15 avril 2008

Body snatchers

Deux faits divers ces dernières semaines nous font craindre une nouvelle invasion des profanateurs de sépultures. Tout d'abord ces dégradations de tombes musulmanes dans un cimetière militaire du Pas-de-Calais, avec croix gammées et insultes dégradantes pour notre bien-aimée garde des sceaux, qui ne laissaient guère de doute sur la caractère raciste et nazillon des auteurs. Et plus récemment, dans un bled de la Meuse, des croix et des stèles renversées dans un cimetière chrétien, les gendarmes privilégiant une piste "gothique hollandaise" (j'imagine qu'ils ont dû retrouver sur place des restes de gouda à l'effigie de Marilyn Manson).

Je sais que c'est pas bien, que le respect des défunts est un des traits qui définissent l'humanité, bla bla, tout ça, mais bon, de mon point de vue, même si de tels agissements ne sont bien sûr pas à recommander, y a quand même pas mort d'homme. En tout cas pas de fraîche date. Toutefois le code pénal ne l'entend pas de cette oreille, et dans son article 225-17 punit toute atteinte à l'intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. Tarif triplé, dans l'article 225-18, quand les infractions définies à l'article précédent ont été commises à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes décédées à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.


Et c'est là que ça devient intéressant, car en toute bonne logique, si l'on s'en tient à la lettre de la loi, qui se veut extrêmement dissuasive, alors tous les archéologues qui vont nous déterrer des momies égyptiennes ou sumériennes, nous excaver des tumulus protohistoriques, tous ces laboureurs funéraires me semblent tomber sans le moindre équivoque sous le coup de l'article 225-17. Et même de l'article 225-18 quand ils déterrent un cadavre en raison de son appartenance à une ethnie égyptienne, maya, ou de sa religion supposée solaire ou zoroastrienne...

Je perçois bien qu'il y a un distingo qu'on peut établir entre un nazillon aviné et un scientifique œuvrant pour le bien commun, mais enfin la loi est la loi, non ? Eh bien non. Jamais le moindre archéologue n'est poursuivi pour profanation de sépulture. Peut-être est-ce un privilège tacitement accordé à la profession, mais qu'en serait-il si le scientifique pris de rage voulait soudain déterrer sa belle-mère ? N'est-ce pas plutôt parce que plus aucun membre de la famille ne fleurissait la tombe de Toutankhamon qu'Howard Carter s'est cru autorisé à en emporter le contenu ? On voit par là qu'un certain temps doit s'écouler, et tout devient permis. Mais combien de temps ? Vingt minutes ? Vingt ans ? Vingt siècles ? Un certain temps, d'une brumeuse imprécision, qui transforme votre tombe en terrain de jeux, comme si vous n'aviez pas vous aussi été mis en terre dans l'espoir d'une vie après la mort, tout pharaon que vous êtes, à l'abri aussi bien des archéologues que des gothiques hollandais.

3 commentaires:

Li-An a dit…

Ah, c'est beau la mauvaise foi...

Hobopok a dit…

Aucune mauvaise foi, la question est claire : combien de temps doit-il s'écouler pour qu'on puisse déterrer un cadavre avec les félicitations de l'Académie ?

Anonyme a dit…

bien vu l'article.; au delà de ce que l'on pourrait considérer comme de "la mauvaise foi" , ce qui n'est pas mon cas , il semble qu'on considère parfois très subjectivement certaines perspectives . Et celle là me semble assez bien épinglée, étant précisé que notre morale républicaine et droit de l'hommiste fait facilement " deux poids deux mesures". Nous restons très " euro- centristes" dans nos valeurs, avec en plus cette présomption à faire mieux que nos ancêtres..

ce qui n'est pas du tout évident.