19 septembre 2008

L'aloi des séries

La rentrée télévisuelle s'est bien passée ? Courbet sur France 2, ça le fait bien ? Pour ma part, j'ai décidé de vendre mon poste, ou peut-être même de le donner, vu l'âge canonique du bidule (quatre ans), autant dire la préhistoire de la télévision. Je vous rassure tout de suite, je continue à regarder des conneries, genre les œuvres complètes de Raymond sur TF1, mais grâce à mon ordinateur. Et aussi, grâce à un lien pour ainsi dire télépathique avec les meilleurs diffuseurs US, je me tape de temps en temps quelques séries américaines bonnes ou moins bonnes, dont voici un rapide panorama pour ceux qui auraient envie de se faire leur propre programme, au grand dam des marchands de temps de cerveau disponible.

Pour ceux qui n'auraient pas bien suivi l'évolution à Hollywood, il faut savoir qu'aujourd'hui, en gros, les meilleurs talents, producteurs, scénaristes, techniciens, et même certains acteurs, préfèrent travailler pour la télé, où sont traités des thèmes adultes de plus en plus crus, plutôt que pour le cinéma, ou les âneries adolescentes se succèdent aux bandes-annonces pour pop-corn. Voici donc, en gros ce qu'il faut avoir vu.

Damages.
Glenn Close dans un suspense judiciaire à rebondissements. Le diable en toge de prétoire. Une jeune avocate intègre un prestigieux cabinet d'affaires, pour s'apercevoir que sa si suave patronne la manipule, elle comme tout le monde, au delà de l'entendement. Intrigues alambiquées et retorses, qui ne sont pas sans rappeler la série culte Profit. Treize épisodes haletants pour la première saison, une seconde est dans la boîte.

Weeds.
Déjà la fin de la quatrième saison, la moins bonne, il faut l'avouer, des aventures parfumées de Nancy Botwin. Dans un décor oppressant de suburbia mythique, cette jeune veuve bien comme il faut s'est lancée dans le trafic de beuh pour assurer l'éducation de ses deux fils. Démarrée sur un ton un peu "commentaire social", la série a très vite bifurqué vers la franche comédie. Nancy a désormais un pied au Mexique. ¡Viva Marijuana!

Breaking Bad.
Un minable prof de chimie en Arizona se fait diagnostiquer un cancer en phase terminale. Que faire ? Réponse : des méthamphétamines, le plus possible, le plus vite possible. Sur un thème proche de celui de Weeds, ce qui révèle assez la place que la drogue peut occuper dans la société étasunienne, un traitement très différent, beaucoup plus froid et glaçant, mais non sans humour à même température. Avec le même (délicieux) acteur, Bryan Cranston, la série offre curieusement quelques similarités avec Malcolm in the Middle (voir plus loin), dans son portrait de la famille, thème évidemment central. Sept épisodes dans la première saison, on nous en promet treize dans la seconde.

Californication.
Attention, la deuxième saison va bientôt redémarrer aux Etats-Unis. David Duchovny, des pitoyables X-Files, se refait une réputation d'acteur dans le rôle déjanté de cet écrivain new-yorkais à côté des ses pompes à Los Angeles encore amoureux de son ex-femme. Des gros mots, du cul, de la critique sociale et familiale en veux-tu en voilà. Du rythme, de bons dialogues, ça le fait, comme on dit à Elleh. Un point noir : la seule série qui ait bâclé son générique. Tout pourri.

Dexter.
Michael C. Hall s'était fait un nom avec Six Feet Under. Le revoici en tueur en série par ailleurs expert en traces de sang pour la police scientifique de Miami ! Ça fait beaucoup pour un seul homme. Surtout que son père (adoptif) était policier, et que sa sœur (adoptive) est détective dans le même service. Dexter tueur et homme de loi efface les frontières entre le bien et le mal. Pas une once de vraisemblance bien sûr. Assez jouissif une fois qu'on entre dans le trip. La troisième saison démarre elle aussi bientôt aux Etats-Unis.

Mad Men.
La diffusion de la deuxième saison s'achève en ce moment outre-atlantique. De bonnes critiques, mais grosse déception. Le milieu de la pub à New York au début des années 60. Tout le monde fume, de préférence dans la figure de sa petite amie, tout le monde picole, de préférence au bureau en pinçant les fesses des secrétaires. Passé le soin maniaque à recréer cette époque et tous ses aspects les moins glorieux, passée la tentative d'y chercher les racines de la folie de notre époque à nous, reste une réalisation qui se traîne en longueur. C'est lent, c'est lent, c'est lent, je me suis endormi avant la fin de la première saison.

John Adams.
Mini série historique en sept épisodes. Alors là je manque pas d'air d'en parler vu que je l'ai pas encore vue. Mais bon, les critiques sont dithyrambiques, et avec Paul Giamatti pour incarner le méconnu second président des Etats-Unis, je vois pas comment la mayonnaise aurait pu tourner.

