Après une récente et brève étude consacrée dans ce colonnes aux logos des clubs de football, voici le moment de se gausser allègrement de celui de l'Euro 2016 en France que l'UEFA vient de révéler officiellement avec apparemment le plus grand sérieux du monde.
Une réussite totale. Un maelström d'énergie graphique, gloubiboulga sauce grand veneur, précipité de saveurs improbables, symphonie de tons désaccordés, palette folle de peintre dément au milieu de laquelle surnage à grand peine cette potiche aux couleurs du Luxembourg, qui suggère, avec un à propos assez contestable, que la compétition se tiendrait en fait dans le grand-duché et que son vainqueur se verra remettre, selon toute vraisemblance, un splendide trophée en céramique de Vallauris. Ne manquera plus que la cheminée assortie sur le manteau de laquelle la poser.
Il s'agit, paraît-il, d'un hommage à la richesse de la culture française. Qui eût cru la culture française à ce point riche ? La culture française dit merci à l'UEFA.
Pour paraphraser Boby Lapointe : mes yeux pleurent, mais ma bouche rit.
28 juin 2013
Potiche
27 juin 2013
Soprano Lamentoso
Tony Soprano est mort. Enfin pas tout à fait Tony Soprano, mais James Gandolfini, l'acteur qui s'était si génialement imposé en mafioso dépressif en incarnant pendant six saisons le boss du New Jersey qui s'évertuait à vivre sa double vie dans ses deux familles. James Gandolfini n'avait pas eu une carrière éblouissante avant d'être révélé par ce rôle, se faisait plutôt discret depuis la fin de la série, mais qui pourrait nier que si d'évidence le rôle a fait l'acteur, inversement Gandolfini a donné à Tony Soprano un corps exceptionnel, à l'embonpoint en croissance exponentielle, au point qu'il paraît difficile d'imaginer que Tony Soprano ait jamais pu avoir un autre visage ?
Tout a été dit, écrit et lu sur la disparition de l'acteur, à Rome à l'âge de cinquante-et-un ans mais cette cyber-gazette, qui renâcle rarement à enfoncer les portes ouvertes, en profite pour revenir un peu sur la série Les Soprano, jusqu'ici évoquée de façon injustement brève en ces colonnes.
La série de David Chase, créée en 1999, n'a pas inventé la série télévisée, ni même la série policière, elle a seulement réinventé la façon d'écrire pour la télévision. Produits par la chaîne a péage étasunienne HBO, Les Soprano se sont affranchis des contraintes des objectifs d'audience pour atteindre une liberté de ton et de propos jamais vue jusqu'alors, faisant tomber les barrières en termes de violence, profanités, sexe et nudité. Rien pourtant de racoleur, au contraire, chaque scène et chaque dialogue soigneusement pensé visant seulement à servir une ambition beaucoup plus large. Chase a donné vie à une très balzacienne comédie humaine du New Jersey, brassant des thèmes universels du pouvoir, des rapports de force, de l'organisation sociale, de la cellule familiale, aptes à trouver un écho en chacun de nous. Le succès mondial de la série est venu récompenser ce pari fait par HBO
et Chase sur l'alliance de la liberté et de l'intelligence créatrices.
En six saisons, Les Soprano ont dressé le portrait d'une société contemporaine engagée irrémédiablement dans un cycle sans fin de violences et d'angoisses qui se nourrissent mutuellement, où l'apparence du succès masque en réalité une profondeur de vide insondable, un échec global impossible à assumer ni collectivement ni surtout individuellement.
James Gandolfini aura été la figure de proue de ce projet artistique hors du commun dans l'histoire de la télévision. Il est et restera à jamais Tony Soprano.
19 juin 2013
Le démon des glaces
The Iceman d'Ariel Vromen.
Bourreau de travail. La carrière de Richard Kuklinski, tueur de la mafia du New Jersey, depuis les années 50 jusqu'à son arrestation en 1986, un brave père de famille, amoureux de sa femme, et qui se vanta d'avoir exécuté plus de cent personnes. Il gagna son surnom d'Iceman, l'homme de glace, pour son apparente absence d'états d'âme, et pour sa propension à congeler les corps afin de tromper la police sur la date du décès de ses victimes.
Tout est donc plus ou moins vrai, dans ce film tiré de faits authentiques, d'autant que le scénario est lui-même tiré du livre tiré des souvenirs du véritable tueur. Pour autant, malgré un effort stylistique indéniable, une reconstitution (notamment capillaire) au poil près des époques traversées, malgré une représentation justifiée et maîtrisée des violences décrites, malgré des acteurs tout à fait convaincants, Ray Liotta, Robert Davi, et surtout Michael Shannon dans le rôle-titre, le film ne décolle pas beaucoup plus haut que le film de gangsters moyen. La réalisation ne sait pas bien quoi faire de ce sujet, hormis répéter des scènes, des personnages et des atmosphères déjà vus mille fois dans d'autres films. Vromen s'égare notamment quand il veut mettre des images sur l'enfance difficile du héros. Tout à fait superflu.
Dommage, parce que la vie de Kuklinski appelait une réflexion autrement plus perturbante sur le monstre qui sommeille en chacun de nous, et sur une société intrinsèquement violente qui s'étonne régulièrement de ceux qu'elle produit.
Crash-test :