Catch 22 de Mike Nichols.
Vieux film de guerre, encore. Un film antimilitariste un peu tombé dans les oubliettes du cinéma, parce que sorti la même année que M*A*S*H de Robert Altman, qui avait tout raflé, succès public et succès critique. 1970, la guerre au Vietnam battait son plein, et les deux films en parlaient sans en parler en faisant mine de se référer à d'autres conflits. Sauf que Joseph Heller, l'auteur du roman éponyme qui sert de base au scénario de Catch 22, était un véritable vétéran de la deuxième guerre mondiale. Ah, si seulement George Herbert Bush avait pu se consacrer à la littérature... !Et donc le film nous raconte les mésaventures d'un bombardier (c'est à dire le gars chargé de larguer les bombes) dans une unité de bombardiers (les avions qui bombardent) stationnée en Italie en 1943-44. La quille se profile à l'horizon, mais le colonel qui commande l'escadrille augmente sans cesse le nombre de missions requis pour prétendre être relevé. Le capitaine Yossarian devient chèvre en cherchant à passer pour fou et contourner cette clause 22 (Catch 22) qui se résume en gros à ça : quoi que vous fassiez, vous êtes baisé. Chemin faisant, on s'aperçoit que tous ses amis officiers sont passablement ravagés eux aussi, que ses chefs sont ravagés et corrompus jusqu'à la moëlle, que les Italiens ne sont pas sortis de l'auberge non plus, et que la guerre est déjà privatisée au profit de firmes pas franchement moins fascisantes ni dangereuses que l'ennemi qu'il est supposé combattre. Ça ne vous rappelle rien ? Même si je dis Halliburton ?
On voit là un petit côté visionnaire, déjà présent dans le bouquin que j'avais lu étant djeun's. Alors pourquoi, malgré son casting éblouissant, Orson Welles, Marcel Dalio, Anthony Perkins, Martin Sheen, Jon Voight, Art Garfunkel, Charles Grodin, Bob Balaban, le film resta-t-il dans l'ombre de M*A*S*H ? La mise en scène de Mike Nichols n'est pas en défaut, qui alterne vivacité dans des scènes de dialogues délirants, et respirations dans des plans plus descriptifs qu'il sait laisser vivre en longueur, culminant dans une vision un peu fellinienne des rues de Rome libérée (occupée ?) la nuit. Sans parler de cette scène grandiose où la base est bombardée de nuit par ses propres bombardiers.
Il faut plutôt chercher la faille du côté de l'interprète principal, Alan Arkin, qui ne semble pas avoir su se hisser tout à fait à hauteur de la folie de son personnage, ni à lui donner cette dimension à la fois comique et désespérée qui est au cœur du film d'Altman. Je sais pas, Dustin Hoffman devait pas être libre.
Crash-test :
10 septembre 2008
La guerre vue du ciel
8 septembre 2008
Le petit pont de bois tout près
de la rivière
Le pont de la rivière Kwai de David Lean.
C'est après avoir lu le bouquin de Ronald Searle que je me suis dit qu'il fallait à tout prix que je revoie le film mythique de David Lean. Et quand je dis "revoie", c'est plutôt "voie" parce que j'en ai pas vraiment souvenir, jamais vu en salle, peut-être entraperçu gamin à la télé. C'est chose faite en vidéo grâce aux autoroutes de l'information. Enfin je me comprends.Un très bon film qui a bien vieilli, technicolor, bravoure héroïsme, pratiquement pas une gonzesse en vue (ah, si, tout de même, une blondasse infirmière en maillot de bain à Colombo, et une brochette de top-models thais en guise de sherpas...), avec un sens aigu de la mise en scène. Plans larges, mouvements de foules, scènes d'action, le lâche qui retrouve son courage, sens du sacrifice, de l'honneur, le planqué qui se rachète, scènes intimistes et échanges philosophiques, quand deux mondes se croisent sans se comprendre. Le menu est riche. Et on ne s'ennuie pas une seule minute le long des deux heures et quelque de pellicule.
