No de Pablo Larraín.
Ouverture d'une question fermée. En 1988 au Chili, le dictateur Pinochet a l'idée d'un référendum pour couper court aux pressions internationales et valider son pouvoir. Un jeune publicitaire, davantage en phase avec la société que les mortifères gérontocrates suppôts du régime, va transformer la campagne du non (à la dictature) en un plébiscite en faveur de la vie et de la liberté.
Du même réalisateur, notre rédaction n'avait guère apprécié le pesant Tony Manero, parabole un peu pénible des année de dictature au Chili. Larraín insiste dans l'introspection passéiste, avec cette pastille rétro, tournée en 4:3 avec du matériel vidéo d'époque, une coquetterie qui au final n'apporte pas grand chose, sans pour autant nuire non plus. Mais l'issue heureuse du récit (la fin de la parenthèse Pinochet et l'avènement de la démocratie) permet d'adopter un ton plus léger, voire résolument optimiste, qui permet de mieux apprécier les différents niveaux du récit, et le talent de la mise en scène.
L'habileté de ce film, basé sur des faits évidemment historiques, est de donner à comprendre une certaine partie des causes la fin de la dictature, avec une assez fine analyse socio-politique, perceptible en filigrane, tout en réfléchissant à la nature de la communication politique, le personnage de publicitaire apparaissant comme l'ancêtre sud-américain des spin-doctors qui se sont emparés de la politique dans le monde entier. Ce publicitaire réussit le tour de force de transformer le non en ouragan de positivité, à mettre la joie de vivre dans le camp des victimes de la répression et à ringardiser le vieux dictateur et son entourage trop sûr de lui.
Ce qu'on finit par comprendre aussi, et qui laisse, malgré l'avènement des jours heureux, un léger goût d'amertume, c'est que le publicitaire agit moins par conviction politique que par conviction professionnelle, persuadé de son intuition de tenir un discours gagnant, pour lui-même autant que pour le pays, selon des principes de communication directement tirés de ses expérience commerciales, et qui auraient tout aussi bien pu s'appliquer à des boisson gazeuses qu'à un Pinochet, si seulement l'occasion lui en avait été donnée...
Crash-test :
26 avril 2013
Négatif positif
25 avril 2013
Tragédie romantique
Mariage à l'anglaise de Dan Mazer.
Humour à rebrousse-poil. Après un mariage hâtif suite à un coup de foudre, un couple prend un an pour détricoter son bel amour et faire le constat de l'impossibilité de vivre ensemble et de l'échec de son union.
Invitons nos lecteurs à faire l'expérience suivante : prenez, dans votre tiroir à chaussettes, une vieille chaussette dépareillée (ce qui, si vous êtes marié, ne devrait pas être trop difficile à trouver). Retournez-la. Qu'obtenez-vous ? Quoiqu'à l'envers, toujours la même vieille chaussette. La même chose s'applique aux principes de la comédie romantique que Mazer a cru pouvoir retourner (comme une vieille chaussette, si vous avez bien suivi) pour mieux les renouveler. Malheureusement, malgré de bons acteurs (Minnie Driver, Rose Byrne, Stephen Merchant) et quelques bonnes tirades d'un cynisme violent, si les protagonistes font bien le procès du mariage, c'est pour mieux aussitôt retrouver ailleurs un amour qu'on est prié de croire véritable à son tour. Tout ça pour ça.
Bien que pas foncièrement déplaisante, cette tentative d'entrisme cinématographique est néanmoins un échec, tendant à prouver qu'un genre ne peut être réformé de l'intérieur, qu'on ne peut prétendre en modifier les lois tout en s'y soumettant en même temps.
Crash-test :
24 avril 2013
La revue jamais vue
Kanyar numéro 1.
Kanyar est une nouvelle revue littéraire, imprimée sur du papier, classieuse mais pas prétentieuse, dont la seule ambition, selon les propres mots de son fondateur André Pangrani, est de nous raconter des histoires. Ledit fondateur s'y entend en matière de fondation de publications périodiques, puisqu'il faisait partie des fondateurs le la célèbre revue réunionnaise de bande dessinée Le Cri du Margouillat, puis de ses avatars Le Marg et Le Margouillat.
Pangrani s'est fait auteur, on n'est jamais mieux servi que par soi-même, pour signer deux nouvelles de ce premier numéro, mais s'est aussi entouré des talents de plume de Cécile Antoir, Appollo, David-Pierre Fila, Emmanuel Gédouin, Emmanuel Genvrin, Elina Löwensohn, Bertrand Mandico, Xavier Marotte, Marie Martinez, Pierre-Louis Rivière et Edward Roux. Cet aréopage de 208 pages sera à la portée de tous pour le prix dérisoirement modique de 19 €.
Une équipe de correcteurs assoiffés de syntaxe a chassé l'anacoluthe, impitoyables comme des trappeurs en visite au zoo de Vincennes, et fermé davantage de guillemets que Montebourg d'usines, pendant que les délicieuses illustrations de couverture étaient dessinées par la terrifiante Crainte, tandis qu'enfin la maquette, classieuse mais pas prétentieuse, était confiée à un jeune graphiste plein d'avenir. On peut déjà avoir un aperçu du résultat final, grâce à ces clichés réalisés par l'imprimeur dans ses locaux lisboètes au moment où il emballait les exemplaires en partance pour Paris.
23 avril 2013
Nuage de fumeux
Cloud Atlas d'Andy et Lana Wachowski et Tom Tykwer.
Gloubiboulga new age. A travers six époques du passé, du présent et du futur, six intrigues se répondent (ou pas) afin de dresser un tableau de la permanence des choses et des sentiments humains, de faire croire à un dessein immanent et à un destin pour l'humanité. Bref, c'est la charge de la brigade lourdingue.
Les frères Wachowski ont, dans le passé, signé de bons films, tels le thriller à rebondissements Bound ou la science-fiction paranoïaque Matrix, et de plus mauvais, comme les deux derniers opus de la saga Matrix, où déjà perçait une bonne dose de vanité remplie d'un vide sémantique sidérant. Désormais frère et sœur (l'un des deux a changé de sexe, sans amélioration notable du service artistique rendu), les Wachowski ont à nouveau franchi à grands pas la frontière qui sépare l'ambition de la prétention la plus prétentieuse, déclamant une philosophie de cour d'école emballée dans un désastre esthétique de première bourre. Il faut se fader une mise en scène grandiloquente, où les acteurs sont priés de cabotiner sous une myriade de déguisements ridicules, sans qu'on ne parvienne, au bout de deux pénibles heures quarante de récits embrumés, à distinguer autre chose qu'un vague propos déiste, et l'assurance, nouveauté éternellement périmée, pour ne pas dire rance, que l'amour triomphe de tout...
Mais alors, diront les retors, pareil navet king size, porté de surcroît par ses stars, Tom Hanks et Halle Berry en tête, a dû triompher aux Etats-Unis d'Amérique ? Eh bien non. Un bide total. C'est à désespérer d'Hollywood.
Crash-test :
22 avril 2013
La petite reine
Wadjda d'Haifaa Al-Mansour.
Religion piège à cons. A Riyad, capitale de la riante Arabie Saoudite, seul pays au monde à porter un nom de famille, une gamine, prisonnière des conventions sociales et religieuses, rêve d'une bicyclette, synonyme de liberté, et, à force d'astuce et de ténacité, se joue du système oppressif pour parvenir à ses fins.
Ce film est une grande première. Il s'agit du tout premier film saoudien, qui plus est réalisé, tenez-vous bien, par une femme. Sans entrer dans le détail des conditions assez rocambolesques de son tournage, il faut s'étonner de l'incroyable maturité d'un cinéma jusqu'ici purement et simplement inexistant, pour constater que le relatif isolement du pays, et de ses habitantes notamment, ne l'a pas rendu totalement imperméable aux influences du monde extérieur, et aux bienfaits de plus de cent ans de cinématographie. On peut avoir la cruauté de comparer avec le tout premier film français, La sortie de l'usine Lumière à Lyon, dont la finesse psychologique était nettement moins pénétrante.
Le film d'Haifaa Al-Mansour n'a pas pour seul mérite de lever le voile (au propre comme au figuré) sur une société assez largement méconnue. Il s'avère d'une habileté de mise en scène confondante, et d'une justesse de ton et de propos qui fait mouche. La réalisatrice ménage ses effets, intrigue, inquiète, avant de révéler très progressivement où elle veut en venir, pour amener une fin bouleversante d'émotion, sans avoir besoin en cours de route de tirer la barbe du moindre imam ou de brûler un coran.
Un talent singulier est né, une fleur éclose dans le désert des sables d'Arabie, et il sera curieux de savoir s'il s'agit d'un feu de paille ou de l'avant-garde d'un mouvement artistique préfigurant des bouleversement sociaux dans le royaume.
Crash-test :
21 avril 2013
Qui c'est les plus forts ?
Saint-Etienne 1 - 0 Rennes.
Un Stade de France aux trois-quarts vert, un bien joli but et puis c'est tout, une équipe de Rennes atone qui ne se souvient qu'elle a une finale à jouer qu'à quinze minutes de la fin du match, et voilà une ligne de plus au palmarès d'un des plus prestigieux clubs de football français.
Ça peut paraître anecdotique, et ça l'est, cette sous-coupe (de la Ligue) n'étant pas la plus prestigieuse des compétitions nationales. Mais il faut remonter assez loin en arrière pour comprendre toute la charge émotionnelle que cette victoire porte en elle, et ne pas s'étonner qu'un sport aussi frelaté puisse encore en d'aussi rares occasions donner l'impression, illusoire peut-être mais pas désagréable, d'être resté fidèle à son image d'œuvre collective et de ciment social.
Car c'est un cliché de l'écrire, mais l'ASSE n'est pas un club comme les autres. A Saint-Etienne, verrue minière et industrielle fichée au flanc du continent rural du Massif central, aux murs de pierre noircis par le charbon, le football n'a jamais été un vain mot, vécu comme la revanche des passementiers foréziens sur les maîtres soyeux lyonnais.
Quand à Saint-Denis on voit que les supporters de l'ASSE recrutaient jusqu'en Bretagne, en plein pays rennais, on se dit que décidément l'herbe est plus verte dans le Forez, et qu'il n'y a bien qu'une seule équipe en France qui puisse encore faire croire à la fiction du football. Evidemment, c'est les Verts.