Journal de France de Raymond Depardon et Claudine Nougaret.
Documentaire normal. Au prétexte que Raymond fait un tour de France des départementales en camping-car pour photographier des bars-tabacs-épiceries dans des bleds perdus, sa compagne exhume des chutes inédites d'anciens films et, revenant sur quelques moments-clés de la carrière de Depardon, tisse une ode à la gloire de l'art de l'image.
Raymond Depardon photographe a accédé récemment à une gloire normale en signant la photo officielle normale de notre nouveau président normal. Mais il faudrait être amnésique pour oublier que l'éternel baroudeur, correspondant de guerre, fondateur de l'agence Gamma, est aussi un fameux documentariste. Caméra à l'épaule, il a d'ailleurs déjà eu affaire à un président de la République, un peu moins normal, puisqu'il s'agissait de Valéry Giscard d'Estaing, dont il filma la campagne victorieuse en 1974. Souverain vindicatif, Giscard bloqua la sortie du film jusqu'en 2002. Le teigneux monarque fit encore embastiller le réalisateur trois jours en 1977 quand celui-ci fit diffuser au journal télévisé une poignante interview de Françoise Claustre, archéologue retenue otage par des rebelles tchadiens, mettant la République dans l'embarras.
Le film alterne ainsi extraits d'archives, films de guerre, Prague, Vénézuela, Biafra, ou chroniques sociales, Faits divers, Délits flagrants, Urgences, avec les séquences contemporaines de Depardon parti photographier la France dans son camion. Le point commun entre le photographe au travail et le cinéaste à la filmographie longue comme le bras finit alors par nous sauter aux yeux : c'est le même observateur patient, qui, cinéaste, n'a pas peur de laisser tourner en attendant que le bon moment captive dans l'objectif, et, photographe, sait attendre que le décor se mette en place comme par magie pour appuyer sur le déclencheur. Ça n'est nulle part plus évident que dans cette scène sidérante où, admis dans le bureau de Nelson Mandela en 1993, il lui demande de rester silencieux et de fixer la caméra pendant une minute. Cette minute de silence, avec le regard de cet homme qui porte à lui seul le poids d'un passé et les clés de l'avenir d'un pays, est plus impressionnant et plus parlant que toute interview n'aurait pu l'être. Raymond Depardon comprend ce genre de choses, et sait les faire partager, c'est un talent rare.
Avec l'intervention un peu appuyée de la compagne et co-réalisatrice, on n'échappe pas parfois à de véniels péchés de nombrilisme, mais on sort de la salle comme muni d'une nouvelle paire d'yeux avec la furieuse envie de revoir les films de Depardon. Et on se dit surtout que cette photo de François Hollande ne devait pas être si ratée que ça.
Crash-test :
22 juin 2012
Dans l'œil de Raymond
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