Ça n'est plus l'amusante et exotique scission de la Tchécoslovaquie, au lendemain de la révolution de velours, qui avait suscité à peu près autant d'intérêt qu'un crêpage de chignon entre Bela Lugosi et Boris Karloff, péripétie aussi virtuelle qu'un incident de frontière entre la Syldavie et la Bordurie. Cette fois (une de plus, faut-t-il bien concéder à ceux qui n'y voient pas matière à s'alarmer outre mesure), c'est l'un des membres fondateurs de l'Union européenne, qui abrite d'ailleurs dans la capitale les plus importantes institutions communautaires, qui s'apprête dans un moment de rage autodestructrice à se découper suivant les pointillés. La Belgique vacille.
Le prétexte au conflit actuel, c'est l'arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde, BHV pour les intimes. Une anomalie administrative qui unit dans une même circonscription judiciaire et électorale des territoires de deux provinces distinctes, le Brabant flamand et Bruxelles, rattachés à deux régions fédérales et linguistiques différentes, la Flandre flamingante et la bilingue Bruxelles-capitale. L'énoncé suffit à donner une idée de la complexité un rien surréaliste du mille-feuilles institutionnel belge. Le bon sens demanderait en effet la scission de ce BHV, pour que toute l'administration soit faite en Flandre par les Flamands et à Bruxelles par les Bruxellois. Sauf que toutes les bornes du bon sens ayant été franchies depuis longtemps, accéder à cette revendication des nationalistes flamands, pas si idiote en apparence, reviendrait de facto dans le climat d'intégrisme culturel actuel à transformer tout francophone vivant au delà des limites de la frontière linguistique, comme c'est le cas dans une vaste banlieue bruxelloise, en paria indésirable, en citoyen de seconde zone. En clair, les nationalistes flamands s'asseoient avec une belle impudence sur le droit européen à la libre circulation des personnes.
La Belgique de TF1, sans aucun doute.
Voilà qui augure bien, en cas de scission de la Belgique, de la fraîcheur démocratique de nouvelles nations appelées à s'asseoir dès le lendemain côte à côte autour de la table de l'Union européenne. Nulle part ailleurs qu'à Bruxelles, au demeurant ! Il est assez piquant d'imaginer les frères ennemis flamands et wallons qui la veille s'entredéchiraient au sein d'institutions nationales belges, condamnés à s'entendre dès le lendemain quelques centaines de mètres plus loin dans les cénacles européens. On n'en sera plus à un paradoxe près.
L'Union européenne, qu'on imagine rester volontiers impuissante, comme c'est sa spécialité, devant le spectacle du suicide belge, risque fort de se retrouver à devoir gérer l'ingérable en héritant du dossier de Bruxelles, la capitale, option fréquemment avancée, devenant district européen pour échapper à la convoitise des uns et des autres. Comptons sur Barroso pour régler le problème avec autant d'habileté que la crise financière grecque. Bon courage aux Bruxellois.
Parmi les conséquences fâcheuses de la disparition de l'Etat belge serait l'apparition d'une Flandre indépendante, revancharde, nationaliste, et qui abrite, les derniers scrutins faisant foi, un nombre affolant de crypto-nazis, pas spécialement adeptes de l'Hymne à la joie.
Le plus catastrophique, c'est le signal qui serait envoyé au reste de l'Europe et au monde, autrement plus grave que lors de l'épisode tchécoslovaque, sous-produit de la décomposition du communisme. Un signal disant que les Européens sont incapables de vivre ensemble, incapables de régler des problèmes politiques et institutionnels graves, un signal soulignant la ridicule faiblesse des institutions européennes elles-mêmes. Un signal enfin qui appellera tous les régionalistes bornés du continent à suivre les traces de la Flandre, en Italie du Nord, en Catalogne, en Corse, en Ecosse, en Bavière peut-être un jour... donnant le signal d'un morcellement national suicidaire, que l'Union européenne, on le voit quotidiennement, sera bien en peine de compenser.
En attendant, rions un peu en nous remémorant la devise de la Belgique : l'union fait la force.
6 mai 2010
La belgitude des choses
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2 commentaires:
Ça plus la crise grecque, on ne peut pas dire que l'Europe se sente bien... D'un autre côté, il fallait peut-être une bonne crise majeure pour que les gens commencent à réfléchir à ce qu'ils veulent réellement (et pas seulement remplir leur caddie le samedi à Auchan/Carrefour/Leclerc).
Mais que voulons-nous sinon des bières belges au supermarché ?
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