29 janvier 2010

Clair de ligne

Saul Steinberg, l'écriture visuelle, au musée Tomi Ungerer, Centre international de l'illustration, Strasbourg, jusqu'au 28 février.

Jolie découverte lors de mon passage à Strasbourg que ce petit musée au nom plus long que le bâtiment n'est grand. Trois étages d'un petit hôtel particulier consacrés à l'œuvre de l'immense dessinateur alsacien Tomi Ungerer, qui prête un niveau à une ébouriffante expo consacré à un de ses maîtres, Saul Steinberg.


Né en Roumanie en 1914, Steinberg est conduit, par les hasards d'une époque pas de tout repos pour les Juifs d'Europe orientale, tout d'abord en Italie où ses premiers dessins paraissent, puis aux Etats-Unis après la promulgation de lois antisémites par Mussolini. Il fait alors partie de ces Européens, notamment juifs, qui vont transformer la culture américaine en de nombreux domaines. Steinberg n'est pas loin de révolutionner le sien, celui du cartoon et de l'illustration, en donnant au dessin une profondeur à la fois intellectuelle et graphique jusqu'alors jamais vue. Il devient vite l'un des chefs de file du prestigieux magazine The New Yorker.


Rendu populaire par ses couvertures pour le magazine, notamment celles fameuses avec sa perspective du monde vu de New York, tarte à la crème internationale des boutiques d'affiches, Steinberg était un dessinateur dans l'âme, pensant et respirant avec son crayon (ou sa plume). Toute forme était pour lui une idée, et réciproquement. Touche à tout de la technique, il transformait et détournait aussi structures et matériaux. L'une de ses créations les plus rigolotes visibles dans l'expo sont ces faux diplômes constitués de gribouilis inintelligibles et qu'il offrait en cadeau à ses amis.


Simplifiant son dessin en le concentrant en un trait le plus pur possible, Steinberg aura eu une influence durable sur les dessinateurs de toute la planète, aussi bien sur ses contemporains que sur des générations actuelles, comme le montre une petite section d'hommages. C'est le cadeau bonus de l'expo : des originaux de Sempé, Ronald Searle, Chas Addams, Geluck, Chaval, Pierre Etaix, entre autres, et naturellement Tomi Ungerer (dont d'autres dessins sont bien sûr visibles dans le reste du musée).



A noter la parution d'un (pas donné) catalogue accompagnant l'exposition, sous le même titre de Saul Steinberg, l'écriture visuelle, incluant la reproduction de la totalité des œuvres présentées, et enrichi d'une fort pertinente biographie et d'analyses sémantiques.

3 commentaires:

Li-An a dit…

Tout à fait le genre d'illustrateur avec lequel j'ai du mal et en même temps je me dis que quand je serai vieux, je l'encenserai. On va juste attendre quelques années. C'est bien d'avoir des perspectives !

l'inegalable vivie a dit…

Clair de breton apprécie l'article .
Il te ressemble plus pour elle que certains autres, plus "routiniers" et peut être moins convaincus?

Du coup, elle songe sérieusement à une petite mise en plis , histoire d'affiner sa ligne.

En profil, il y a comme une nostalgie d'un talent qui sommeille dans la clarté de la "danseuse" ainsi exposée , juste en dessous du "forçat" du quotidien.

je ne reciterai pas ma moitié l'année dernière , mais je pense fort à sa remarque d'alors..

Laisse donc parler plus souvent "la danseuse "qui est en toi.

Bonne suite!

Hobopok a dit…

@ Vivie : une danseuse en moi ? elle est bien roulée ?

@ Li-An : réduire (encore qu'il n'y ait pas de honte à ça) Steiberg à de l'illustration, c'est manquer de voir comment justement l'essentiel de son œuvre est autoportante.