19 mars 2008

La plaisanterie

La bonne nouvelle vient de tomber : Fouad Mourtada (photo) vient d'être grâcié par le roi du Maroc Mohamed VI. Fouad Mourtada, c'est cet internaute marocain dont la condamnation le 23 février à trois ans de prison et 10.000 dirhams (880 euros) d'amende pour avoir falsifié des informations et usurpé l'identité du prince Moulay Rachid sans son consentement (Le Monde) sentait si bon l'embastillement et l'arbitraire.

En fait, Fouad, admirateur de la famille royale (comme il est de bon ton au Maroc) se faisait passer pour le prince frère du roi dans un profil sur Facebook. Insupportable lèse-majesté ! Et encore, c'était pour plutôt enjoliver la vie du prince et en aucun cas le dénigrer... On imagine que si Fouad s'était, en plus, permis la moindre critique, on l'aurait donné à bouffer à des chameaux. Son cas avait ulcéré les internautes du monde entier, et, par solidarité, les faux Moulay Rachid s'étaient mis à fleurir comme des jonquilles au printemps sur Facebook et un peu partout ailleurs sur la toile.


Une grâce, franchement, c'est bien la moindre des choses. On aurait préféré qu'il soit innocenté et réhabilité. On aurait préféré surtout que de pareilles condamnations ne soient même pas envisageables ni au Maroc ni ailleurs.

Aujourd'hui, le roi du Maroc se donne le beau rôle avec ce beau geste, mais l'objectif recherché à travers le cas de Fouad Mourtada est largement atteint : faire trembler de peur tous les internautes et tous les blogueurs du royaume (les journalistes on s'en est déjà occupé) qui croyaient que la toile pouvait être un espace de liberté protégé par son statut d'extraterritorialité. Chapeau.

A noter au passage que Fouad Mourtada avait été repéré grâce à l'élégante collaboration de son fournisseur d'accès internet, Maroc Télécom, une société contrôlée par le français Vivendi. Cocorico.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Kareem Amer, lui, est toujours en tôle.
http://www.freekareem.org/kareem-faq/

Hobopok a dit…

En effet son cas est également édifiant (mais en anglais). A vrai dire, pour un Mourtada, qui a défrayé la chronique dans le monde francophone notamment, on ne compte plus les internautes chinois, birmans, cubains qui croupissent dans diverses geôles Voir le tour d'horizon de Reporters sans frontières :
http://www.rsf.org/article.php3?id_article=26085

Mais pour Mourtada, il est permis de penser que le barouf, en France, autour de son cas, a pu infléchir la position du palais, qui n'avait peut-être pas anticipé l'ampleur de la publicité faite à l'affaire, et les mauvaises retombées en termes d'image.

Anonyme a dit…

Seuls les rêveurs occidentaux peuvent encore penser que les droits de l'homme et leur version occidentale sont transposables en Afrique ;
Cqfd dans ton article.

les valeurs sont autres: la religion , la tradition, le coté sacré du roi..
ce que tu relates me semble parfaitement logique et conforme au fonctionnement de ces états, derrière une vitrine diplomatique apparemment seyante pour nous.
Rappelons que, ne serait ce que le divorce, est encore une sanction pour les femmes là bas .( perte de dignité et de moyen de survivre, honte ,rejet de la famille)
Nombre de petites filles en sont pas scolarisées.
les égalités sociales restent énormes.
Au Maroc, l'autorité du roi , par ailleurs commandeur des croyants reste sacrée ; ce n'est pas sarko , qu'on peut tourner en dérision dans une république laïque.


Penser autrement , c'est en rester à euro centrisme béat qui nie la réalité sociologique.

Hobopok a dit…

Ben non moi je crois pas que le droit d'ouvrir sa grande gueule soit un privilège de blanc bien nourri, ni que celui de la fermer fasse partie du pittoresque d'un autre monde sous prétexte de différence culturelle.

Les droits de l'homme sont une conquête inachevée, ils ne sont pas tombés du ciel, et n'ont pas été investis de droit divin sur l'Occident. Il a bien fallu, là-même où ils sont reconnus aujourd'hui, à défaut d'être parfaitement pratiqués, combattre les précédentes "différences culturelles". Nier leur universalité revient à excuser par avance toutes les oppressions au nom de "différences culturelles".

Anonyme a dit…

Ouh là , j'ai offusqué hobopok , là. Je le sens bien...

Or donc,
ta position a été la mienne , mais ne l'est plus au , regard des évolutions géopolitiques.
Même si il est évident , qu'on ne peut que souhaiter l'universalité des droits de l'homme, de la manière la plus générale possible, il me semble que ce qui anime certains Sud, voir ailleurs, ne montre pas des évolutions dans ce sens .
Ne confondons pas nos vœux pieux et la réalité .
Ce n'est pas du tout une question de couleur de peau . Dire cela , c'est trahir ma pensée:Retour des Talibans , massacres ethnico -religieux, bombes humaines , mal traitance des femmes et des enfants, auxquels s'ajoutent les maux de la mondialisation et d'un libéralisme débridé, de ses nouvelles formes d'esclavage et de ses delocalisations intempestives ...
Non , je ne crois pas que le monde progresse actuellement.