Première partie : un nouveau bataillon arrive au camp de construction, mené par le colonel Nicholson, anglais jusqu'au bout des moustaches. La partie la plus intéressante du film : risquant sa propre vie (et accessoirement celle de ses hommes qui ne lui en voudront pas pour si peu), Nicholson s'oppose frontalement à Saito, le colonel japonais à peine moins maboul qui commande le camp. Jeu de pouvoir, rapport de force. C'est Furyo, sans la salade d'orchidées. On comprend bien que les pauvres prisonniers anglais en bavent des ronds de chapeau, mais, limites de la recréation hollywoodienne, ils sont tous gras comme des loukoums, assez loin des dessins de Searle, et la maladie la plus grave dont il souffrent semble être la flemmingite.
Deuxième partie, film de guerre plus conventionnel : l'opération commando à travers la jungle pour faire péter le pont et son train inaugural, au grand dam de Nicholson qui, trop content du chouette pont qu'il a construit à la sueur de ses soldats, voudrait empêcher sa destruction. Faisant ainsi le jeu des Japonais, il ne comprend son incroyable vanité que lorsqu'il s'effondre mort sur le détonateur. A la fin, ils font tout péter, pour rendre à la rivière son vieil air d'autrefois. Dernières paroles prononcées par l'aumônier constatant les dégâts : "la folie, la folie". J'entends comme en écho "l'horreur, l'horreur", dans une autre jungle dans une autre guerre.
Ou alors c'est Pierre Boulle qui a pompé Conrad (note à Totoche : Joseph, pas Didier). Pierre Boulle, l'auteur français du best-seller mondial qui a servi de base au film, gagna l'Oscar® de la meilleure adaptation, alors qu'il n'entravait pas un traître mot d'anglais. Allez comprendre. Ben je vous explique : 1957, chasse aux sorcières, les scénaristes Michael Wilson et Carl Foreman, blacklistés, ne récupéreront leur Oscar® qu'après leur mort genre vingt ans après. C'est moche.
Enfin pour la fameuse musique, la Marche du colonel Bogey, que les soldats sifflotent en travaillant et en en bavant des ronds de chapeau pour narguer leurs geôliers, Lean aurait voulu conserver les paroles satiriques qui faisaient bien rigoler les bidasses de la seconde guerre mondiale : "Hitler has only got one ball" ("Hitler n'a qu'une seule roubignolle"). A quoi le producteur Sam Spiegel rétorqua que c'était pas avec ça qu'il allait gagner l'Oscar®. Avec le recul, comment lui donner tort ? Grâce à lui, on a échappé à La grande vadrouille.
Crash-test :
6 septembre 2008
Auf Wiedersehen Südafrika
Autriche 3 - 1 France.
Dommage que le football ne se décide pas sur une note artistique, car la France avait marqué le plus beau but de la soirée, avec ce petit solo de Govou dans la surface autrichienne. Malheureusement, dans le même temps, l'Autriche, cent-unième mondiale au classement Fifa, a planté trois buts imparables sur coups de pied arrêtés, et surtout fait la démonstration que le football est un sport d'équipe et que onze pusillanimes présumées vedettes courant comme des poulets sans tête ne peuvent rien contre onze gaillards inférieurs techniquement mais plein d'envie, de courage, et jouant comme un seul homme en respectant les consignes d'un entraîneur madré comme pas deux, le Tchèque Karel Brückner, condensé de Mitteleuropa à lui tout seul.
Parmi les joueurs français presque tous incapables, mention spéciale à Philippe Mexès, fameuse grande gueule qui venait de reconquérir une place en bleu à coups de déclarations médiatiques : après avoir marqué contre son camp, le défenseur a multiplié les fautes dans les deux surfaces, gâchant des ballons d'attaque, et finissant, cerise sur la Sachertorte, par offrir un pénalty à des Autrichiens épuisés qui n'en demandaient pas tant. Mais je salue aussi Thierry Henry, qui a dû croire que le rôle de capitaine consiste à essayer n'importe quoi dès qu'il a le ballon pour le rendre à l'adversaire, sans que personne ait les couilles de lui dire quoi que ce soit. Vu comme ça, alors bien sûr.Clickt um zu vergrößern.
