb.

Emile Ajar a dit…

...dans la bouche.

david t a dit…

j'ai toujours trouvé délicieux que le fondateur de ce qui deviendra le cloître du nouveau roman ait été d'abord dessinateur (et pas des moindres, tout de même!). en lisant ses souvenirs (la bataille du silence), on apprend que la résistance littéraire croyait le silence de la mer de la main de gide, et qu'on se trouva bien perplexe de découvrir ce livre signé par quelqu'un qui, ô honte, n'était pas du sérail mais, pensez, un vulgaire dessinateur.

Hobopok a dit…

Trop honnête homme.

david t a dit…

un bien vilain défaut en effet.