23 juin 2010

Schadenfreude

Les étudiants en psychologie connaissent bien ce terme allemand, Schadenfreude, la "joie des dégâts", qui désigne le plaisir paradoxal qu'on peut prendre à contempler un champ de ruines, c'est à dire tirer une satisfaction, nécessairement malsaine, du malheur des autres. Ou pourquoi pas du sien, si, quand on est un tant soi peu supporter, on accepte de prendre un peu pour soi l'effondrement fracassant, dans d'insondables abîmes de ridicule, de l'équipe de France de football en Afrique du Sud.

Durant tout ce début de Coupe du monde, votre cyber gazette favorite, qui n'avait pas jusqu'ici fait grand mystère de la haute estime en laquelle elle tenait cette prétendue équipe, s'est abstenue de hurler avec les loups, afin de ne pas ajouter l'obscénité à la honte. Bien malin celui qui pourra démêler l'écheveau des responsabilités de cet amusant fiasco, entre la Fédération française de football, la direction technique nationale, le sélectionneur et ses sbires, et enfin les joueurs. Justement, on peut penser que ces joueurs ne sont ni pires ni meilleurs que ceux qui auraient pu être sélectionnés à leur place, et vraisemblablement ni pire ni meilleurs que ceux qui se gaussent d'eux dans les autres sélections, leurs partenaires dans les meilleurs clubs de France et d'Europe, les mêmes starlettes immatures à l'ego inversement proportionnel à leur talent. Dans les mêmes circonstances extrêmes, il y a fort à parier que tout autre groupe de joueurs aurait réagi de la même façon grotesquement extrême. Simplement, les vingt-trois Bleus en Afrique du Sud se sont trouvés au mauvais moment au mauvais endroit, là où aboutissait un processus de pourrissement de l'institution engagé depuis presque dix ans. Il n'y a pas lieu de les exonérer de leur manquements graves, il ne faudrait pas non plus les croire seuls coupables.


Avec l'élimination de l'équipe de la compétition, qui paraissait tout bien considéré comme l'option non seulement la plus probable mais aussi la plus souhaitable (Schadenfreude), tant on imaginait mal de devoir endurer encore une semaine ou davantage de psychodrame, on se dit qu'on a peut-être enfin touché le fond. Il ne faut pourtant jurer de rien, bien des désastres insoupçonnés peuvent encore accabler nos malheureux footballeurs et leurs garde-chiourmes, et nul ne sait ce qui peut ressortir de l'inévitable grand déballage où vont s'étriper les je-vous-l'avais-bien-dit et les y-a-qu'à-faut-qu'on. Un mal pour un bien, à condition que personne ne fuie ses responsabilités, ce qui semble assez mal parti.

Rassurons nous, le cataclysme n'est pas national, quoi qu'en disent les politiques que personne n'a invités à venir encombrer un tableau déjà chargé, et qui pourraient peut-être trouver d'autres chats à fouetter plus urgemment. Il n'y a pas mort d'homme. Les seules victimes connues sont ces gamins ayant grandi à Saint-Etienne dans les années 70, que les concerts de klaxons les soirs de victoire en coupe d'Europe empêchaient de s'endormir, qui voyaient gambader sur la pelouse du stade Geoffroy-Guichard des demi-dieux de la trempe de Rocheteau, Piazza, Curkovic, ou Platini, qui étaient encore à Saint-Denis dans les tribunes du Stade de France un certain 12 juillet 1998, et qui pour leur plus grand malheur, aiment encore le football sans espoir de retour.

9 commentaires:

Totoche Tannenen a dit…

"Quand les mouettes suivent le chalutier, etc".

Beau tacle d'Emmanuel Petit, ulcéré par les propos de Basile Boli et du journaliste de France 3.
De mémoire : "Effectivement, ça sent la merde mais pas que dans le football".

C'est la soupe à la grimace mon petit Jean-Krikri.

Li-An a dit…

Au moins on n'aura plus à subir Domenech et son "année extraordinaire".

Hobopok a dit…

Une année extraordinaire ? Laquelle exactement depuis six ans qu'il est en poste ?

Li-An a dit…

Il aurait déclaré qu'il aurait vécu une année "extraordinaire" avant de quitter les Bleus. C'est sûr que ça sort de l'ordinaire.

Hobopok a dit…

J'ai vu de bonnes choses. Y a du potentiel.

Hobopok a dit…

Un point de vue raisonné sur l'affaire :
http://www.cahiersdufootball.net/article.php?id=3678

badjack a dit…

Le comportement stupide de ces footballeurs d'opérette se prenant pour des starlettes n'aurait sans doute pas pu s'exprimer aussi brillamment s'ils n'avaient eu pour sélectionneur (depuis six ans!)un imposteur incompétent et pour président un papy dénué de toute autorité...

Hobopok a dit…

Un papy sans autorité qui avait le défaut de ne pas dépenser tout l'argent des cotisations en bouteilles de Romanée-Conti.

badjack a dit…

Certes. Tu as un peu raison. Si ses prédécesseurs lui avaient laissé un peu d'argent, il aurait pu payer à Domenech les indemnités de licenciement prévu dans son contrat en 2008, et nous ne serions pas à l'heure qu'il est supporters de l'équipe d'Espagne...