Avant la liberté de s'exprimer sur internet, certes indispensable pour nous favorisés, j'estime qu'il y a des causes encore plus douloureuses , même si elles n''excusent pas les atteintes au libertés d'expression en Afrique , au Tibet ou ailleurs..

Par exemple, ma mère , de retour d'ethiopie m'expliquait qu'aujourd"hui encore , en Afrique subsahariennne , des jeunes filles sont cousues , excisées , recousues avec des épines lorsque le mari s'absente, et redécoupées au retour ...ET elles n'ont pas la possibilité de "l'ouvrir", ni sur internet , ni ailleurs.

Ce qui m'inquiète , c'est , non seulement que les droits de l'homme ont du mal à passer , mais qu'ils reculent même à certains endroits, parfois même chez nous.

ce n'est pas toujours notre idéologie généreuse qui prime.

voir les "tournantes "dans les caves, pour faire un peu rapide.

la réalité est celle ci et le nier ne fait pas avancer la cause.
j'envisage assez peu que ma fille porte le tchador ou subisse une quelconque atteinte à son intégrité ..
même si elle se lâche assez largement trop sur le net ..comme sa mère.

Si tu veux , j'ai un peu de mal avec ça et ça me touche plus que la cause tu exposes, parce que qu'elle touche un grand nombre d'êtres innocents.
Ça m'énerve plus qu'un internaute( niveau de vie convenable si il y a accès) qui s'amuse à faire passer pour un prince.La bonne nouvelle étant qu'il est sauf..Tout de même.
Pour la petite histoire du Maroc, les emprisonnements politiques et la torture, tout comme les arrestations arbitraires , étaient une grande spécialité d'Hassan II. ( prison ou l'on ne peut même pas se tenir debout par exemple).

sinon , je sens implicitement dans ton propos comme une responsabilité de la religion chrétienne, collabo de la monarchie abosolue dans " ce mépris des droits" .
Rappelons que c'est dans les pays à racines chrétiennes que sont nés les droits de l'homme et qu'ils s'y développent le mieux.

universalité , solidarité et l'égalité sont à des valeurs chrétiennes, même si elles ont été malmenées par les stratégies politiques de l'église.


Bien intéressant ce petit débat.

je passe de temps sur ton blog que sur le mien.
Bises amicales.

Hobopok a dit…

Cantonnons nous, si tu le veux bien, à la question de la liberté d'expression. Ce que je veux dire, c'est qu'elle a été conquise dans les pays de tradition chrétienne, comme tu le soulignes, contre la religion, et non pas grâce à elle. Penser que les musulmans (d'ailleurs pourquoi cette opposition ?) ou les hindous ou autres n'aspirent pas à la liberté d'expression, revient à les condamner à des théocraties qui ne correspondent pas nécessairement à leurs souhaits profonds, à abandonner des peuples entiers à la manipulation de quelques minorités aux intérêts fondamentaux plus politiques que religieux.

En tout état de cause, le pessimisme n'est pas une doctrine.

Anonyme a dit…

Oui oui. Là, on est à peu près d'accord.
le pessimisme n'est pas une doctrine, certes. c'est juste mon appréhension personnelle. Disons que je ne suis pas très optimiste.

Pour ce qui est des églises et des religions, il me semble qu'il ne faut jamais les confondre, qu'elles soient musulmanes , juives chrétiennes, le cœur des croyants est souvent plus ouvert que celui des églises .
les églises cherchent le pouvoir et la maitrise. les croyants tentent de vivre ses valeurs. Elles rejoignent souvent celle des droits de l'homme.

Les droits de l'homme se sont donc construits contre les églises( d'où le nécessaire laïcité chez nous) , mais pas contre des idées , qui sont , une fois encore à l'origine des droits et du respect de la personne . ceci est valable pour tous les grands monothéismes.
c'était la position des philosophes des lumières, je crois . Et ce sont bien eux qui sont à l'origine de nos valeurs.

j'avais fait des articles là dessus avec mon "petit pork ", qui s'intéressait bien à ça . je vais voir si je remets la main dessus pour chez moi.


je suis toujours bien étonnée de voir autour de moi, tant de gens "informés" , qui méprisent toujours la religion, avec cette force anticléricale , quasi inembranlable.
question d'éducation?
j'en reste pour moi à Voltaire, dont la mesure des positions me sied parfaitement.


je ne serai jamais "une sans culotte"....

Hobopok a dit…

Et c'est tellement plus pratique pour se retourner dans son slip.

Anonyme a dit…

ah, elle est bien bonne cette là...Une bonne journée ma foi.
Bon , c'est pas tout ça ...A quand le prochain article . je commence à m'impatienterlà.