Mais qui aimerait après ce match être dans les souliers de Raymond Calbuth ? Euh, non, pas Calbuth, Domenech. Le président de la Fédération française de football, Jean-Pierre Escalettes ? Parmi les 64 millions de sélectionneurs que compte la France, il lui a fallu retenir le seul qui avait fait la preuve de son inaptitude totale à occuper le poste. L'électrochoc de l'incroyable maintien en fonctions du principal responsable du cuisant échec de l'Euro n'a visiblement pas eu lieu. L'heure est venue de dire que je vous l'avais bien dit. Même si Florent Malouda n'a pas participé à la fête. Ah là, vraiment, qui aurait pu s'en douter ?
L'équipe de France a de gros sourcils à se faire. Vous saisissez ? De gros sourcils. Un peu comme Raymond.
5 septembre 2008
Mets ta cagoule !
30 août 2008
Le vert et le noir
A quelques heures du derby Saint-Etienne / Lyon, on connaît déjà le nom de l'homme du match : Frédéric Piquionne. Après un détour malencontreux par l'Association Sportive de Monaco, l'ancien attaquant des Verts a été recruté par l'éternel rival lyonnais, ennemi supposé héréditaire. Voilà qui lui promet une chaude réception dans le Chaudron stéphanois de Geoffroy-Guichard, et pour une fois pas totalement imméritée, à l'heure où les footballeurs ont pourtant bien le doit de faire leur vie où bon leur semble. C'est que l'histoire vaut son pesant de rhum arrangé.
L'ASSE avait été chercher le Martiniquais, natif de Nouméa (il est fils de gendarme...), à Rennes, où il végétait passablement. Il explose alors sous le maillot vert, plante but sur but, on commence à parler de lui pour la sélection. Décembre 2006, à quelques jours justement d'un derby, le délicat Jean-Michel Aulas, président de l'OL, le contacte pour lui agiter son gros chéquier sous le nez. L'ASSE flaire un peu comme qui dirait une manœuvre grossière bien dans la manière du délicat Aulas, et fait savoir qu'il n'est pas question que Piquionne change de maillot, et surtout pas à ce moment, et surtout pas en faveur de Lyon, non mais des fois, faudrait voir tout de même à pas pousser.
Là-dessus, Piquionne se braque, pète un câble et se laisse aller à de surprenantes digressions sur les dirigeants stéphanois : "Ils m'ont pris pour un moins que rien, dit que je n'avais pas mon mot à dire, que j'étais sous contrat, alors que j'étais l'esclave du club. S'ils continuent à me traiter comme un esclave, je ne me laisserai pas faire. Je suis peut-être noir mais pas un esclave", propos tout en finesse reproduits dans le quotidien local La Tribune - Le Progrès en janvier 2007. Un esclave à 80 000 € mensuels à l'époque, tout de même. C'est à dire un peu mieux que 40 arpents et une mule pour solde de tout compte. A noter que malgré son immense peine, Piquionne n'a pas mis à exécution ses menaces d'arrêter le football pour rentrer en Martinique (où l'attendait sans doute un emploi de secrétaire particulier d'Aimé Césaire).La récolte de la canne dans les colonies.
L'ASSE ne pouvant pas décemment accéder à un ultimatum si élégamment formulé, et un peu à cours de canne à sucre à couper dans le Forez, l'envoya soigner ses blessures infligées par ses chaînes dans la principauté de Monaco, célèbre terre d'asile pour opprimés. Objectif atteint pour l'OL : Saint-Etienne finit la saison privé d'un de ses meilleurs joueurs. Deux ans après, Aulas rachète l'esclave du football à Monaco à prix bradé. Chapeau l'artiste.
Ce genre d'affaire de trafic humain est trop grave pour que le gouvernement ne s'en saisisse pas. Je vais devoir mettre Bernard Laporte en rapport avec Rama Yade.
26 août 2008
Zapiro
Un petit coup d'œil de l'autre côté de la planète, pas au pays des kangourous, mais celui des springboks, de la nation arc-en-ciel, de la criminalité galopante, des prix Nobel de la paix à la louche, des mines d'or et de diamants, et des coureurs montés sur lames de carbone, vous avez reconnu, bien sûr, l'Afrique du Sud. Et c'est Zapiro qui se charge de dresser le tableau.
