2 juin 2011

L'insurgé

Jossot, la caricature en liberté, à la bibliothèque Forney à Paris jusqu'au 2 juillet.

Plus que quelques jours pour profiter de cette splendide exposition qui nous a été prescrite sur ordonnance par l'excellent Plan B(D) du bon docteur Totoche.

Gustave-Henri Jossot (1866-1951) était un peu oublié, injustement, au point que je n'en avais à vrai dire jamais entendu parler. Son dessin est pourtant étrangement familier, peut-être parce que l'artiste a vu ses travaux publicitaires reproduits à l'échelle industrielle, encore aujourd'hui sur des millions de cartes postales, tandis que son œuvre satirique restait plus confidentielle.


Pilier de L'Assiette au Beurre, Jossot s'est très tôt singularisé par un trait épais et rond, héritier de la tradition de la caricature du XIXème siècle, influencé par les tendances artistiques du tournant du siècle, notamment les courbes de l'art nouveau.


On redécouvre avec cette expo une esthétique du dessin de presse, où le trait et la forme sont en fait utilitaires, au service d'une idée force, en général aussi violente que juste. C'est ce qui fait que les dessins de Jossot traversent sans peine le siècle qui nous sépare d'eux : ils font mouche, mettant dans le mille à chaque fois, en ridiculisant des traits de caractères dont la constance à travers les âges nous parle évidemment toujours.


Anarchiste-libertaire pur jus, n'ayant jamais fait allégeance à aucune bannière, se méfiant même du grégarisme et du sectarisme de ses camarades contestataires, Jossot, déçu par ses pairs et les usages de la presse française, affecté par des malheurs personnels (la mort de sa fille) finit par quitter en 1913 la France honnie pour la Tunisie, où il se mêla aux indigènes, embrassant temporairement l'islam pour mieux rejeter son passé.

L'expo rassemble un éventail d'une grande richesse de toutes les facettes de sa production graphique, dessins de presse, caricatures, illustrations, affiches, publicités, aquarelles, toiles, mais aussi des écrits qu'il faut prendre le temps de lire. Jossot écrivait avec le même talent et la même fureur qu'il dessinait, et son analyse au vitriol des travers de la société qu'il a fuie au début du XXème siècle résonne avec un écho encore à ce point assourdissant, qu'on la croirait vilipender notre début de XXIème siècle. C'est dire si Jossot n'a rien perdu de sa puissance, de sa hargne, et si son influence a pu être reconnue encore aujourd'hui par les plus grands dessinateurs de presse.

4 commentaires:

Totoche Tannenen a dit…

Une piqûre de rappel s'imposait effectivement.

Hobopok a dit…

Une bien belle trouvaille. Dommage que le catalogue de l'expo soit (comme souvent) si onéreux.

Voltaire77 a dit…

L'exposition est prolongée jusqu'au 2 juillet, criez-le sur les toîts !

Le catalogue coûte ce que coute un ouvrage illustré avec 180 images en couleur... l'entrée de l'exposition est moins onéreuse que partout ailleurs...

Hobopok a dit…

Un ouvrage illustré avec 180 images en couleur est donc onéreux. Davantage, il est vrai, que la modique entrée, qui est tout de même exigée même des chômeurs, contrairement à ce qui pratique ans les musées nationaux, et à ce qui se pratiquait antérieurement, aux dires de la caissière, dans les établissement de la ville de Paris. On ne pleurera toutefois pas sur le rapport qualité-prix, et cette prolongation rend justice à la qualité de cette exposition.