23 mai 2013

Le procès

Hannah Arendt de Margarethe von Trotta.

Comment perdre ses amis et s'aliéner les gens. Au début des années 60, Hannah Arendt, philosophe respectée, Juive d'origine allemande, est envoyée par le New Yorker à Jérusalem pour y couvrir le procès du nazi Eichmann. Son point de vue, exposant le concept de "banalité du mal", défrise l'intelligentsia new-yorkaise et pas mal de Juifs du monde entier.

D'une facture absolument classique, pour ne pas dire académique, ce film n'est pas dénué de mérite pour autant. On y voit comment la bigoterie et l'intolérance vont se nicher derrière le paravent de la bien-pensance la mieux partagée. En célébrant une figure controversée, hier comme encore aujourd'hui, von Trotta montre surtout le courage intellectuel d'une femme décidée à penser en toute indépendance quoi qu'il lui en coûte. Parmi ses détracteurs, qui lui reprochèrent notamment de trahir son sang par une posture supposée de juive antisioniste et antisémite, bien peu avaient lu le livre incriminé, et encore moins les milliers de pages de procès-verbal du procès Eichmann, qu'Arendt avait été l'une des seules à s'enfiler en intégralité. Le film montre ce qui ressemble à l'équivalent moderne d'un procès en sorcellerie, où, sans le dire, on reproche aussi à Arendt sa fidélité à Heidegger, le philosophe qui s'était compromis avec le nazisme, dont elle était l'ancienne disciple et amante, et qu'elle n'avait jamais renié.

Au milieu de ce biopic émouvant, on retiendra cette scène d'une simplicité éloquente : Arendt est chez elle, téléphone coupé, à l'abri du tumulte, couchée de tout son long sur son sofa, les yeux mi-clos, laissant la cendre grignoter la cigarette qu'elle tient au bout de ses doigts, elle réfléchit. Voilà la pensée en action.

Crash-test :

Aucun commentaire: