La vida loca de Christian Poveda.
Voir San Salvador et mourir. Dans une banlieue pourrie de la capitale salvadorienne, où seules prospèrent les entreprises de pompes funèbres, la vie trop brève d'un groupe de jeunes gens et jeunes filles membres d'une fraternité criminelle, la mara 18, au rythme des enterrements, des rafles de police, des règlements de compte.
C'est un peu comme un film d'horreur, sauf que tout est vrai dans ce pendant documentaire de la fiction italienne Gomorra. On hallucine à chaque scène, presque à chaque plan, des risques insensés qu'a pris le réalisateur pour tourner aussi près de ces gamins dont le plus âgés a vint-six ans (autant dire un ancêtre dans ce milieu très éphémère), mais aussi des forces de police, de l'appareil judiciaire, dans les prisons. Des risques tellement insensés que Poveda en est mort, abondamment fusillé peu après le tournage, sans qu'on sache très bien si ses assassins étaient des membres de la 18, d'un gang ennemi, ou quelque autre critique cinématographique à la gâchette susceptible.
On aurait un peu mauvaise grâce, du coup, à aller chercher des poux à cette téméraire œuvre posthume. On préfère en louer la grande proximité avec ces personnages aux vies heurtées, rebuts sociaux sans espoir, qui trouvent un semblant de solidarité dans la nouvelle famille du gang, ou encore l'ironie qui juxtapose à chaque enterrement le rituel de la mara, prônant loyauté absolue et vengeance, et le sermon du pasteur évangéliste prêchant dans un désert surpeuplé d'assassins ses notions un peu exotiques de pardon et d'amour. Le pompon revient d'ailleurs a une scène d'une obscénité assumée : des évangélistes étasuniens prêchant la rédemption par le Christ à des détenus. Ce sont les mêmes WASPs blondinets, ici couverts de coups de soleil, intégristes fous de Dieu, qui soutenaient qui vous savez à Washington, dont la politique latino-américaine visait ni plus ni moins à maintenir le Salvador et toutes les nations au sud du Rio Grande dans un état de sujétion politique et économique propice à l'épanouissement des maras. Un peu comme si un barman vous narguait en vous exhortant à la tempérance tout en vous resservant votre dixième tequila.
Si le film a la violence pour sujet, il réussit à en parler beaucoup en en montrant très peu. On imagine très bien d'ailleurs que le gang n'a accepté le tournage qu'à condition qu'un voile pudique soit jeté sur ses activités rémunératrices : trafics divers, enlèvements, extorsion. On ne devine d'ailleurs pas très bien si la petite boulangerie exploitée par les jeunes tatoués est un vrai projet de réinsertion ou une simple couverture pour embrouiller la police. D'autant que le responsable finit par être embarqué pour meurtre. Une spécialité locale, apparemment.
Crash-test :
16 octobre 2009
La mauvaise vie
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