Les Soprano.
Champion toutes catégories. La série qui a changé à jamais la face de la télévision. C'est pas d'actualité brûlante, vu que la sixième et dernière saison s'est achevée en juin 2007. Mais je ne l'ai vue que récemment. Sur le cul. Comment David Chase, le producteur-créateur a réussi à terminer sa série sans à proprement parler la conclure reste un tour de force. Brillant. Rappelons aux largués qu'il s'agit de la saga d'un boss de la mafia du New Jersey, et des ses deux familles, sa femme et ses enfants, et son autre famille. Capisce ?

Malcolm in the Middle.
Pour finir, j'ai presque un peu honte, cette série déjà ancienne qui a tenu sept saisons pour s'achever en 2005, peu diffusée en France, et quasi indisponible en DVD (histoire de droits musicaux). Papa, maman, et leur cinq garçons (pourtant les parents ont la télé) : chronique familiale pas si classique que ça, pas de morale lénifiante à deux cents, un peu les Simpson avec des vrais acteurs. Et c'est pareillement drôle à crever. Presque une famille modèle pour les jeunes pères de famille.

Ne figurent pas à ce catalogue subjectif, Seinfeld, qui vieillit, comme nous tous. Ni Curb Your Enthusiasm, déjà traité. Ni Rome, qui date déjà un peu, mais qui vaut le coup d'œil aussi. Ni Lost parce tout le monde le regarde de toute façon et qu'en ce moment c'est relâche.

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12 commentaires:

Jean-no a dit…

J'ai bien aimé Weeds. Tout le reste, j'ai raté, à part les Sopranos qui a fini par me lasser à vrai dire.
Il y a beaucoup d'invention dans les nouvelles séries américaines (qui sont un peu les conséquences lointaines du séisme Twin Peaks) mais plus j'en vois plus je les trouve un peu semblables : un thème choc (souvent piqué à un film mais pas toujours), une galerie de personnages attachants, un bon sens des rebondissements et une gestion du scénario sur la longueur (ce qui n'avait pas beaucoup existé avant Twin Peaks, car les histoires du fugitif, de V, de Hulk etc., auraient bien pu durer des milliers d'épisodes même s'il y a tout de même un début et une fin). Parfois ça s'étire en longueur au delà du raisonnable (Lost, 4400) et on perd toute vraisemblance. Certains tics finissent par lasser, comme l'inclusion d'un peu de gore pour rendre les choses "réelles". J'ai été déçu par Rome : c'est beau, dans un sens, mais l'idée sociologique de base (deux légionnaires issus du peuple témoins de l'histoire avec un grand H) rend rapidement le récit aussi crédible que le Vercingétorix de Christophe Lambert. Pourtant ce n'est objectivement pas mal...
Pareil avec L Word : c'est gentil, ça fonctionne, mais, Mutatis Mutandis, le scénario aurait pu être le même dans un groupe de chrétiens évangélistes, de membres du Klux Klux Klan, de policiers, d'avocats, de super héros,...
Au bilan, qu'est-ce que je garderais vraiment ? Arrested Developpement qui est particulièrement drôle, Six feet under qui arrive vraiment quelque part (et qui me donne très envie de voir Dexter) et les séries de Joss Whedon (Buffy, Angel, Firefly) qui sont les plus difficiles à vendre mais qui sont à mon sens les seules vraiment originales et inimitables.

Hobopok a dit…

Je suis très circonspect pour David Lynch, mais reconnaissons lui effectivement le talent d'avoir un peu défriché le terrain avec Twin Peaks. Personnellement j'en pince définitivement pour les Soprano.

L'argument "les personnages e ressemblent, les situations se ressemblent", ben oui, c'est vrai, tout n'est pas follement original, mais on pourrait en dire autant de la chanson française ou de la littérature russe, sans que ça oblitère quelques chefs d'œuvre, et qu'une bonne partie de la production reste honnêtement au-dessus de la ligne de flottaison.

L'intérêt de voir des thèmes/personnages classiques dans des séries TV de plusieurs heures est justement de pouvoir laisser libre cours aux auteurs pour mieux les traiter, mieux explorer les ramifications et incidences, sans bâcler pour tout fourrer tant bien que mal en 90 minutes comme parfois au cinoche.

Lost, c'est redoutablement crétin, mais pour moi c'est le feuilleton ultime, au sens du genre littéraire du XIXe siècle. Une énigme chasse un mystère... Comment nos héros vont-ils s'en sortir ? Vous le saurez la semaine prochaine...

Arrested development, j'avais commencé. Je vais donc devoir persévérer.

