Il Divo de Paolo Sorrentino.
De la merde dans un bas de soie. Ce n'est pas un jugement de valeur sur ce fort bon film, mais le cri du cœur de Napoléon à propos de Talleyrand. Et c'est ce qui vient à l'esprit, mode vestimentaire mise à part, à la vue de cet aperçu touffu, confus et virtuose, de la personnalité de Giulio Andreotti, incarnation de la politique italienne pré-berlusconienne, vingt et une fois ministre, sept fois président du conseil, scorpion dans un panier de crabes, alchimiste génial qui transforma les années de plomb en âge d'or de la démocratie-chrétienne.
La copie distribuée en France a beau se fendre d'un glossaire en guise d'avertissement, on a vite fait de se perdre dans les allers et retours chronologiques depuis la mort du président du parti démocrate-chrétien Aldo Moro assassiné par les Brigades Rouges en 1978 jusqu'aux procès d'Andreotti du début à la fin des années 90, où le divin Divo parvint à passer entre les mailles du filet. Entre les deux, clientélisme, trafic d'influence, assassinats politiques ou non, liés ou non à la mafia, ou à la sulfureuse loge maçonnique P2 (dont fit partie le petit Berlusconi...). Mais cette confusion, ce halo de soufre, suffisent en eux-mêmes à servir le sujet, qui n'est pas l'histoire de l'Italie récente, mais bien un homme politique hors du commun : gentil garçon, catholique dévôt, sans vices connus, convaincu de la justesse de sa mission, Andreotti les enterrera tous, au propre comme au figuré.
En laissant planer peu de mystères sur les responsabilités réelles du personnage dans un certain nombre d'affaires, et notamment sur ses liens à géométrie variable avec la Mafia, ce film va au delà d'un simple portrait. Il questionne assez profondément la nature de l'action politique. Raillé abondamment par ses adversaires pour sa morgue et sa grisaille, Andreotti illustre à merveille comment rien n'est justement ni tout blanc ni tout noir, et comment les circonstances peuvent amener un homme à agir à l'encontre de ses convictions pour mieux les servir. Une machiavélique piqûre de rappel à l'heure où nombre de politiciens se drapent dans la morale. Même en France. Si si.
La composition de l'acteur principal Toni Servillo, est étonnante, en bossu rabougri, rongé par les migraines. Le seule ligne politique constante d'Andreotti semble d'ailleurs d'avoir tenté de maintenir, en vain, son médicament préféré sur la liste des spécialités remboursables. Réalisation vive et intelligente de Sorrentino, cédant parfois à quelques effets de caméra un peu superflus, mais truffée d'idées visuelles proches du génie, comme cette cène (Jésus-Christique, veux-je dire) ou Andreotti trinque avec ses amis politiques pour fêter sa candidature à la présidence en cognant son gobelet d'aspirine contre les coupes de spumante.
Le spectateur se prendrait bien un petit remontant aussi, tant à la fin du compte c'est la nausée qui l'emporte devant le champ de ruines politique laissé en héritage, et la solitude désespérante pour seule récompense du coupable.
Crash-test :
7 février 2009
Le bon Dieu sans confession
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4 commentaires:
Ha du bel article que voilà ...
Mais le " bas de soie "ne blesserait il pas un peu ?
je m'explique:
Tu as presque failli EN parler et déroger à la règle de sérénité qui préside ce blog.
j'ai vu la bande annonce hier du dit film. bof , je ne suis pas plus tentée que ça , même si je vois à la qualité de ton argumentation que l'œuvre vaut le détour.
ce brave Talleyrand , quel maître ,tout de même.
Dommage que les Bonaparte se posent parfois un ton en dessous?
Je faisais des généralités. La morale en politique... à vrai dire je pensais davantage au cas K.
Ha j'aime mieux ça .. pour la "tenue "de ce blog.
oui , morale et politique...
On finit par se répéter un peu inutilement sans doute.
On va finir par passer pour de vieux radoteurs, mon pauvre Hobopok.
Bien vu, tout à fait d'accord avec toi. Mon commentaire est disponible sur Télérama.fr, nom de code all_about-eve...
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