Le ruban blanc de Michael Haneke.
Quelque chose de pourri dans l'empire d'Allemagne. A la veille du premier conflit mondial, des actes de malveillance puis des crimes mettent à mal l'ordre social établi d'un petit village agricole pieusement protestant d'Allemagne orientale, révélant une société qui étouffe dans un carcan moral, n'attendant plus que d'être emportée par la guerre.
Moins percutant, moins suffocant, peut-être, que d'autres films d'Haneke que j'ai vus (Benny's Video et Funny Games), mais plus touffu, plus ambitieux, et toujours déroutant, ce Ruban blanc va remuer plus d'un spectateur avec son évocation à la fois habile et implacable et désolante d'une communauté humaine minée par la répression politique, sociale, religieuse, sexuelle, conduisant, comme c'est curieux, à des rapports humains extrêmement violents, en verbe comme en actes, terreau de déviances criminelles. Cette radiographie de groupe, pénétrant le corps social jusqu'à la moëlle, est absolument glaçante, d'autant plus qu'Haneke construit son récit patiemment, faisant interagir nombre de personnages, laissant son sujet se dévoiler petit à petit au fur et à mesure que les spectateurs identifient les enjeux au sein du microcosme villageois.
Le réalisateur est servi par des interprètes exceptionnels, à commencer par tous les enfants. Et pour que des enfants jouent aussi juste, il faut un très grand réalisateur / directeur d'acteurs. Le choix d'un noir et blanc magnifique s'avère aussi particulièrement intelligent, dans la mesure où il rend plus inhumaine l'humanité présentée, et fait affleurer au premier plan l'affect des personnages, reléguant au second plan l'aspect plus anecdotique de la reconstitution d'une époque au demeurant fort réussie et paradoxalement réaliste.
Au total, on ressort du film avec davantage de questions que de réponses, persuadé d'avoir assisté à un spectacle d'autant plus dérangeant que son propos non conventionnel va infuser durablement. Si le sujet est bien campé dans la période historique précise de l'avant-guerre dans le contexte encore féodal de l'Allemagne orientale, il va de soi que ce miroir déformant est tendu à notre époque, à nos sociétés, et que cette réflexion est éminemment salutaire.
Crash-test :
23 novembre 2009
Un village allemand
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5 commentaires:
Tout a fait d'accord.
le film m'a beaucoup marquée.
C'est vrai qu'on y repense plus que la moyenne.
Ce n'est pas plus mal parfois , plutôt que de présenter des réponses plus ou moins convenues , que de poser des questions.
Pour funny games" , d'après ce que l'on m'a dit , je crois que je vais éviter.
J'ai beaucoup aimé Funny Games mais ça secoue.
D'un autre côté, les gens qui élèvent leurs enfants comme ça n'iront jamais voir le film et surtout... qui élève encore son enfant comme ça ?
À l'heure où on propose une loi pour interdire la fessée, je me demande si faire un film sur les dangers de l'autorité n'est pas légèrement en retard d'un train (hum, humour douteux). Mais bon, c'est vrai qu'Hanecke a aussi traité nos sociétés contemporaines. Je n'ai vu aucun de ses films, pas trop le courage.
Je crois que le film est moins sur l'éducation des enfants que sur ce que tu appelles les dangers de l'autorité, et ça, il n'y aura jamais trop de films pour le rappeler. Mais même là, ça ne se limite pas à ça, il est question de morale, d'ordre social, de répression (ce qui n'est pas strictement équivalent à l'autorité qui peut tout à fait être consentie).
d'accord avec hobopok.
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