29 octobre 2013

Omar m'a tuer

Omar de Hany Abu-Assad.

Mariage des traîtres. Un jeune Palestinien amoureux fait le mur (de séparation entre Israël et la Cisjordanie) pour aller conter fleurette à sa chérie, s'essaie à la résistance armée contre l'occupation israélienne, se fait choper par on sait pas bien qui, doit trahir ses amis d'enfance avant de découvrir que tout le monde trahit tout le monde, y compris son meilleur ami qui épouse sa chérie. L'apprenti-résistant finit coincé entre le marteau et l'enclume, entre le chien et le percuteur.

Beaucoup de zones d'ombre dans cette intrigue embrouillée, qui laissent au final le spectateur sur sa faim, tout en dissimulant ce qu'est au fond le propos, l'intention du réalisateur. Bien malin qui pourrait discerner exactement quel est le sujet du film, ce qu'il essaie de dire. Abu-Assad nous balade à travers les paysages exotiques d'une Palestine en état de guerre dont on a peu coutume de recevoir des images de fiction, fait preuve d'une certaine habileté technique notamment dans les scènes de poursuite à travers les ruelles, mais n'arrive pas à rendre vraiment intéressants les états d'âme de son héros, ni le sort tragique qui lui est promis. Un peu comme s'il avait été lui-même coincé entre l'obligation de traiter la question israélo-palestinienne et l'envie de la dépasser pour traiter de thèmes plus personnels.

À la vue du résultat pour le moins mitigé de l'entreprise, on en déduit que les Palestiniens, condamnés géopolitiquement, le sont aussi artistiquement, prisonniers du conflit qui les étouffe.

Crash-test :

18 octobre 2013

Envoyé spécieux

L'émission de reportages de la rédaction de France 2, Envoyé spécial, vingt-trois ans d'âge, s'est livrée hier soir à un exercice particulièrement périlleux : quarante-quatre minutes sur la guerre au Mali, commentées par un journaliste de la rédaction, mais dont les images avaient la particularité d'avoir été entièrement fournies par nul autre que l'armée française elle même. Armée française qui, après avoir bien entendu contrôlé les prises de vues, et pour cause puisque aucun journaliste n'était admis à proximité des zones de combat, imposait encore une condition à l'utilisation de ses images : qu'aucun combattant, français, allié ou ennemi, ne soit vu perdant la vie.

Ah que la guerre est donc jolie ! Zéro mort ! On nageait en pleine propagande : un ballet de techniciens surentraînés, spécialistes de la spécialité trop occupés à "devenir eux-mêmes" pour penser à mourir. Quelques coups de soleil, tout au plus.

Allo Rémy Pflmlin ? Devine d'où je t'appelle !
Il est absolument sidérant de voir des journalistes qu'on croyait chevronnés, qui plus est sur le service public, se livrer à une telle mascarade. En se prêtant au petit jeu de la com' militaire, en acceptant les conditions inacceptables de l'armée, qui par ailleurs avait verrouillé, pour ne pas dire interdit, toute couverture journalistique indépendante du conflit réel, la rédaction de France 2 se tire une balle dans le pied et déshonore toute la profession en semblant ainsi entériner la négation de son propre rôle de journaliste, de témoin indépendant, de quatrième pouvoir. Au lieu de protester contre l'attitude de l'armée, France 2 devient son supplétif.

Voilà le vrai journalisme engagé : engagé volontaire !

17 octobre 2013

Bleu fiel

Blue Jasmine de Woody Allen.

Vanitas vanitatum. Une bourgeoise superficielle, égoïste et cassante connaît la déchéance après la ruine de son mari. Elle doit trouver refuge chez sa sœur jusqu'ici délaissée et tenter de se reconstruire. Mais plutôt que de s'adapter aux circonstances nouvelles en corrigeant ses errements passés, elle préfère se bercer d'illusions confortées par des mensonges, et fait le lit de son propre malheur.

Woody Allen vieillit tout de même bien. Il faut admirer ici dans sa nouvelle production annuelle le savoir-faire du cinéaste accompli, la fluidité du récit, la mise en scène quasi transparente, la justesse des dialogues et enfin l'amour des comédiens. Cate Blanchett se voit offrir un rôle de femme déboussolée, broyée par la vie, aigrie, fissurée, qu'elle porte merveilleusement, tandis que Sally Hawkins en naïve généreuse donne le parfait contrepoint. On retrouve dans ce film ce subtil mélange allenien de légèreté comique et de fausse ingénuité philosophique, mais qui, au fil des minutes, tend vers la noirceur la plus absolue au fur à mesure que le point de vue de l'auteur sur la condition humaine se lit de façon de plus en plus désespérée, jusqu'à ce que, pour finir, Woody cesse de s'en amuser.

On voit dans ce film que l'humoriste n'est jamais meilleur que quand il est moraliste, et que le moraliste n'est jamais meilleur que quand il n'est pas moralisateur.

Crash-test :

7 octobre 2013