Brassens ou la liberté, exposition à la Cité de la musique de la Villette à Paris jusqu'au 21 août.
Tellement j'ai le bras long dans l'élite des milieux culturels parisiens, que je faisais partie des VIP invités à se goberger d'onéreux petits fours au vernissage de la nouvelle expo temporaire à sensation de la Cité de la musique. La foule compacte se pressant devant les cimaises avec l'enthousiasme d'un lâcher de neutrons à Fukushima, il fut bien difficile de distinguer calmement tout l'intérêt des pièces présentées, ou de disputer un casque audio à la meute pour goûter méditativement les extraits musicaux offerts à nos oreilles. Tout laisse à penser toutefois que la collection rassemblée à la vue du public, incluant certains documents privés oubliés et retrouvés miraculeusement lors de l'élaboration de l'exposition a tout pour ravir les fans de Georges, dont je ne suis pas loin de faire partie, en dépit de mon assez large ignorance de pans entiers de son œuvre comme de sa vie. Une lacune que je comblerai peut-être en retournant malgré tout visiter l'expo aux heures creuses.
Margré tout, dis-je, car il faut bien avouer que cette exposition, officiellement consacrée à Brassens, et dirigée par un duo de commissaires, semble du début à la fin hurler le nom du second d'entre eux de façon assourdissante : Sfar ! Sfar ! SFAR ! SFAR !!! Pas un objet, pas une pièce présentée, qui ne souffre la présence d'un envahissant dispositif graphique signé Sfar, dans le but évident de les reléguer au second plan.
Plus dérangeant encore, on voit accrochés sous cadres des tirages numériques de dessins de Joann Sfar, pas même identifiés comme tels, mêlés à des documents originaux, photographies, textes, pages de carnets, pochettes de disques, estampillés Brassens. Des dessins issus de pas moins de deux ouvrages que Sfar publie opportunément et simultanément chez Dargaud et Gallimard. On en retire parfois l'impression étrange que l'exposition est conçue comme un dispositif publicitaire pour ces parutions.
Il ne manque que le son.
On se demande si les initiateurs de l'exposition à la Cité de la musique ont pu un instant escompter que la rencontre de Sfar et Brassens allait produire des étincelles, et que le talent de narrateur graphique du premier s'effacerait derrière l'œuvre du second. De ce côté là, c'est raté. On les soupçonne plus volontiers d'avoir fait appel au dessinateur comme on s'associerait à une marque, espérant qu'un petit peu de la gloire de Sfar rejaillirait sur Brassens, pour en retirer des bénéfices en termes de retombées médiatiques et de fréquentation, objectifs un peu commerciaux pour une institution publique pourrait-on faire mine de s'étonner. Pour ça ils n'ont pas dû être déçus, tant le résultat dépasse leurs plus folles espérances : une exposition Sfar avec des petits morceaux de Brassens dedans, encensée par la presse unanime, étalage d'immodestie qui confine à l'obscénité, et plonge le visiteur dans un malaise qui, lui, confine à la nausée.
Après avoir phagocyté au service de son immensité des génies (ou supposés tels) patentés officiellement consensuels non segmentants comme Gainsbourg, Saint-Exupéry, Chagall, on se demande qui Sfar va bien pouvoir ajouter à la liste croissante de ses défunts faire-valoir. Peut-être même que s'ils ne mouraient plus, Sfar crèverait de faim sur son talus.
21 mars 2011
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6 commentaires:
Il est curieusement peu présents dans les médias mais peut-être ai-je de la chance(Stéphane Bern semblait être tombé amoureux de l'autre commissaire de l'expo).
Même pas dans Télérama ?
Je crois que Li-An a raison : il semble que Joann ait d'autres chats à fouetter en ce moment.
"il fut bien difficile de distinguer calmement tout l'intérêt des pièces présentées" : je suppose que tu veux parler des petits fours ?
On peut voter sur le Comix Pouf pour la prochaine expo :
http://comixpouf.blogspot.com/2011/03/qui-sera-la-prochaine-victime-de-joann.html
Mike Brant mène.
Je confirme mon cher Li-an : ce cher Joann n'est venu dans "vivement dimanche" que pour caresser Enrico dans le bon sens de la moumoute, et pas du tout pour son auto-promo.
Joann et moi on se rejoint, l'opportunisme c'est vraiment pas notre truc, hein Joann ?
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