Jean-no a dit…

Dans Arrested Developpement il y a une montée en puissance, plus on en voit... Ce qu'en dit Philippe Dumez.
Sur le côté redondant des séries, c'est pas grave c'est vrai, car c'est très bien fait. En même temps quand on me dit "wahou, une super série qui vient de sortir..." je me dis : j'attendrais que le coffret soit soldé. Je regarde tout ça avec un grand plaisir mais sans impatience.
Sur les Soprano, je pense que c'est beaucoup mieux que dans mon souvenir car entre temps j'ai découvert que la VO changeait complètement les séries, or Sopranos, j'ai vu ça en VF. Un jour...

Li-An a dit…

J'ai bien aimé Six Feet et j'ai accroché à Karavan... Mais la caméré speed de 24 H m'a fait tenir 5 minutes, le casting de Lost m'a fait tenir 15 minutes, j'ai tenu un épisode de Desesperate Housewives etc... La plaisir de ces séries est un plaisir "à suivre". Ça ne vaudra jamais un grand roman ou un grand vrai film qui nous disent "attention, votre temps est compté sur Terre". Je me demande d'ailleurs si les séries se surfent pas sur une vision du monde teenager: "tu aimes un truc ? T'inquiète pas, jamais ça ne s'arrêtera..."
(Soprano, un épisode)

Et tous ces metteurs en scène sont bien gentils mais ils n'arrivent même pas à la cheville de Luc Besson... La forme, Bon Dieu, la forme !!!

Hobopok a dit…

Bientôt on va apprendre que Tschaï est adolescent !

Anonyme a dit…

d'ac' avec li-an, tous ces réalisateurs de série sont formatés et interchangeables...
de plus, après avoir maté une saison d'une série, si distrayante soit-elle, je flippe toujours en me disant que j'aurait pu me taper l'équivalent d'une quinzaine de films, et donc autant de point de vue et d'idées différentes, plutôt que de rester scotché sur la même idée ressassée pendant 25 heures...
hmmm, bon, je vais faire une sieste...

Hobopok a dit…

Là encore, c'est pas faux. Mais ça perd de vue que dans uns série télé, l'Auteur (avec un grand A) n'est pas le réalisateur mais le producteur/ La marque qu'impriment des personnalités fortes comme David Chase ou JJ Abrams s'accomode sans peine de gentils réalisateurs à qui on demande juste de mettre du film dans la caméra et faire parler les acteurs dans le micro. Et je ne vois toujours pas pourquoi l'idée de répétition nous serait si étrangère. Personne n'a relu 25 fois la même BD ? Personne n'a vu 25 matches de foot ? A chaque media, à chaque format ses vertus.

Anonyme a dit…

bin, à temps égal passé devant un écran, mater 25 fois Raging Bull (3225 heures) est quand même plus instructif que 4 saisons de Lost ( 3234 heures)
(cette vision rentabiliste de la culture ne prend pas en compte le fait que, parfois, faut bien avouer qu'on préfère se vider a tête)

Hobopok a dit…

Ah,ça je pense qu'après vingt-cinq Raging Bull (un des mes films préférés) d'affilée on a la tête bien vidés. Mais bien sûr une bonne série ne ressasse pas toujours la même idée. Les cadres scénaristiques sont des points de édpart vers des horizons parfois lointains, et à cet égard, j'y reviens, les Soprano donnent un panorama des USA actuels plus complets que 140 films d'auteurs.

Sur le côté rentable, c'est vrai, c'est la limite du genre chez la plupart des diffuseurs, l'audience commande. Pas chez HBO, chîne à péage qui diffusa les Soprano, Rome, John Adams...

Mais je ne connais aucun Scorsese qui table sur des salles vides...

Glorb a dit…

Je me suis déjà fait la même réflexion sur le temps passé à regarder des séries plutot que des films. A chaque fois que je croise une liste de palme d'or depuis 50 ans je me fais la même réflexion. Il y a tellement de films que je n'ai pas vu, comment perdre autant de temps à regarder des séries ? En même temps c'est quand même mieux que la télé-réalité, non ? (j'essaie de me rassurer) Le phénomène marche également pour la même bd relue 25 fois.

Mais bon là cette semaine les affaires sérieuses reprennent, toutes les séries se remettent en marche, et dire qu'on s'était promis de finir le prisonnier avant la rentrée, va falloir combiner avec une série de plus sur le programme..

Hobopok a dit…

Et en te lisant, j'ai eu la curiosité d'aller voir le site officiel de la ville de Portmeirion. Surprise :

http://www.portmeirion-village.com/content.php?nID=8;ID=88;lID=1

Glorb a dit…

Oui j'ai vu ça vendredi mais apparemment il y a déjà eu beaucoup de projets avortés. J'étais sur le site parce que justement, on a décidé d'aller voir de plus près ce que ça fait d'être dans la télé ce weekend. Le résultat est assez sympa. Bon du coup maintenant devant le prisonnier on tracke les feintes de cadrage.

http://zoe-zoe.fr/blog/index.php?2008/09/22/28-portmeirion-au-pays-de-galles-le-village-du-prisonnier