5 juin 2009

Un de Troie

L'Iliade et l'Odyssée adaptés par J. Werner Watson, illustrées par Alice et Martin Provensen.

Publiée en 1953 par les Deux coqs d'or, il s'agit de la traduction française d'une adaptation étasunienne des œuvres d'un présumé Homère, destinée à la jeunesse, et richement illustrée par un couple talentueux, les Provensen. Il aurait fallu encore citer le traducteur, ce qui n'est pas le cas dans le livre, car le texte est dans un français un rien châtié et en tout cas très élégant qui laisse entendre que l'éditeur ne prenait pas ses jeunes lecteurs pour des truffes. Un livre en grand format pour se baigner tout entier dans ce bouillon légendaire aux confins de l'épopée historique et de la mythologie.


Question intéressante d'ailleurs : l'Iliade et l'Odyssée, œuvres de fiction sorties à un moment donné de l'imagination d'au moins une personne et fixées par écrit, où les dieux sont omniprésents, prenant parti dans la guerre de Troie, et se disputant âprement le destin des hommes, sont-elles ou non œuvres mythologiques à l'égal des mythes grecs antiques formés on ne sait bien ni où ni quand ni par qui et transmis oralement, ou s'agit-t-il plutôt d'une des premières créations littéraires connues dues à un auteur ? Je laisse les historiens en débattre.


Un autre aspect intéressant de ces récits légendaires, à l'instar de toute la mythologie ou des contes de fées, est l'extrême violence qu'ils recèlent. La mort d'Hector, dont le corps est ensuite traîné à un char douze jours durant sous les remparts de Troie pour humilier sa famille fait irrésistiblement penser aux cadavres calcinés de soldats américains que des miliciens somaliens tractaient avec leur technical devant les caméras de télévision du monde entier. En tout cas, entre massacres et tortures sophistiquées, l'Iliade et l'Odyssée ne sont guère moins violentes que nombre de jeux vidéo accusés d'abolir toute distance critique chez les djeuns. A vrai dire, la lecture d'Homère devrait même être réservée aux seuls high scores à Grand Theft Auto.


Les images qu'Alice et Martin Provensen ont ouvragées pour cette édition s'efforcent de styliser cette violence sans pour autant l'évacuer ni vraiment l'édulcorer. Et elles contribuent ainsi grandement à éveiller la curiosité du lecteur pour l'histoire. J'adore ce style très années 50 qui puise néanmoins aux sources de la peinture grecque et autres potiches antiques. Leurs illustrations sont encore à ce jours parmi les meilleures qui aient été réalisées pour ces titres pourtant souvent republiés, retraités, maltraités. Pour autant que je sache, une seule réédition de L'Iliade et l'Odyssée des Provensen a eu lieu, en 2008, et en teuton !

6 commentaires:

Li-An a dit…

Dan Simmons (un fameux auteur SF/fantastique) a écrit deux romans très chiants soi-disant SF mais avec une partie qui s'insère et qui raconte la Guerre de Troie (Gods inside) de manière très réaliste en partant des textes. C'est la partie la plus intéressante du bouquin et c'est assez gore en effet. Faut dire qu'à l'époque on ne balançait pas un missile dans la tête, on se tapait dessus au corps à corps (cf. la très bonne scène de bataille de Gladiator en début de film).

l'inegalable vivie a dit…

en 6éme , on doit partir des légendes , dont celle ci pour montrer le mode de "vie" grec et ses valeurs , tout ne les confrontant avec d'autres sources.

ça peut encore changer avant que bibounette n'en arrive là; l"etude doit être aussi approchée en français dans le cadre "des textes fondateurs".

Totoche Tannenen a dit…

Les illustrations réalisées par Jean-Marc Rochette pour L'Odyssée d'Homère (chez Albin Michel) sont également somptueuses.

Hobopok a dit…

Faudra nous montrer ça un jour.

Sten a dit…

Cette edition de l'Iliade et l'Odyséée fut mon livre de chevet en 1964 ou 65, et je me rapelle raconter lors de la récréation, raconter ce que j'avais lu la veille à mon meilleur ami de l'époque. C'est resté un chef d'oeuvre graphique de A et M Provensen, le texte, quoiqu'excellent, mériterait d'être revu pour les être mieux reçu aujourd'hui...

Hobopok a dit…

Penser que la haute teneur littéraire du texte de l'époque ne peut plus être reçue par la jeunesse d'aujourd'hui accréditerait l'idée mille fois entendue et toujours débattue que "le niveau baisse". Peut-être ben que oui, peut-être ben que non. En tout cas les images gardent effectivement une force d'évocation particulièrement impressionnante, dont seule la maquette sur deux pages m'aura empêché d'en scanner les meilleurs exemples, comme le cyclope, ou Circé.