Never Let Me Go de Mark Romanek.
Le meilleur des mondes. Dans une terrifiante uchronie qui court des années 50 à 90 du siècle dernier, l'humanité a vaincu les maladies, et porté l'espérance de vie au-delà de cent ans. Alors qui sont donc ces enfants élevés dans de jolis pensionnats, coupés du monde extérieur, et qui semblent résignés à accepter un destin auquel ils comprennent bien peu ?
Le film est adapté d'un roman de l'auteur anglais (comme son nom ne l'indique pas) Kazuo Ishiguro (Les vestiges du jour). L'astuce majeure du roman d'Ishiguro (traduit en français par Auprès de moi toujours, que je m'empresserai de lire dès que possible), également au centre du film, est d'avoir choisi non pas de nous projeter dans le futur pour nous parler d'un monde à venir, mais de nous ramener à une époque fraîchement révolue, quasi contemporaine, qui nous place directement au cœur du sujet, comme si les événements auquel le récit fait allusion avaient pu déjà avoir lieu à notre insu. On y voit des avancées scientifiques se faire au prix d'une régression morale sans précédent, ce qui donne à réfléchir puissamment sur le coût civilisationnel de changements qui nous sont présentées comme autant de progrès per se, et imposés sans débat pour cette raison. Ce faisant, le film interroge subtilement notre propre indifférence, notre propre résignation, notre propre responsabilité face aux évolutions de notre société actuelle et leurs conséquences, qu'il s'agisse de sciences de la vie, de nanotechologie, ou de l'emprise technologique globale qui s'impose partout.
Car ce qui est effrayant dans le récit qui nous est fait, ce n'est pas une débauche d'hémoglobine, ou un suspense savamment ménagé, souligné de puissants effets sonores, mais c'est au contraire cette banalité glacée de l'horreur. Promis à une mort inéluctable, les personnages ne se rebellent pas, ne critiquent rien, ne questionnent même pas. Ils subissent sans broncher leur mise à l'écart, puis leur mise au rancart, encaissant avec une aimable tristesse les rares marques de commisération qui leur sont adressées. Comble du totalitarisme, ils approuvent la fin qui leur est réservée, et apportent même leur concours actif à sa mise en œuvre.
Prenant toute la mesure de la cruauté barbare son sujet, Romanek fait une mise en scène à la fois froide et délicate, aux antipodes du spectaculaire et tapageur The Island sur un thème proche. Il ne dévoile que très progressivement le mystère de ces êtres à part, instillant graduellement le malaise, jouant sur le contraste entre l'abjection de ce qu'on découvre, et l'extrême douceur avec laquelle elle nous est présentée. Difficile de rester indifférent.
Crash-test :
1 mars 2011
Clones tristes
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