A tout juste cinquante ans, Zapiro s'est imposé comme le plus percutant des dessinateurs de presse sudafs, assez pour voir son travail repris internationalement en Angleterre, aux Etats-Unis et même en France (Courrier International). D'immigration européenne récente (je crois que ses parents sont nés en Lithuanie), Zapiro a traversé aux premières loges l'histoire récente de son pays : appelé sous les drapeaux à l'époque où l'armée fait la police dans les townships (sans parler de la guerre en Angola), il devient militant de la campagne anti-conscription, source principale de contestation des blancs. Il a le temps de goûter un peu de cachot avant de passer trois ans aux Etats-Unis à la Visual Scool of Arts de New-York où ses profs se nomment Spiegelman, Eisner ou Kurtzman.
Du coup, entre sa sensibilité personnelle et sa formation graphique, Zapiro développe un œil particulièrement acéré pour retranscrire en dessin tous les mouvements qui traversent la société sud-africaine. Sans compter un don naturel pour la caricature. A son retour au pays, on le retrouve bien vite tant dans le quotidien The Sowetan (presse "noire") que dans l'hebdo The Mail&Guardian (presse "libérale").
Tout au plus pourrait-on lui reprocher d'abuser un peu de l'artifice éculé car un peu faizantesque des personnages "étiquetés", genre le nom sur une mallette, ou un gros monstre saurien marqué "dette", etc... En attendant, son boulot donne un merveilleux aperçu de l'Afrique du Sud d'aujourd'hui.
Et pour finir, un dernier dessin en hommage à Don Martin, dont nous aurons sans doute l'occasion de reparler ici-même.
Davantage encore sur son site officiel ou sur sa page du Mail&Guardian.
21 août 2008
La pouffe et le pantin
La fille de Monaco d'Anne Fontaine.
Eros et Thanatos sur fond de principauté. A Monaco pour un procès criminel, un avocat parisien de renom tombe raide dingue amoureux d'une jeune et exubérante présentatrice de météo de mœurs légères et aux jupettes flashy ras la touffe. Le garde du corps de l'avocat veille au grain.On est pas loin du triangle amoureux dans ce film écrit et réalisé avec pas mal de subtilité, et bien servi par ses interprètes, Fabrice Luchini, Roschdy Zem, et pour la première fois sur grand écran, Louise Bourgoin, la véritable et sculpturale miss météo de Canal. Surprise, elle se révèle une comédienne particulièrement convaincante et juste. On a aussi le plaisir de revoir Stéphane Audran, moins sculpturale que par le passé, légèrement retapée, mais bon. Et j'ajouterai Gilles Cohen, second couteau du cinéma français, dont la gueule pas possible gagnerait à être reconnue.
Anne Fontaine, à la ville compagne de Luchini, ne se contente pas d'une banale affaire de mœurs, ni d'une opposition de personnages antinomiques. Sous un emballage d'humour acide, elle aborde sans avoir l'air d'y toucher des thèmes plus profonds comme le désir, la sexualité, et le pouvoir qui y est associé. Dommage qu'elle ait un peu moins bien su conclure le film, en retombant sur le plan d'ouverture comme si une boucle avait été bouclée, alors que pas du tout.
Ça ne vaut peut-être pas une Palme d'or à Cannes, mais sans problème un Grand-prix de Monaco.
Crash-test :
20 août 2008
Le clochard de Beverly Hills
Hancock de Peter Berg.
Super-héros à la petite semaine. C'est typiquement le genre de film où tout ce qu'il y avait d'intéressant ou de drôle était dans la bande-annonce, ce qui laisse imaginer la vacuité du long-métrage. Hancock est un super héros déchu, ivrogne clochardisé, causant autant de dégâts qu'il redresse de torts. Mais voilà, il croise la route d'un spécialiste des relations publiques et de la gestion d'image qui va le prendre en main et le remettre sur le droit chemin. Tous les ingrédients pour faire un film drôle, parodique, avec une bonne charge de satire sociale.
Et là, c'est le drame. Au lieu d'exploiter toutes les bonnes pistes contenues dans le synopsis, le scénario s'embrouille à nous présenter une autre super-héroïne concurrente d'Hancock, avec qui il doit se battre pour s'accepter lui-même, et tout finit par rentrer dans l'ordre, l'amour triomphe. Exactement le genre de niaiseries qu'il fallait laisser aux films de super-héros qui se prennent au sérieux. Non seulement ça finit par nous raconter rien du tout, mais en plus ça le fait sans beaucoup d'humour et avec des effets spéciaux particulièrement indigents.
