Blancanieves de Pablo Berger.
Conte de fées tauromagique. Dans l'Andalousie des années 20, la fille d'un toréador déchu subit les brimades d'une marâtre cruelle, est recueillie par des nains eux aussi toréadors, et a tout juste le temps de connaître à son tour la gloire dans l'arène, avant de croquer une pomme qui la fait sombrer dans une léthargie fatale d'où seul le baiser d'un prince au cœur pur pourra la tirer. Tout ça ne vous rappelle rien ?
Difficile, avec ce film muet en noir et blanc, situé à la même époque, de ne pas le comparer à notre The Artist national, chef-d'œuvre tricolore multi-oscarisé. Pourtant les similitudes s'arrêtent à la description technique des deux productions, car leur propos n'est pas le même. Et il faut bien reconnaître, dût l'orgueil national en souffrir, que le film espagnol pousse le bouchon encore plus loin, en se libérant des limites du pastiche, pour devenir autre chose qu'un commentaire sur lui-même et s'élever vers des sphères d'une inventivité et d'une modernité de haute volée.
Il faut d'abord, comme avec The Artist d'ailleurs, savoir apprécier le plaisir de se retrouver, grâce à ces films muets modernes, dans une salle obscure pour goûter à la quintessence du cinéma dans ce qu'il a de plus pur : une histoire racontée avec des images qui bougent, de la cinématographie littérale. Loin d'être barbant ou rébarbatif, le film muet, en empruntant sa grammaire aux maîtres du genre et autres pionniers du septième art, concentre au contraire le sens, et captive bien davantage l'attention du spectateur que bien des films parlants qui trop souvent masquent l'indigence de leur mise en scène derrière d'incessants bavardages. Et Berger a su se donner les armes du succès en adoptant un noir et blanc expressionniste, et une bande son extrêmement soignée, baignée de flamenco, hymne à l'âme ibérique. Clin d'œil aux lois du genre : une utilisation intensive et astucieuse de surimpressions parfois très drôles, effets spéciaux à deux pesetas et diablement efficaces.
On voit évidemment, au-delà du conte de fée perverti de façon à la fois enjouée et sardonique, une allusion, même si les dates ne coïncident pas parfaitement, à la prometteuse jeunesse de la République espagnole, qui allait être foudroyée par le franquisme, plongeant la belle Espagne dans un sommeil éternel de quarante ans. On pense aussi au Labyrinthe de Pan, autre film espagnol, qui sur un ton tragique transformait un rêve d'enfant en parabole politique antifranquiste.
Dans ce dernier film, on pouvait apercevoir déjà la rayonnante Maribel Verdú, qui ici interprète génialement la maléfique marâtre Encarna. Tandis que le nain amoureux de la belle endormie a, inexplicablement, les traits d'un Joann Sfar miniature...
Ultime moment de grâce : la fin du film n'est pas dans le film. Elle n'a pas été écrite, et lorsque s'achève le mouvement de caméra du dernier et magnifique plan, c'est au spectateur de le faire. ¡Olé!
Crash-test :
1 février 2013
Blanche-Neige d'antan
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2 commentaires:
Ah zut, j'ai longuement hésité. Je vais voir s'il est toujours à l'affiche.
Cours-y vite, il va filer.
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