A bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson.
Trois frères américains (Owen Wilson, Adrien Brody, et le co-scénariste Jason Schwartzman) se retrouvent dans un train indien, destination inconnue, ils n'ont rien à se dire, il ne se passera quasiment rien pendant une heure et demie (j'exagère un tout petit peu, mais les péripéties ne valent rien par elles-mêmes, seulement par les réactions qu'elles suscitent ou pas chez les trois héros), aucune carte postale de l'Inde pittoresque, aucun cliché sur le géant émergeant, aucun stéréotype sur les traditions millénaires, mais beaucoup de sagacité et de finesse dans un récit parfaitement maîtrisé. Les cadres travaillés avec une grande sensibilité graphique, le montage qui parie sur la surprise et sur l'intelligence des spectateurs, produisent une atmosphère poétique visant à traduire ce qui est, je crois, après des détours majeurs par les thèmes de la mort, de l'héritage, de la filiation, le vrai sujet du film : l'inadéquation des personnages à leur environnement. Inadéquation au pays qu'ils traversent sans le comprendre mais sans le trahir, inadéquation à leurs propres aventures, à leur famille, bref, l'étrangeté de la vie en général. Etrangeté du prologue avec Bill Murray en homme d'affaires pressé qui rate le départ du train, ce qui n'a rien à voir avec le curry. Exotisme final avec l'ultime illustration musicale, quand, une fois nos trois héros débarqués du Darjeeling Limited et réembarqués à bord du Lancier du Bengale (un autre train, ou alors un clin d'œil cinéphilique), retentissent Les Champs-Elysées de Joe Dassin. Wes Anderson est vraiment trop fort.
Rappelons qu'il est le réalisateur de l'invraisemblable et inclassable et merveilleuse et encore plus délirante Vie aquatique, et de La famille Tenenbaum que je n'ai toujours pas vue.
En cherchant bien j'ai réussi à trouver quelque chose à pichorgner : les trois frères emportent partout avec eux de magnifiques bagages siglés d'une grande marque de maroquinerie française. Ce placement de produit était-il vraiment nécessaire ?
Surout ne pas manquer le début : un court-métrage précède le long, avec Jason Schwartzman et Natalie Portman qui se retrouvent dans une chambre d'hôtel parisienne. Petit bijou d'understatement, un éclairage indispensable sur le Darjeeling Limited.
Et j'oubliais presque, en guest star : Anjelica Huston, la mère devenue nonne dans l'Himalaya !
Crash-test :
29 mars 2008
La vie du rail
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6 commentaires:
un très bel article qui nous fait percevoir , dans son style même toue la délicatesse du film, avec un soupçon de suspens qui pousse à surtout tout lire jusqu'au bout.
niveau style ,on est un peu dans les extrêmes cette semaine...
mais je crois que c'est oit qui l'emporte.
Rassurée par ce commentaire, car j'ai vu le film en compagnie d'une amie qui l'a trouvé vide et inutile. Comme personnellement j'ai été sensible à sa poésie originale, et aux sujets essentiels qu'il abordait sans avoir l'air d''y toucher, le tout dans un décor inattendu et des images étonnantes.
Merci donc pour ce commentaire .
C'est ça avec Wes Anderson, c'est une petite graine innocente plantée chez le spectateur qui devient très vite un baobab centenaire. Plus j'y pense, et plus je crrois que ce film est vraiment super.gnhian
Vu hier soir. D'accord avec l'ensemble. On pourra remarquer que la nonne dans l'Himalaya est une référence au Narcisse Noir de Michaël Powell (un film magnifique) http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Narcisse_noir
Autant (au temps, pour faire plaisir à certain prof de français) pour moi. Je n'ai pas vu tout Michael Powell.
Éh bien voilà une bonne occasion de trouver le DVD :-)
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