Will Smith qui coproduit tous ses films a visiblement super raté une super marche.
Crash-test :
19 août 2008
Pour un monde meilleur
Jeux olympiques obligent, voilà deux fois cette semaine que cette histoire idiote parvient à mes oreilles, colportée de toute bonne foi par deux interlocuteurs différents : David Douillet s'est fait gauler en excès de vitesse à plus de 200 km/h au volant d'un Porsche Cayenne flambant neuf, et la carte grise du luxueux 4x4 était au nom de l'opération Pièces jaunes. L'histoire circule par bouche à oreille, et plus vite encore sur internet.
J'ai immédiatement haussé les épaules et dûment chapitré mes interlocuteurs inconséquents pour colporter sans réfléchir des rumeurs aussi imbéciles. Ça dépasse un peu le strict cadre de la légende urbaine, en attaquant une figure publique, et avec des relents de populisme assez déplaisants. Je suis encore sidéré de la puissance que recèle internet en la matière : l'outil de communication le plus perfectionné se met au service des manifestations les plus détestables de l'ignorance alliée à la bêtise. On en déduit qu'internet, que la technologie, ne sont par eux-mêmes porteurs d'aucune qualité ni bonne ni mauvaise, mais ne sont qu'un prolongement de l'esprit de leurs utilisateurs humains, bons ou mauvais. Je suis encore sidéré de continuer de recevoir périodiquement, transmis par d'honorables correspondants, des imels pour financer l'opération de chtis nenfants uruguayens, pour transférer les milliards de Bill Gates sur mon compte en banque, et autres âneries. Si quelqu'un a encore un doute, se renseigner ici.
D'ailleurs, pendant qu'on y est, Douillet, on le voit beaucoup à la télé en ce moment. Il fait de la pub pour des gros brownies pourris de la marque Brossard, sponsor officiel de l'équipe de France olympique. Et ça ça me tue, que des sportifs prêtent leur image de supers gars en bonne santé à des spécialistes de la malbouffe. Il a des fins de mois difficiles, Douillet ? Ou il a juste pas de conscience, comme Thierry Henry pour Pepsi ou en son temps Fabien Barthez pour McDo ?
S'il a besoin de pognon, il peut toujours revendre le Cayenne. Celui des Pièces jaunes.
17 août 2008
La ruée vers l'or
Qu'est-ce que c'est que ces gens qui ne sont même plus fichus de compter jusqu'à dix secondes ? Le Jamaïcain Usain Bolt a remporté la finale du 100 mètres olympique, pulvérisant au passage son propre record du monde en 9'69", avec quelques belles longueurs d'avance sur ses plus proches poursuivants. Fallait entendre les commentaires égosillés des journalistes qui en avalaient leur micro, jamais un homme n'avait couru aussi vite, nom d'un petit mandarin ! Et encore, à 30 mètres de l'arrivée, fin sûr d'avoir gagné, le gars Usain avait déjà coupé le moteur, sorti les aérofreins, et brassait l'air à grands moulinets de bras en signe de liesse. Aurait-il continué à galoper encore un peu qu'il serait arrivé avant d'être parti. Exploit, prodige, prière de s'extasier.
Du coup on nous explique doctement, pour mieux faire passer la pilule, que les meilleurs spécialistes se sont ravisés et estimeraient les limites du corps humain repoussées à un possible 9'50" pour 100 mètres. Mais bien sûr.
Après ces torrents de dithyrambes, après cette célébration des héros servie orgiaquement à des milliards de téléspectateurs, je me demande surtout combien de temps il faudra pour qu'on nous révèle que ces messieurs étaient chargés à bloc. Quelques jours comme pour Ben Johnson ? Quelques années comme pour Marion Jones ?
Achille des temps modernes, Usain Bolt paiera-t-il sa gloire éphémère d'une mort prématurée et mystérieuse comme celle de Florence Griffith-Joyner ? N'y aura-t-il plus alors que quelques chiens pour suivre son convoi funèbre ? Je vois le mal partout.