Yoyo de Pierre Etaix.
Le tourbillon de la vie. Opportunément ruiné, un milliardaire solitaire choisit la vie de bohème pour rejoindre l'écuyère de cirque qui lui avait donné un fils. Devenu grand, riche et célèbre clown, ce fils va oublier la leçon et vainement parcourir le chemin en sens inverse, délaissant la vie de l'esprit pour les possessions matérielles, en croyant retrouver la splendeur paternelle passée.
Après un imbroglio juridique de presque vingt ans concernant la propriété des droits d'exploitation, les films qu'Etaix a co-écrits avec Jean-Claude Carrière dans les années 60 sont enfin à nouveau distribués en salles et en DVD.
Dessinateur, gagman, clown, Pierre Etaix se situe dans cette prestigieuse lignée de cinéastes issus du music-hall, tels Charlie Chaplin, ou son ami Jacques Tati, qui ont su transposer et adapter au grand écran leur sens visuel venu de la scène. Film profondément comique, drôle parce que triste et inversement, Yoyo, est surtout un grand film de cinéma au sens où pas un plan ne recèle au moins une idée de mise en scène. Donnant corps tantôt à des visions extravagantes, tantôt à des observations dérisoires, Etaix démontre ainsi un génie certain à tirer profit des moindres possibilités qu'offre le mode d'expression cinématographique.
Par une certaine ironie du sort, le film devient un peu moins convaincant, moins inspiré vers la fin, suivant en cela parfaitement son propos, au fur et à mesure que le clown se laisse happer par la marchandisation de la poésie et autres illusions de la vie moderne. Ce propos, et l'intention évidente d'Etaix de boucler la boucle de son film en laissant entendre que le fils suivra finalement la voie du père, sont malheureusement de moins en moins cachés, au risque d'apparaître alors comme un simple procédé scénaristique, lequel ne suffit heureusement pas, loin s'en faut, à disqualifier l'ensemble du film.
Car curieusement, tout doucereux, drôle et poétique qu'il soit, Yoyo est tout à la fois une fable philosophique et une charge politique, un commentaire acide sur le matérialisme, aussi contemporain et prémonitoire que peuvent l'être les Temps modernes ou Play Time, pour en revenir à Chaplin et Tati.
S'il faut se réjouir de pouvoir enfin redécouvrir l'œuvre de Pierre Etaix, il faut malheureusement se lamenter que ce type ait dû passer le quart de sa vie à s'épuiser dans une mesquine bataille de chiffonniers, au lieu de continuer à faire des films. Espérons qu'il n'a pas dit son dernier mot et qu'à quatre-vingts ans passés, il aura encore l'occasion de nous éblouir.
Crash-test :
13 janvier 2011
Père et fils
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