Tabou de Miguel Gomes.
Poussière d'empire. De nos jours à Lisbonne, une vieille dame gentiment raciste, abandonnée par sa fille unique, perd la boule et emmerde sa femme de ménage cap-verdienne et sa voisine. Après sa mort resurgit un homme, fantôme du passé, qui soulève le voile sur les tumultueuses jeunes années de la dame en Afrique, à l'époque d'une colonie qu'on devine être le Mozambique, juste avant l'indépendance.
Voilà un film qui ne s'offre pas facilement. La faute en est à une atmosphère lente, confinant parfois au hiératisme, soulignée par un noir et blanc magnifiquement photographié mais qui contribue à distancier le spectateur du spectacle sur l'écran. Ceci sied évidemment à décrire la vie d'une vieillarde qui ne s'échappe de son appartement que pour aller au casino, mais Gomes n'évite pas non plus certaines longueurs, même quand il laisse percer quelques pointes d'humour acide un peu absurde. Et quand on bascule dans le récit du passé colonial, la distanciation est à son comble, puisque le récit se fait alors entièrement en voix-off, façon presque glaciale de servir une histoire qui pourtant déborde de passion, de feu, de sang et de larmes : mais bien sûr, cette époque n'existe plus, ce n'est déjà plus qu'un souvenir, ce ne sera bientôt plus qu'un rêve.
Il doit exister mille façons de lire ce film, qui embrasse généreusement presque autant de thèmes. L'une d'elles serait d'établir le parallèle avec le film de Murnau auquel il emprunte son titre, et, dans le désordre, les sous-titres des ses deux parties : Paradis perdu et Paradis (encore aurait-il fallu trouver un cinéphile suffisamment averti au sein de la rédaction de cette cyber gazette). Une autre est de relever la simultanéité entre la fin abrupte d'une passion amoureuse, qui cause elle-même sa propre perte, dont elle portait le germe en elle, et l'indépendance des colonies, comme si cette fin d'empire, aussi prévisible qu'inéluctable, était elle-même un gros chagrin d'amour, inconsolable, une plaie jamais refermée qui sous-tend le Portugal d'aujourd'hui.
Crash-test :
30 janvier 2013
Le temps maudit des colonies
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